L’été dernier, deux internationales françaises, Aurélie Kaci et Élise Bussaglia ont décidé de tenter un nouveau challenge : l’Espagne. Kaci, Lyonnaise de 28 ans, décide de passer de l’autre côté des Pyrénées pour rejoindre le champion en titre : l’Atlético de Madrid. Tandis que Bussaglia quitte l’Allemagne et Wolfsburg pour rejoindre le célèbre club catalan du FC Barcelone. Les deux joueuses reviennent pour Cœurs de Foot sur leur expérience hispanique, presqu'un an après leur début dans ce championnat espagnol, en plein essor. 

 

 

Coeurs de Foot – Aurélie vous avez fait quasiment toute votre carrière à Lyon, votre club de formation. Comment on se décide à le quitter pour de bon ? 

Aurélie Kaci : « Je suis née là-bas, j’y ai fait toutes mes classes, le sport étude. C’est Lyon qui m’a fait progresser. Mais ça faisait longtemps que je voulais partir à l’étranger. Ça a toujours été dans un coin de ma tête. J’ai senti que c’était le moment et j’ai saisi l’occasion de venir en Espagne. »

 

CDF - Qu’est-ce qui vous a attiré en Espagne ? 

A. K. : « L’Espagne ça m’intéressait depuis longtemps, surtout au niveau de la langue. Après je ne savais pas trop où partir et c’est vrai qu’on a commencé à avoir des discussions intéressantes avec l’Atlético. On cherchait un club qui jouait la Ligue des Champions. Le projet est intéressant et c’est en plein développement donc ça me plaisait de venir ici. »

Élise Bussaglia : « Le projet de Barcelone est de construire une équipe compétitive pour disputer la Liga et la Ligue des Champions. J’avais aussi envie de découvrir un nouveau challenge avec un nouveau pays, une nouvelle culture et un nouveau championnat. Tout était réuni pour que je vienne ici. »

 

« Ce sont des équipes qui veulent progresser, 

que le championnat devienne professionnel. » Aurélie Kaci

 

CDF - Vous êtes joueuses professionnelles, que ce soit à Barcelone ou Madrid ?

A. K. : « Il y a plusieurs joueuses professionnelles mais c’est en développement. Pas mal de joueuses, surtout les Espagnoles, sont encore en études. Ça me fait penser un peu à la France, au début de Lyon il y a à peu près huit ans. Ce sont des équipes qui veulent progresser, que le championnat devienne professionnel, mais du coup c’est en transition. »

É. B. : « Il y a beaucoup de joueuses qui étudient. Elles s’entraînent le matin et vont étudier l’après-midi. Mais certaines sont professionnelles. »

 

CDF - Élise, vous qui avez connu l’Allemagne aussi, souvent réputé comme le plus développé et relevé en Europe. Pouvez-vous nous faire un petit comparatif ?

É. B. :« C’est sûr que c’est une autre expérience, une autre façon de vivre. Le climat [temps météorologique] est quand même assez différent. Ensuite, au niveau du foot ça change aussi. [A Barcelone] C’est quand même un jeu plus « proche » de celui de la France, en terme de possession de balles et de philosophie de jeu. Après là où j’étais c’était des grands clubs aussi, donc l’exigence reste la même. »

 

CDF - Aurélie, comment définirez-vous le jeu de l’Atletico de Madrid ? 

A. K. : « C’est typiquement le jeu espagnol. Ça joue, essaye de sortir des petits espaces. Du jeu court, du jeu à une touche de balle. Mais aussi des transversales pour changer de côté parfois. Pour moi c’est le vrai football, où on essaie de jouer et de prendre du plaisir au maximum. »

 

CDF - Comment est la concurrence entre les clubs en Espagne ?

É. B. : « En Allemagne il y a beaucoup d’équipes qui peuvent créer la surprise. En Liga ça peut l’être aussi. Comparer au championnat de France où c’est quand même un peu plus rare. Ici, il y a beaucoup d’équipes avec des joueuses techniques et qui proposent du jeu. »

 

A. K. : « Oui, pour moi c’est la grosse différence avec la France. J’ai connu que des clubs comme Lyon et Paris où les matches ne sont pas joués d’avance, mais où c’est plus difficile de créer la surprise. Ici, que ce soit le dernier ou avant-dernier il y a tellement une culture foot que rien n’est lâché. Même à 3-0 on est pas sûr de gagner, les adversaires vont être là à essayer de revenir. Il faut se battre à tous les matches. Et c’est plus difficile de « plier » le match, comme Lyon arrive à le faire par exemple. »

 

« La saison est longue et fatigante. » Élise Bussaglia

 

CDF - Est-ce que le fait qu’il y ait 16 équipes dans ce championnat, alors qu'il n'y en a 12 en France tout comme en Allemagne, ça joue aussi ? Ça aide à garder le rythme ? 

A. K. : « C’est vrai que le championnat de France à ce niveau-là, il y a pas mal de trous en deuxième partie de saison. Alors qu’ici on a des matches tous les week-ends, sauf week-end de sélections [Internationales] pour celles qui n’y sont pas. Au niveau du rythme c’est autre chose. Après c’est essentiel d’avoir un groupe qui vit bien et qui tourne. Personnellement je préfère, ça fait plus de matches et on est toujours dans le championnat. »

É. B. : « Oui on a plus de matches à jouer. Après la Coupe [d’Espagne] c’est un peu différent puisqu’on la joue après le championnat, en fonction des huit meilleures équipes de la saison. Mais c’est vrai qu'on a un calendrier assez chargé par contre, avec quasiment pas de week-end de libre.  

La saison est longue et fatigante. Mais c’est sûr que de jouer tous les week-ends ça permet de rester dans le rythme. Les effectifs sont aussi préparés en début de saison pour ça. Et la particularité c’est qu’on peut faire quatre changements par match. »

 

CDF - Il reste un match de championnat ce dimanche, pour le moment l’Atletico a les cartes en main pour conserver son titre de champion de Liga. Comment vous gérez cette dernière ligne droite ? 

É. B. : « La priorité c’était de gagner la Liga. Pour l’instant on est deuxième [à un point de l'Atlético de Madrid]. On verra si ça se fait ou pas. Bien sûr qu’on espère que l’Atlético va se faire accrocher. Mais en tout cas ça ne dépend plus de nous. Tout ce qu’on peut faire c’est donner le meilleur de nous même et gagner. »

A. K. : « On a hâte que le match arrive. Pour faire le travail sur le terrain. Après on ne fait pas vraiment de différence avec les autres matches. On sait que de toute façon on doit gagner. Il faudra faire le travail habituel et essayer de ne pas trop y penser [au titre]. »

 

« C’est comme un autre petit

championnat qui va commencer. » Élise Bussaglia

 

CDF - Si c’est serré sur le plan national, on sent qu’au niveau européen, Barcelone est mieux « armé ». Du moins commence à être régulier dans cette compétition. Une campagne plus difficile pour l’Atlético qui tombe lourdement face à Wolfsburg (15-2) en seizièmes… 

É. B. : « Oui le parcours en Ligue des Champions a été bon l’an dernier et cette année aussi. Maintenant je pense que les places en finales et demi-finales seront de plus en plus difficiles à atteindre. Parce que tous les clubs essaient de progresser et de s’armer au mieux pour atteindre cet objectif. Le Barça en fait partie et j’espère qu’on y arrivera prochainement. On travaille beaucoup pour ! 

Le projet c’est de développer l’équipe féminine dans les années qui viennent pour atteindre la finale de Ligue des Champions. Et j’espère que ça se fera le plus vite possible. Mais c’est vrai que le club en tout cas à envie de continuer à améliorer son équipe féminine. »

 

A. K. : « Malheureusement on a joué contre Wolfsburg et ça ne s’est pas très bien passé. Mais après c’est une expérience qui manque [au sein du club]. Même si on a beaucoup de joueuses internationales dans notre équipe, la Ligue des Champions c’est quand même une compétition à part. Il faut la jouer pour avoir de l’expérience et petit à petit ça ira mieux. »

 

CDF - Après le championnat, y aura un autre objectif qui arrive très vite : la Copa de la Reina…

É. B. : « Oui, c’est comme un autre petit championnat qui va commencer. Même si on ne rencontrera pas toutes les équipes, ça dépendra du tirage au sort. On aura quatre matches au mieux pour essayer de gagner un trophée. Et gagner des titres c’est toujours ce qu’on recherche dans les sports de haut-niveau. On va tout faire pour y arriver. » 

A. K. : « Ce que j’aime bien surtout c’est que c’est en terme de play-offs, avec les huit meilleures équipes du championnat qui jouent la Coupe. On s’attend donc à de gros matches. »

 

CDF - Les Coupes nationales, ça vous réussit plutôt bien Élise, puisque vous en avez gagné au moins une avec chacun des clubs dans lesquels vous êtes passée (Juvisy, Montpellier, PSG, Lyon, Wolfsburg)... 

É. B. : « (rires) Oui les Coupes nationales me réussissent plutôt bien. J’espère que je vais gagner celle-là aussi en Espagne. » 

A. K. : « Oui alors moi c’est l’inverse (rires), ça ne me réussit pas trop. Pour l’instant, on reste concentrés sur la Liga et sur le dernier match qui arrive, mais on ne va pas se mentir, l’idéal serait le doublé. On verra lundi le tirage au sort, contre qui on tombe. Et à partir de là on pourra vraiment y penser. »

 

« Je suis contente d’avoir marqué ce but,

devant tant de personnes, dans ce stade… » Aurélie Kaci

 

CDF - Cette année, des deux côtés vous n'avez pas réussi à prendre le dessus dans vos confrontations directes (1-1 au match aller comme au match retour).

A. K. : « Si on suit la continuité de la saison, on a des chances de se rencontrer [en Copa de la Reina]. Je ne vais pas le cacher, Barcelone c’est le match le plus intéressant de la saison, même si tout ne se joue pas là. Clairement j’aimerais qu’il y en ait un autre. Après si c’est en finale ce serait encore mieux, mais il faut déjà y aller en finale. »

É. B. : « J’espère qu’on se rencontrera encore, pourquoi pas une troisième fois en Coupe. Et puis que cette fois il y aura un vainqueur. Puisque c’est vrai qu’en Liga sur les deux confrontations directes on n'a pas eu de vainqueur. »

 

CDF - Avez-vous des contacts un peu avec vos homologues masculins ? 

É. B. : « Il n’y a pas forcément plus d’échanges que cela. En même temps on a des programmes chargés de part et d’autre. Ce n’est pas facile de trouver des moments. Après on a fait la photo officielle tous ensemble en début d’année et c’était sympa. »

A. K. : « Pareil on a eu la photo officielle tous ensemble, dans le nouveau stade. On s’entraîne dans le même centre donc on peut les croiser ou les côtoyer. Mais en général on n’a pas les mêmes horaires, donc on ne se voit pas plus que ça. Après c’est vrai que je n’avais jamais fait une photo en même temps que les garçons. C’était la première fois. »

 

CDF - Cette saison, Élise vous marquez votre premier but au FC Barcelone, le jour de votre anniversaire (24 septembre). Mais Aurélie, vous marquez de votre côté le premier but de l’histoire de l’Atlético de Madrid au Wanda Metropolitano (enceinte des garçons). Qu’est-ce qui est le plus savoureux ? 

É. B. : « Moi mon anniversaire ça m’est égal. Je pense que marquer dans son stade avec son équipe, en plus c’est un stade magnifique qu’ils ont construit maintenant [à Madrid]. Donc ça devait être une émotion particulière. En plus c’était un beau but. Tant mieux pour elle. Maintenant j’espère qu’elle va moins en marquer et me laisser moi marquer parce que c’est une concurrente directe (rires). Non c’est une boutade. C’est une super joueuse elle le mérite. »

 

A. K. : « (Rires) Je marque pas souvent quand même. Ça reste rare ! Forcément je suis contente d’avoir marqué ce but, devant tant de personnes, dans ce stade qui est juste magnifique. Après c’est vrai que ce jour-là, je retiens surtout qu’on a fait 2-2. Contre une équipe de Madrid (le Madrid CFF ndlr) donc c’était un derby. Du coup, c’est pas forcément une bonne chose, je retiens surtout le résultat plut que le fait d'avoir marqué un but. »

CDF - Comment est l’ambiance, le public en Espagne ?

É. B. : « Il y a une bonne ambiance. Le public est sympa, les supporters sont très agréables et nous encouragent. Ils sont top ! On a eu beaucoup de monde contre Lyon. Sinon après en championnat c’est quasiment tout le temps à peu près pareil. »

A. K. : « Oui on a du monde qui vient, après beaucoup moins que ce qu’on a pu voir au Wanda. Mais ça m’a encore plus surprise du coup de voir autant de monde au Wanda. La dernière fois que j’ai vu autant de monde c’était un Lyon-Paris en Ligue des Champions, au Groupama Stadium. Je trouve ça impressionnant que dans ce championnat-là qui se développe, on arrive à pouvoir générer autant de monde sur un match [22 202 spectateurs au Wanda Metropolitano]. Ça démontre qu’il y a un gros potentiel avec le public espagnol. »

 

« Ça prouve qu’ils veulent investir sur le développement du championnat féminin. » Aurélie Kaci

 

CDF - Le fait que vos matches soient diffusés à la télévision chaque week-end (sur Bein La Liga ou Gol TV), ça amène plus de monde dans le stade ? 

É. B. : « C’est vrai qu’en France, en plus le dernier club où j’ai joué c’est Lyon, il y avait beaucoup de supporters aussi à Lyon. Mais il y a quand même pas mal de personnes ici. On voit qu’il y a un engouement particulier pour le football féminin. Puisque comme vous le dites, les matches sont diffusés à la télévision, donc rien que ça, ça créé un intérêt. »

A. K. : « Ça prouve qu’ils veulent investir sur le développement du championnat féminin. Puis à la télé ce n’est pas juste diffusé, ils en font de la pub. Ça ne passe pas inaperçu. »

 

CDF - Allez-vous continuer l'aventure en Espagne dans ces mêmes clubs la saison prochaine?

É. B. : « Oui j’avais signé pour deux ans, donc j’ai encore un an de contrat. »

A. K. : « Il me reste un an de contrat également. » 

 

CDF - Vous concernant toutes les deux. Vous êtes passées par des clubs en commun, sans jamais vous croiser. Quand Élise Bussaglia quitte le PSG pour Lyon, Aurélie vous faites le chemin inverse. Et quand Aurélie revient à Lyon, Élise vous partez en Allemagne…

É. B. : « Oui c’est ça. On s’est croisées. On a joué ensemble en équipe de France. Peu souvent, mais quelques stages ensemble aussi. Mais pas en club. »

 

CDF - Justement en équipe de France y a une petite anecdote. En octobre 2015, pour sa première titularisation Aurélie Kaci vous fait une passe décisive. Vous vous en souvenez ?

É. B. : « (rires) Non je ne m’en rappelle pas. Je sais qu’Aurélie en tout cas a d’excellentes qualités. C’est une très bonne joueuse de foot. Pendant les stages j’ai bien aimé jouer avec elle. Mais je ne me souviens pas de cette passe et de ce but. C’était contre qui ? »

A. K. : « C’était contre l’Ukraine je crois (victoire 3-0 de la France en Ukraine ndlr). Bon après j’ai pas beaucoup joué en équipe de France. Mais oui c’est vrai. J’espère du coup que c’est elle qui me fera une passe décisive en finale de la Coupe de la Reine (rires). »

Morgane Huguen