L’annonce de Wendie Renard, puis de Marie-Antoinette Katoto et Kadidiatou Diani, de se mettre en retrait de l’équipe de France ne constituent pas des cas isolés. D’abord, parce qu’elles interviennent après d’autres mises à l’écart et départs de cadres en équipe de France, survenus depuis la Coupe du monde 2019.

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La sélection tricolore n’est aussi pas la seule dans ce cas. L’univers du football féminin, et notamment du côté des sélections nationales, est traversé par de multiples exemples de conflits ou de ruptures entre les joueuses, les sélectionneurs et leurs fédérations. Retour sur cinq exemples emblématiques récents, dont certains sont d’ailleurs loin d'être résolus…

 

Ada Hegerberg, une si longue absence

Parmi les coéquipières de Wendie Renard à l’Olympique Lyonnais, Ada Hegerberg a connu elle aussi un longue période d’éloignement de la sélection. En 2017, à l’issue d’un Euro décevant, l’attaquante norvégienne avait pris ses distances avec la sélection scandinave.

Pour Ada Hegerberg, son expérience en équipe nationale était devenue source de « cauchemars », de « déprime », se disant « mentalement brisée » à l’issue des différents rassemblements de la sélection norvégienne.

Ballon d’or 2018, et devenue l’une des stars mondiales de la discipline, son absence en sélection était devenue une anomalie. Ce fut notamment lors de la Coupe du monde 2019, compétition majeure dont la finale se jouait à Lyon, devenue au fil des années et de ses exploits avec l’OL, la deuxième terre d'attache d’Ada Hegerberg.

En mars 2022, Ada Hegerberg faisait son retour en sélection norvégienne, et disputera ensuite l’Euro 2022 en Angleterre. Un tournoi qui se révèle aussi décevant que le précédent championnat d’Europe, avec une Norvège de nouveau éliminée au premier tour.

Depuis, le sélectionneur Martin Sjögren a été remplacé par Hege Riise, ancienne internationale norvégienne, et une autre cadre de la sélection s’est mise en retrait à la suite de l’Euro. Il s’agit de Caroline Graham Hansen, qui a fait le choix de faire une pause avec l’équipe nationale, en raison d’un problème cardiaque. Elle continue néanmoins sa carrière en club, sous les couleurs du FC Barcelone.

 

Au Canada, un conflit encore chaud

Alors que les Bleues s’apprêtaient à se réunir à Clairefontaine pour préparer le Tournoi de France, une autre sélection était gagnée par un mouvement de révolte début février. Réunies en Floride, en amont de la SheBelieves Cup, les internationales canadiennes annonçaient le 10 février leur décision de faire grève, pour dénoncer les coupes budgétaires annoncées par la fédération, et les inégalités de traitement entre les sélections masculine et féminine. Des disparités qui risquaient par ailleurs de s’amplifier en raison de ces coupes budgétaires.

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Si le mouvement de grève a été rapidement interrompu, il pourrait reprendre dans les prochaines semaines. En effet, les joueuses canadiennes doivent respecter certaines procédures légales, avant de pouvoir cesser le travail. Selon la presse canadienne, elles pourraient donc se mettre à nouveau en grève lors de la prochaine trêve internationale, au mois d’avril, avec un notamment un match amical prévu contre l’équipe de France, le 11 avril au Mans.

Contraintes de participer à la SheBelieves Cup, les joueuses canadiennes ont bénéficié de la solidarité affichée par une partie de leurs adversaires. La star brésilienne Marta a assuré son soutien à la démarche des internationales canadiennes, tandis que les joueuses canadiennes et étasuniennes se sont réunies en cercle, avant le coup d’envoi de leur match le 17 février dernier, pour marquer la solidarité entre les joueuses des deux équipes.

 

États-Unis, la voie à suivre ?

Les joueuses des États-Unis en soutien de leurs voisines canadiennes, après avoir elles aussi mener un éprouvant combat face à leur fédération. Une longue bataille judiciaire, débutée le 8 mars 2019, quelques mois avant la Coupe du monde en France, remportée à l'été 2019 par la sélection américaine.

Ce quatrième titre mondial pour les États-Unis, le deuxième consécutif, a participé à convaincre du bien-fondé de leur slogan : « equal pay » (revenus égaux) pour les sélections masculine et féminine. De fait, en mai 2022, les États-Unis sont devenus le premier pays à acter le principe d’un pot commun, réunissant les primes FIFA reçues par les hommes et les femmes lors des compétitions internationales, et notamment des coupes du monde.

Ces primes, sont alors réparties de manière égale entre les joueurs de deux sélections, alors que les primes sont près de dix fois supérieures en Coupe du monde masculine. Un mécanisme inédit alors que d’autres fédérations établissent un pourcentage égal entre les deux sélections (30 % par exemple pour la France), ce qui maintient les inégalités induites par les différences de gains proposés par la FIFA pour les coupes du monde masculine et féminine. Ce nouveau mécanisme vient s'ajouter à d'autres avancées obtenues par les internationales américaines, au fur et à mesure de la procédure.

Cette résolution du conflit s’est produite au terme d’un processus indécis, au cours duquel les internationales américaines avaient connu de premiers revers sur le terrain judiciaire, mais qui a également provoqué la chute du président de la fédération (USSF), Carlos Cordeiro, remplacé par sa vice-présidente et ancienne internationale américaine, Cindy Parlow Cone.

 

En Espagne, une réconciliation est-elle encore possible ?

De l’autre côté des Pyrénées, la sélection espagnole a largement changé depuis l’Euro, l’été dernier en Angleterre. Et pour cause, 15 joueuses (dont Sandra Panos, Mapi Leon ou Ona Batlle) ont décidé de claquer la porte de la sélection en septembre dernier. Une crise qui s’est jouée en plusieurs temps, avec de premiers signes de conflits lors du rassemblement de la Roja, début septembre, le premier après l’Euro, suivi par une rupture durable le 22 septembre.

Présentée comme l’une des favorites de l’Euro 2022, l’Espagne avait été stoppée par l’Angleterre en quart de finale. Des regrets pour l’Espagne, et surtout des blessures préjudiciables pour la Roja, avec les forfaits de Jennifer Hermoso, et de la Ballon d’or, Alexia Putellas blessée le 5 juillet lors d’un entraînement en amont de l'Euro.

Points communs

Cette blessure d’Alexia Putellas rappelle celle de Marie-Antoinette Katoto lors du dernier Euro. L’attaquante tricolore a été victime d’une double-blessure au genou droit (rupture de ligament et fissure du ménisque) lors du match de poule face à la Belgique.

La veille du match, l’attaquante parisienne avait subi un choc au même genou, lors d’un entraînement, sans inciter le staff de l’équipe de France à la ménager. Un épisode évoqué par Katoto dans son message pour expliquer son retrait de la sélection.

Les griefs portés par les joueuses espagnoles ressemblent aux critiques formulées par Wendie Renard vendredi. Elles évoquent notamment une situation qui affecte de manière importante leur « santé » et leur « état émotionnel », et un « malaise » au sein de la sélection depuis l’Euro.

La fédération défend ses prérogatives

Si de manière officielle, les joueuses concernées affirment ne pas demander la démission de Jorge Vilda, l’actuel sélectionneur de l’Espagne, c’est bien dans ces termes que l’information a été dévoilée par la presse espagnole. Les choix du sélectionneur, mais aussi les contenus et conditions des entraînements feraient partie des cibles des critiques.

À ce jour, les 15 joueuses sont toujours écartées de la sélection, alors qu’elles comptent plus de 500 sélections cumulées. À cette liste, il faut aussi ajouter Alexia Putellas, actuellement blessée et qui a apporté son soutien à la démarche de ses coéquipières, et également Irene Paredes, écartée de la sélection après avoir elle aussi réclamé du changement. À l'inverse, Jennifer Hermoso a fait récemment son retour en sélection espagnole, à l'occasion de la Coupe des Nations, tournoi organisé ces derniers jours en Australie. L'attaquante espagnole, qui évolue désormais dans le championnat mexicain, avait dans un premier temps apporté son soutien aux "15", tout en se montrant plus réservée sur la méthode.

Du côté de la fédération, le soutien à Jorge Vilda s’est révélé indéfectible, la RFEF indiquant qu’elle ne « permettra pas que les joueuses questionnent la continuité du [mandat] du sélectionneur et de son équipe technique. (…) Ces décisions ne relèvent pas de leurs compétences ». Une fin de non-recevoir, agrémentée de menaces de sanctions, une position finalement confirmée ces derniers mois. Elle se veut confortée par les résultats encourageants de ces derniers mois (avec notamment une victoire en match amical face aux États-Unis, le 11 octobre dernier), mais aussi avec la conviction que l’Espagne dispose d’un important réservoir, notamment avec ses joueuses championnes du monde U20 et U17 en 2022.

 

Christiane Endler tape du poing sur la table

Une autre joueuse lyonnaise est montée au créneau, ces derniers jours, à l’occasion de cette trêve internationale. Il s’agit de Christiane Endler. La gardienne chilienne était en Nouvelle-Zélande pour les barrages intercontinentaux de la Coupe du monde, une expérience amère pour les joueuses chiliennes, battues par Haïti.

Le Chili ne participera pas à la Coupe du monde 2023, et « Tiane » Endler n’a pas mâché ses mots à l’issue de cette élimination. Elle évoque un « manque d’écoute (…) des autorités du football chilien », face à des joueuses qui demandaient « un changement de direction » depuis quelque temps. Considérée comme l’une des meilleures gardiennes du monde, Christiane Endler a également évoqué la possibilité de se mettre en retrait de la sélection, en l’absence de changements substantiels.

Premier effet de cet échec en barrages, le limogeage du sélectionneur José Letelier, en poste depuis 2016, et qui avait notamment mené le Chili vers sa première qualification en Coupe du monde, il y a quatre ans pour le Mondial 2019 en France, puis aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021. Une première décision qui acte la fin d’un cycle, mais qui ne pourrait ne pas suffire à relancer la Roja.

 

Photo : Stéphane MAHE / Reuters (Ada Hegerberg, Wendie Renard et Catarina Macario, le 24 avril 2022, lors de la victoire de l'Olympique Lyonnais [3-2] face au Paris Saint-Germain, en demi-finale aller de la Ligue des Championnes)

Hichem Djemai