Arrivée en provenance de Lyon l'été dernier, l'internationale finlandaise Katriina Talaslahti, a débuté sa carrière de gardienne de football de l'autre côté du Rhin, au Bayern Munich, où elle va rester six saisons. Après avoir remporté notamment la Champions League et la Coupe de France avec l'Olympique Lyonnais, la joueuse a rebondi à Fleury cette saison, qui lui a donné sa chance de faire ses preuves et qu'elle a saisi avec brio ! Entretien avec la jeune joueuse de 21 ans, qui dirige avec beaucoup de maturité sa carrière. 

 
 

Coeurs de Foot - Comment jugez-vous votre passage à Lyon ? L’objectif pour vous était d’avoir la place de titulaire ou avant tout d’emmagasiner de l’expérience ? Est-ce que vous gardez tout de même un goût amer de ce départ ? Votre jeune âge a t-il été préjudiciable ? 

K. T. - J'ai joué en Allemagne juste avant pendant six ans, à Munich, et juste avant cela j'étais à Nuremberg (pendant une saison, ndlr), juste à côté. Après cela Lyon m'a contacté, et ils m'ont dit qu'ils seraient heureux de m'avoir dans leur club. C'est ainsi que ça a commencé en [juillet] 2019. 

Je pense que rejoindre Lyon ça a d'abord été une bonne expérience pour moi, et de bons entraînements avec le coach des gardiennes spécifiquement. Je suis toujours à la recherche du meilleur entraînement possible, surtout avec un coach spécifique pour les gardiennes, parce que c'est mon premier rôle sur le terrain (sourire), au-delà de la tactique à mettre en place avec le coach principal (Fabrice Abriel, ndlr) et les autres joueuses, même si je suis également dessus par la suite. Mais pour moi le plus important c'est cela, d'avoir un coach des gardiennes et cela a débuté dès mon plus jeune âge, depuis que j'ai quitté mon pays natal. En Allemagne puis en France aujourd'hui, ça a toujours été mon objectif premier d'avoir un bon entraîneur des gardiennes dans mon équipe. 

Non je n'ai pas un goût amer [d'avoir quitté l'OL], j'ai passé cette période aujourd'hui, j'ai eu des bons moments à Lyon, on a eu beaucoup de succès, on a remporté la Champions League, la Coupe de France et le championnat, je me suis faite beaucoup d'amies et elles le resteront toujours. Mais c'était le temps pour moi de relever un autre défi, et d'avoir du temps de jeu, de ne plus être sur le banc, je suis jeune, mais mon but c'est de jouer. Donc pour moi c'était une bonne opportunité de venir à Fleury, et de me montrer. Mais j'ai beaucoup appris de mes précédentes années, ils m'ont donné ma chance et j'en suis vraiment reconnaissante. 

(elle réfléchit) Oui et non [pour mon jeune âge]. Je pense que j'ai grandi depuis mon départ de la Finlande et que ça soit en tant que joueuse ou personne, je pense avoir énormément appris de par mes années d'expériences loin de mes terres natales, ça m'a beaucoup aidé pour continuer à avancer (sourire) et à charbonner dans ce milieu [de mûrir rapidement en étant loin de chez moi]. 

 
 

CDF - Passer par Lyon c’est aussi des années de gagner dans son apprentissage ? Vous attendiez-vous à jouer dans un si grand club et de rebondir dans un club avec de hauts objectifs comme Fleury, toujours en D1 ? 

K. T. - Oui je pense [avoir gagné beaucoup d'années d'apprentissage] , j'ai tiré beaucoup d'enseignements à Lyon, j'ai emmagasiné beaucoup de souvenirs et le fait de prendre soin de moi, j'ai également appris sur la technique en tant que gardienne. Ce sont toutes de grandes footballeuses, donc c'est bien que je sois restée en France (sourire) pour jouer dans le même championnat, donc je peux jouer contre elles (sourire) pour me mesurer à elles. C'est une belle opportunité encore une fois. 

Oui je faisais tout pour [rejoindre un autre grand club]. En Allemagne déjà je jouais dans un grand club en général (masculin et féminine), au Bayern Munich, donc aller dans un autre grand club, c'était un énorme pas pour moi, et ce sont deux nations très différentes avec des styles de jeu très différents, mais vu mon jeune âge et les joueuses plus expérimentées que moi [au Bayern], donc oui et non (sourire) [je savais qu'un grand club pouvait me signer]. 

Oui je pense que nous avons de hauts objectifs à Fleury. Quand je suis arrivée au club, j'avais de hauts objectifs déjà, je veux être performante dans le championnat, je veux aider l'équipe à être à une bonne place au classement, aujourd'hui nous sommes 4e, donc je trouve qu'on s'est vraiment bien débrouillé jusqu'à présent. Je suis une joueuse qui donne tout aux entraînements, qui est sociable et qui va au contact des joueuses, qui veut connaître les joueuses, ensemble on peut créer une dynamique, une atmosphère propice pour créer de la qualité dans notre jeu et c'est cela qui va nous permettre de remporter nos matches et/ou de donner le meilleur de nous-mêmes. Donc oui j'ai de fortes aspirations ! 

 

CDF - Ce dimanche vous affrontez justement votre précédent club pour la seconde fois (le match aller s'est soldé sur le score de 4-0, ndlr), est-ce que c’est à nouveau un gros test pour vous ? Le moment de briller ? 

K. T. - Je pense que oui [c'est un gros test] (elle réfléchit). 

(sourire) Oui je pense aussi [que c'est le moment de briller], nous avons déjà affronté une première fois Lyon, et nous nous attendons à un match très difficile.  

Ça demandera énormément d'efforts de notre part du début à la fin, parce que Lyon est une grande équipe dans le championnat. Encore une fois nous allons donner le meilleur de nous-mêmes, nous allons nous soutenir de manière positive, et nous ne savons jamais à l'avance ce qui peut arriver dans le foot. Nous sommes vraiment positives à l'idée de jouer ce match retour à domicile, et nous n'avons rien à perdre. 

 

"C'est une équipe avec laquelle on peut démontrer  

ce dont on est capable sur des matches" 
 

CDF - Vous faites vos preuves rapidement avec Fleury, devenez un véritable atout pour l’équipe et vous redonnez un véritable élan à votre carrière également ? 

K. T. - Je pense que c'est une bonne étape pour ma carrière, c'est une équipe avec laquelle on peut démontrer ce dont on est capable sur des matches, parce que le niveau en D1 Arkema est vraiment bon, et nous avons chaque week-end d'excellents matches à jouer, donc quand on a un mauvais résultat, je me dis qu'on peut se racheter le suivant. Vous avez le temps d'apprendre, un temps pour prouver vos qualités, de vous montrer donc oui je pense que c'est un bon palier franchi dans ma carrière. 

 

CDF - On dit parfois que le poste de gardienne est un poste solitaire. Est-ce que c’est aussi votre sentiment ? Est-ce que vous avez un préparateur mental pour vous accompagner ? Comment gérez-vous la communication avec les autres joueuses sur le terrain? 

K. T. - Oh oui ça l'est ! (rires) Parfois ... (blanc) tu peux adorer ce poste, parce que tu es la seule à pouvoir prendre le ballon avec les mains sur le terrain, mais c'est aussi très difficile comme poste, parce que vous êtes la seule à pouvoir le faire justement, il n'y a qu'une seule gardienne. Dans le groupe il y a trois gardiennes, donc vous devez vous battre pour vous-même pour avoir la place de titulaire et je pense que c'est cela qui en fait un poste très compliqué. Mais oui (rires) je suis toujours là pour me battre. 

Non je n'en ai pas, si je suis dans une situation où j'en ai besoin [d'un préparateur mental], bien sûr que j'en prendrais un, mais depuis un long moment je prends soin de moi-même mentalement, (rires) très bien, et je suis contente de mon parcours jusqu'à aujourd'hui. 

Actuellement je parle en français avec mes coéquipières sur le terrain en tout cas (rires), bien sûr il y a des joueuses avec qui je peux parler en anglais et en français tout aussi bien et avec vos mouvements de mains également et l'intonation de votre voix, c'est tout cela la communication quand vous êtes gardienne. 
 

CDF - Quelle est votre vision sur le championnat finlandais et votre vision du football en France et dans le monde ? 

K. T. - (sourire) Si on commence par évoquer la Finlande, (elle réfléchit) je n'ai jamais joué dans le championnat finlandais, mais je sais que le niveau est beaucoup moins élevé qu'en Allemagne, ou en France, aujourd'hui je pense que la D1, est l'une des meilleures ligues dans le monde chez les femmes. Je pense que le championnat finlandais est bon, mais le niveau est plus bas qu'ailleurs comparativement.  

Je pense que c'est parce qu'en Allemagne, Italie, France, Angleterre et Espagne, ils poussent leur football féminin plus haut, ils investissent plus d'argent et cela permet à ces championnats d'être plus compétitifs et forts, ils apprécient plus le football féminin en général. Et je pense justement que nous avons besoin de passer ce cap en Finlande, pour que la Ligue féminine puisse aller plus haut, mais je pense que ça va dans le bon sens. Nous avons toujours besoin de nous améliorer et de travailler pour que notre championnat national puisse briller en Europe. 
 

CDF - Peu de gens le savent mais la Finlande a été l’une des nations pionnières dans le football féminin et remportera même la première Coupe du Monde non officielle en 1978. Selon vous, qu'est-ce qui explique la perte de vitesse par la suite ? Est-ce que le climat perturbe également le développement de la pratique en Finlande ou ce sont plutôt les mentalités ? 

K. T. - C'est vraiment mystérieux que cela soit arrivé, mais nous devons être fiers que cela soit arrivé pour la Finlande. Ce n'est pas souvent que la Finlande a eu des succès au niveau international, mais nous nous renforçons d'année en année et je pense qu'il est bon aussi de se rappeler de ce bon moment (sourire). 

(elle réfléchit) C'est difficile de trouver une explication (blanc). 

Oui peut-être un peu [le climat], mais c'est un sujet très complexe de manière générale... Oui je pense que la mentalité pour permettre le développement du football féminin en Finlande doit changer, nous avons besoin de plus de soutien [des instances et des fans] pour accroître le niveau de l'équipe nationale féminine. 

 

CDF - Vous êtes la première joueuse Finlandaise à remporter la Champions League, vous dites que c’était un objectif pour vous, est-ce que le prochain objectif c’est un titre en sélection ? On sait que la Finlande est dans le Groupe B pour l’Euro, avec l’Allemagne, l’Espagne et le Danemark, vous êtes un peu l’outsider mais vous pouvez également créer la surprise ? 

K. T. - Oui pour moi remporter la Champions League était mon rêve et il s'est réalisé en 2020 avec l'OL et c'est toujours mon rêve d'en remporter encore. J'ai également d'autres rêves, mais c'est le plus grand rêve pour une footballeuse en club. Je viens tout juste de faire mes débuts avec la sélection finlandaise il y a deux jours (face à la Géorgie, pour les éliminatoires à la Coupe du Monde 2023, victoire 6-0, ndlr), c'était très intense pour moi, je me sentais vraiment bien. C'est aussi un objectif que je souhaite réaliser dans ma carrière [de remporter un titre en sélection] et nous avons encore deux matches à jouer [en septembre] et nous verrons ce qu'il adviendra [pour la qualification ou non au mondial 2023]. Un autre rêve pour moi est de remporter le championnat de France [en tant que titulaire] (l'OL avait remporté le championnat en mars 2020, après l'arrêt de l'exercice 2019/2020, et le PSG a glané le trophée en 2021, ndlr), donc j'espère bien un jour. 

(rires nerveux) Oui ! Je pense que nous allons tous aller à l'Euro en donnant tout ce qu'on peut, nous allons nous préparer du mieux que nous pourrons. Je pense que nous devons aussi profiter [de cette compétition], car nous aurons 3 matches justes exceptionnels lors de cet Euro, mais bien sûr nous savons aussi que ça sera dur. Je pense oui que nous pourrons peut-être créer des surprises, et que ça ira bien en tout cas.  

Oui c'est un rêve de participer à cet Euro, déjà je verrais si je suis sélectionnée, aujourd'hui je ne peux pas encore le savoir, mais je j'espère bien sûr. 

 
 

Photo : Juha Tamminen / Helmarit 

Dounia MESLI