Avant d'affronter le Nigeria, Corinne Diacre est longuement revenue sur le turn over qu'elle pourrait mettre en place dans ce dernier de phase de poules, avant d'attaquer la phase finale. Elle évoque également l'importance de la vie de groupe pour aller au bout de cette compétition.

 

Déjà qualifiée pour ce dernier match. Comment vous abordez ce dernier match contre le Nigeria
Corinne Diacre - L’objectif c’est d'aller chercher la première place, même si un match nul nous suffit, l'idée c'est d'aller chercher la victoire, c’est toujours bon pour la confiance. On veut aussi se rattraper de notre prestation [face à la Norvège] moins probante que contre la Corée [du Sud], même si on a su gagner ce match, même dans la difficulté. On doit continuer sur la même lancée. 

 

Allez-vous effectuer des changements et qu'est-ce qui peut expliquer ces choix ?

C. D. - Oui, il y aura quelques changements sans pour autant tout changer. Comme l'objectif est d'aller chercher une troisième victoire, il faut qu'on reste sur la logique qui est la nôtre depuis le début de la compétition. Il y aura quelques changements. Combien ? Je ne sais pas. Un, deux, trois, je ne sais pas, vous voulez que je vous dise quoi ? Quatre, cinq, six, onze ? Je ne vous le dirais pas (rires). Il y en aura, mais vous ferez les comptes après. L’idée c’est de rester compétitive. 

 

Sur la présence du public lors des deux premiers matches

C. D. - (blanc) Je ne sais pas vous savez nous on est dans notre bulle, on est concentrés vraiment dans la compétition [...] Je ne sais pas ce qui motive les gens, en tout cas nous on est ravis, que les gens puissent trouver intéressant le football que les femmes peuvent pratiquer. Nous on sait ce qu'on est capable de faire, on sait aussi que le football féminin a énormément évolué ces dernières années. Les clubs jouent de plus en plus le jeu aussi, en mettant énormément de moyens et la Fédération met énormément de moyens. Est-ce que le public se retrouve tout simplement dans les valeurs qu'on véhicule, est-ce que ça peut être une explication [de cet engouement] ? Je ne sais pas. Je pense qu'il faut surtout demander aux gens pourquoi ils viennent nous voir aussi nombreux, mais en tout cas nous on ne s'en plaint pas ça c'est sûr.

 

Le 8-0 contre le Nigeria en match amical il y a quelques mois de cela. Est-ce qu'on peut s'attendre au même match et est-ce que ça vous aide psychologiquement à aborder ce match ? 

C. D. - Le dernier match face au Nigeria est loin, aujourd'hui. Le Nigeria depuis a énormément travaillé et le match sera complètement différent, d'autant plus que le Nigeria peut espérer se qualifier avec ce dernier match donc ça sera un match âpre. On s’attend vraiment et le Nigeria entre temps a eu beaucoup de temps pour travailler et pour avoir rencontré le coach des Nerbi au tirage au sort, il m’avait promis que ça serait un match difficile, le Nigeria/France. Je pense qu'effectivement ça sera un match difficile, en tout cas complètement différent de celui qu'on a pu vivre il y a quelques mois. Maintenant nous aussi on a des qualités, donc ça sera à nous de les montrer sur le terrain pour atteindre l'objectif.


Sur les changements

C. D. - Déjà on prend en compte l'état de forme des joueuses et surtout on pense malgré tout un petit peu à la suite de la compétition, mais pas très loin, on pense tout simplement aux huitièmes puisque aujourd'hui on est qualifiés. Ça ne sera pas un turn over pour tourner, ça sera vraiment mettre une équipe compétitive, donc il n'y aura pas beaucoup de changements. Faut pas vous attendre à un turn over de la moitié de l'équipe.

 

On vous a senti détendue à chaque veille de match. Quel est votre état d’esprit, est-ce qu’il y a l’idée de profiter de chaque moment de cette Coupe du monde ? 
C. D. - Très sincèrement, c’est un peu difficile de vraiment profiter de cette Coupe du Monde, parce que j’ai beaucoup de travail. C'est compliqué de profiter de la Coupe du Monde. Je suis dans le même état d’esprit que mes joueuses, je suis très concentrée. Maintenant je sais aussi qu’il faut beaucoup travailler en amont pour donner un maximum de solutions aux joueuses et, surtout, un minimum de questionnement quand elles rentrent sur le terrain. Mon objectif c’est ça et ça me prend beaucoup de temps en dehors [des terrains] et c’est vrai que finalement, c’est le jour du match où je fais le moins de choses. Et en même temps c’est difficile aussi à ce moment parce que je n’ai plus d’emprise, ça c’est aussi difficile pour moi.

Mais profiter, non, malheureusement. Je suis comme mes joueuses, on n’arrive pas à voir l’engouement qui se passe autour. On est dans notre bulle, ce n’est pas qu’une image, on y est vraiment. On aura le temps après de voir ce qui s’est passé durant cette compétition, sachant qu’elle ne sera vraiment réussie que si on arrive au 7 juillet, donc pour le moment on est vraiment concentrés sur ça.

 

Au sujet de votre turn over sur le prochain match, est-ce que les joueuses alignées pourraient gagner une place de titulaire si leur performance est à la hauteur de vos attentes ?

C. D. - Non j'ai envie de dire non. Aujourd'hui comme je vous l'avais dit il me semble, il y a déjà quelque temps, il y a 13/14 joueuses qui peuvent démarrer, donc demain c'est ce que l'on va faire encore. J'ai plusieurs onze possibles, donc demain ça sera un autre 11 de départ, mais de là à me faire réfléchir, non, je connais parfaitement mes joueuses, je sais qu'elles sont leurs qualités, je sais qu'elles sont leurs défauts, je n’ai aucune incertitude. Je sais avec qui je travaille, je sais dans quel état d'esprit elles sont, je sais que les filles qui ont moins de temps de jeu, sont aptes à rentrer, je sais même qu’elles ont qu'une envie, c'est de jouer.


Est-ce que vous avez mis une musique dans la playlist des joueuses pour vous déhancher un peu également ?

C. D. - Écoutez pour ma part, je ne me déhanche pas (rires gênés). Il faut laisser une part de responsabilité et de vie commune aux filles, c’est leur truc à elles. Maintenant j'apprends d'autres choses, ça me permet aussi de connaître un petit peu la musique que peuvent écouter les plus jeunes, donc c'est toujours intéressant de s'ouvrir (sourire).

 

Est-ce que vous avez des inquiétudes sur l'homogénéité de l'équipe si vous faite plusieurs changements demain ?

C. D. - Non non mais moi je ne suis jamais inquiète. Tous les choix sont mûrement réfléchis et il n'y aura pas 4 ou 5 changements [comme vous dîtes], il y'en aura moins. Même si je me laisse encore un peu le temps au niveau de la réflexion. Mais je n'ai aucune inquiétude, comme je vous l'ai les 23 qui sont là, c'est moi qui les ai choisi, donc je sais ce qu'elles peuvent apporter au groupe France. Le onze qui démarrera demain, ne sera pas un onze pour faire plaisir, ça sera un onze compétitif.

 

Un signal fort envoyé à vos joueuses et aux équipes, pour dire qu'il n'y a pas que 13 ou 14 joueuses qui peuvent jouer, mais que c'est un groupe qui peut aller jusqu'au bout ?

C. D. - Écoutez nous on en est convaincu, mon groupe en est convaincu, elles le savent. Les choses étaient quasiment claires, quand on voit nos matches de préparation, quand on voit les onze qui ont démarré à chaque confrontation ces derniers temps, certaines savent très bien qu'elles auront très très peu de temps de jeu, voir pas du tout. Mais je pense qu'à choisir entre être là, et ne pas avoir de temps de jeu et être devant la TV, le choix était vite fait.

 

 

Comment intégrer les remplaçantes dans l'objectif final ?

C. D. - Plutôt que de parler de titulaires ou de remplaçantes, je préfère dire des filles qui démarrent et des filles qui ne démarrent pas. Si la FIFA nous autorise à avoir une liste de 23, c'est qu'à un moment donné on peut avoir besoin de beaucoup de joueuses, de tout le monde donc c'est plutôt des choix de ma part. Ce sont des filles qui démarrent, d'autres qui ne démarrent pas, alors certaines ne démarreront certainement jamais, mais elles ont plus qu'un rôle de remplaçante. Elles ont vraiment un rôle à jouer, on l'a vu sur les dernières compétitions et notamment avec l'équipe de France de Didier Deschamps en Russie, et comme l'a dit Amandine [Henry], ce n'est pas à 11 ou à 14 qu'on gagne une compétition, c'est vraiment à 23. Donc ces filles-là, même si elles ont très peu de temps de jeu, elles ont un rôle à jouer à côté et Dieu sait que c'est pas facile pour elles, parce qu'elles sont frustrées. Ce sont des joueuses de football, elles aimeraient fouler les pelouses, participer à l'ambiance en tout cas un petit peu plus proche du public, mais elles savent qu'elles ont aussi un rôle important à jouer en tout cas pour celles qui démarrent.

 

Son point de vue sur les prestations de Griedge Mbock. Est-ce que ce match contre le Nigeria peut être le moment de la faire souffler ?

C. D. - Oui ça peut être une option de la laisser souffler contre le Nigeria. Elle a eu un petit souci au genou mais elle n’est pas gênée par ça. Je pense qu’elle peut encore faire mieux au niveau de ses performances individuelles. Elle n’est pas loin de son top niveau, mais elle peut faire mieux. 

 

Sur le Nigeria 

C. D. - C'est une équipe qui est très athlétique, c'est une équipe qui domine la Coupe d'Afrique, c'est une équipe qui va être très difficile à manoeuvrer, je pense qu'il ne faut surtout pas s'arrêter aux derniers résultats, que l'on a pu faire. On le voit bien d'ailleurs, toutes les équipes africaines sont très difficiles à jouer, elles ont énormément travaillé depuis leur qualification. Après c'est une équipe qui a des qualités individuelles indéniables, on a cité quelques joueuses tout à l'heure (Asisat Oshoala et Francisca Ordega, ndlr), on peut également citer la Guingampaise [Desire] Oparanozie, il y a des joueuses de talent. Il y a quelques failles sur lesquelles on va s'appuyer. Je pense qu'il faut surtout que l'équipe de France joue comme elle sait jouer, c'est à dire en équipe, avec ses qualités, et si on arrive à gommer les petites erreurs qu'on a fait contre la Norvège, je pense qu'on assistera à un bon match.

 

Sur la pression dû fait d'accueillir et de jouer cette Coupe du Monde à domicile

C. D. - Ca fait quelques années maintenant qu'on sait qu'on a l'organisation de cette Coupe du Monde. Pour ma part ça fait 21 voir 22 mois que je suis en poste, donc j'ai eu 22 mois pour me préparer à cet engouement médiatique, même si souvent on peut se rendre compte des choses que quand on les vit. On s'était imaginé plein de choses sur l'engouement médiatique, ça va même au-delà des espérances de la Fédération (engouement médiatique). L'engouement populaire dans les stades, ça en fait partie aussi. Maintenant je n’ai pas de pression particulière, on avait analysé toutes ces constantes-là pour se préparer au mieux. Il faut qu'on fasse de cet engouement médiatique et populaire une force, c'est ce qu'on essaye de faire. Mais ce qui nous importe aujourd'hui, c'est la compétition. Et si on peut apporter à côté un petit peu de bonheur aux gens et surtout de promouvoir notre discipline on ne va pas s'en priver.

 

 

Au sujet du coach mental (Richard Ouvrard) 
C. D. - On a une personne qui fait du coaching mental au sein du staff, mais pas pour gérer la pression. On n'a pas de pression, jouer au football c'est magnifique. Quand on voit tous les gens qui doivent se lever chaque matin pour aller à l’usine, on se dit qu’on a beaucoup de chance, très sincèrement. Amandine ne pourra pas dire le contraire, on a connu malgré tout, les débuts du foot féminin, où il fallait jongler entre vie professionnelle ou étudiante et la vie sportive. Donc aujourd’hui, on mesure la chance que l’on a.  
Notre discipline évolue, j'ai mes compétences mais je connais aussi mes limites et j’ai envie de dire « à chacun son métier ». Donc effectivement on a un coach mental, et il aide les joueuses à formaliser… pas leur doute, mais à formaliser des choses au sein du groupe pour qu’il vive le mieux possible. La principale raison de sa présence, c’est que le groupe vive mieux sur le terrain, car l’essentiel c’est ça, la performance sur le terrain. 

 

Renard

C. D. - Oui, elle a récupéré de cette erreur qui peut arriver à n’importe qui. Elle s’en est voulue car c’est quelqu’un de compétiteur, c'est quelqu'un qui n'aime pas faire ce genre d'erreur, ça c'est sûr. Mais aujourd'hui elle est passée à autre chose, surtout parce que le groupe a montré beaucoup d’empathie et qu’il a gagné ce match pour gommer cette erreur. Elle a un rôle important au sein du groupe, elle a une grande expérience, que ça soit dans des compétitions internationales, ou européennes avec son club (OL, ndlr), elle est à pleine maturité également. Je ne vais pas parler à sa place, ce n’est pas sa dernière compétition mais elle mesure la chance qu'elle a aujourd'hui de vivre une telle compétition à la maison, et elle sait aussi que sa carrière est plus derrière que devant aujourd'hui, donc elle profite vraiment à fond de cette compétition. 

Dounia MESLI