Elle fait partie des trois joueuses en activité les plus capées en équipe de France avec une possible 170e sélection vendredi en match amical face aux Pays-Bas. Élise Bussaglia, une expérience précieuse de par sa longévité au haut niveau mais aussi du fait qu'elle évolue aujourd'hui au VfL Wolfsburg en Allemagne au contact de joueuses qui feront partie des principaux adversaires des Bleues cet été à l'Euro. Un point de vue privilégié dont nous avons pu profiter à l'occasion du rassemblement des Bleues à Clairefontaine.

 

 

Cœurs de Foot - Première question, pour parler de la She Believes Cup que vous avez remportez le mois dernier avec l'équipe de France qu'est ce que vous retenez de ce tournoi et de cette victoire aux États-Unis ?

 

Élise Bussaglia – C'était un tournoi assez relevé, assez disputé avec des bonnes équipes. Une entrée en matière pas toujours évidente mais voilà petit à petit, on a pris nos marques et le premier match qu'on gagne dans les arrêts de jeu, ça montre aussi une force et ça peut montrer un tournant pour l'équipe et c'est vrai que ça nous a mis sur la bonne voie pour le reste de ce stage-là et voilà finir par une victoire contre les États-Unis, 3-0, c'est bien, c'est encourageant même si on sait que y'a encore beaucoup de choses à travailler. C'est un point positif pour l'équipe et ça nous donne encore plus envie de progresser ensemble et ça nous motive encore plus pour l'Euro.

 

CDF – Le fait de gagner comme ça dans les dernières secondes du match, ça produit vraiment un effet particulier sur l'équipe ?

 

EB – Oui. Franchement, c'est un plaisir de gagner dans les dernières minutes parce qu'on l'a déjà vécu en équipe de France deux/trois fois mais on l'a aussi vécu à notre dépend. Quand on gagne comme ça dans les dernières minutes, ça donne encore plus d'euphorie à tout le monde, c'est de l'adrénaline en plus, c'est des moments qu'on garde et des émotions qui sont fortes, et c'est des points forts dont on peut se servir dans les moments un peu plus dur, on peut aussi se dire on est capable de retourner une situation et c'est important.

 

Les Allemandes « seront prêtes pour l'Euro, ça c'est sûr »

 

 

CDF – Dans ce tournoi il y a eu aussi ce match contre l'Allemagne [match nul 0-0] qui a été la rencontre la plus compliquée alors que l'Allemagne n'avait pas forcément alignée sa meilleure équipe.

 

EB – Oui, l'Allemagne avait peut-être pas commencé avec sa meilleure équipe mais faut pas dénigrer les autres joueuses allemandes. En Allemagne, il y a vraiment beaucoup de qualité et elles ont un réservoir de joueuses assez impressionnant et il n'y a pas une énorme différence entre leur « équipe type » et les autres même si je suis d'accord avec vous c'était pas leur onze, c'était un peu un onze expérimental, elles essayaient aussi des choses.

 

Maintenant, elles nous ont aussi posé des problèmes, on a su en régler certains, pas d'autres et ça nous montre qu'il y a encore du travail. De toute façon, dans un tournoi c'est pas toujours évident de faire que des bons matches donc faire un match peut-être moins bon contre l'Allemagne mais faire match nul c'est quand même un aspect positif aussi.

 

CDF – Quand on regarde l'équipe d'Allemagne, on a le sentiment de voir une équipe un peu en transition avec les retraites de Saskia Bartusiak et Melanie Behringer après les J.O. Est-ce que ça rend cette sélection peut-être plus abordable pour l'équipe de France ?

 

EB – Non, sincèrement je pense que l'Allemagne, elles seront toujours aussi dures à jouer parce que comme je vous dis, elles ont un réservoir de joueuses assez impressionnant. Vous avez cité Behringer, Bartusiak, il y a aussi [Annike] Krahn qui a pu joué. Alors je sais qu'en France, elle a pas eu un super passage au PSG mais en équipe d'Allemagne, elle a tout gagné et c'était un cadre de l'équipe.

 

Mais sincèrement dans ce genre de nations, un peu comme les États-Unis, à chaque fois qu'il y en a une qui part en retraite, il y a des jeunes joueuses de talent qui arrivent. C'est aussi le cas en équipe de France donc c'est aussi notre force. Mais l'Allemagne, ils seront redoutables. Il y a une nouvelle sélectionneuse aussi [Steffi Jones], qui a insufflé un élan nouveau pour toutes les joueuses.

 

Pour en parler un petit peu avec mes coéquipières de club, elles le disent, ça leur fait du bien d'avoir changé d'entraîneure et voilà, elles sont championnes olympiques en titre. Elles ont beaucoup de qualités, elles seront prêtes pour l'Euro ça s'est sûr, donc ce sera à nous d'être prêtes aussi. On verra si on croisera leur route, j'espère que ce sera le plus tard possible, en finale ce serait bien France-Allemagne.

 

«Ces ''petites-là'' (...) ont un talent fou »

 

CDF – Ce renouvellement générationnel, on le voit aussi en France, avec la génération des championnes d'Europe U19 de 2013, et celles qui ont été championnes d'Europe, toujours en U19 l'été dernier. Qu'est-ce qu'elles apportent à l'équipe ?

 

EB – Déjà ce qu'elles apportent, c'est leur talent et leurs qualités individuels, donc propre à chacune et ensuite, c'est un élan et un souffle nouveau, parce que c'est vrai que y'en a plusieurs de cette génération qui sont arrivées maintenant en équipe de France et ça fait du bien aussi et ça permet à l'équipe d'avoir toujours envie de progresser, de créer un collectif encore plus fort, parce que y'a que avec un collectif fort qu'on y arrivera et voilà c'est toujours un plus d'avoir des bonnes joueuses en équipe de France parce que de toute façon, on a besoin de 23 joueuses de top niveau si on veut gagner quelque chose.

 

Avant, y'a quelques années c'était peut-être plus difficile. Maintenant, on a vraiment un gros réservoir aussi en France et c'est que comme ça qu'on arrivera à gagner des titres.

 

CDF – Quel rôle vous jouez par rapport à ces nouvelles joueuses qui arrivent. C'était Sandie Toletti qui nous disait qu'elle attachait beaucoup d'importance à vos conseils et ceux de Camille Abily. C'est important cette transmission d'expérience ?

 

 

EB – Oui, je pense. En plus si vous prenez l'exemple de Sandie, c'est une joueuse qui joue à peu près au même poste que Camille ou moi. Donc oui, c'est sûr qu'aux entraînements ou en match, on aime bien, que ce soit Camille ou moi, donner des conseils aux plus jeunes parce qu'on a plus d'expérience, on a un vécu.

 

Et ces petites-là... (sourire) Je dis « petites » parce qu'on a quelques années d'écart, mais elles ont un talent fou. C'est vrai que parfois, avoir un conseil d'une joueuse plus expérimentée, ça peut faire gagner du temps. Et de toute façon si elles progressent plus rapidement, c'est que positif pour l'équipe donc pour nous c'est aussi notre rôle de les aider à se sentir du mieux possible en équipe de France. C'est des joueuses qui font des bons matches avec leurs clubs, qui font des bons entraînements, qui viennent en équipe de France chaque stage un peu mieux.

 

Elles ont montré beaucoup de bonnes choses avec le maillot bleu, au travers des matches, que ce soit avec les jeunes mais aussi avec nous. Notre rôle c'est qu'elles se sentent presque comme elles sentent avec les équipes jeunes parce que c'étaient des leaders avec les jeunes [et] petit à petit qu'elles se sentent bien et qu'elles apportent tout ce qu'elles peuvent apporter de positif à l'équipe de France.

 

« Le championnat allemand (...) c'est une superbe expérience »

 

CDF – Pour parler de votre expérience en Allemagne à Wolfsburg. Vous aviez dit que vous vouliez finir votre carrière à Wolfsburg. Quand vous parlez de fin de carrière, c'est une perspective à court, moyen, long terme ?

 

EB – Long terme, non, ça c'est sûr (rires) J'avais dit que j'aimerais bien finir ma carrière à Wolfsburg, effectivement, mais je pense que ça va pas être le cas. Je pense que je vais la terminer ailleurs, on verra bien où exactement, j'en sais rien. Mais le championnat allemand est très relevé, c'est une superbe expérience et j'en tire vraiment que du positif. Je sais pas exactement quand j'arrêterai de jouer au foot, pour l'instant, c'est quelque chose que j'aime encore, je suis encore très motivée, que ce soit par l'équipe de France ou de par mon quotidien et mon quotidien c'est le club.

 

Y'a des belles échéances pour la fin de saison, ensuite on verra. On va déjà finir cette saison et ensuite il faudra se concentrer sur l'Euro c'est plutôt une belle motivation pour cet été. Pour l'instant tout ce que je souhaite, c'est de remporter ce match de vendredi contre les Pays-Bas parce qu'elle nous avait battu la dernière fois donc ça c'est déjà très important et ensuite gagner la Pokal [la Coupe] en Allemagne et le titre de championnes ce serait super.

 

CDF – En plus vous venez de reprendre la tête du championnat à Potsdam...

 

EB – Oui, mais seulement par un but. Il reste six matches de matches donc ça va être très serré. Pour voir comment ça joue en Allemagne, j'espère qu'on sera championnes avant, mais à mon avis ça va être serré jusqu'à la dernière journée. Donc on verra bien, il y a encore des beaux matches à faire notamment une confrontation contre Potsdam, donc on verra bien.

 

« Ils ont encore quelques années d'avance »

 

CDF – Est-ce que vous voyez toujours le championnat d'Allemagne comme le meilleur en Europe, notamment par rapport à la D1 ?

 

EB – Oui, clairement. On a beaucoup progressé en France, il y a beaucoup de clubs qui progressent et qui travaillent bien mais l'Allemagne, ils ont encore quelques années d'avance de nous et tous les clubs sont bien structurés. Tous les clubs ont une base collective plus importante, avec des bonnes conditions de travail et ça c'est important et oui il y a encore de l'avance à ce niveau-là.

 

CDF – Pour peut-être donner un exemple concret sur les structures. Est -ce que vous pouvez nous donner un exemple de choses que vous avez vu en Allemagne et que vous ne retrouvez pas pour le moment en France ?

 

EB – Je sais pas s'il y a une chose comme ça parce qu'en France, il y a quand même des clubs très bien structurés. Quand on voit les meilleurs clubs français, ils ont rien à envier aux meilleurs clubs allemands. C'est plus dans l'ensemble.

 

Déjà, en Allemagne, qu'on aille jouer le dernier du championnat ou le premier, le terrain il est de qualité, en France c'est pas le cas. C'est malheureux à dire, mais en France c'est pas encore le cas, tandis qu'en Allemagne, on sait qu'on va jouer sur une bonne pelouse, on sait qu'on va jouer dans un complexe intéressant, quasiment toutes les équipes sont rattachées aux clubs masculins donc elles ont des conditions d’entraînement qui sont bien, des installations qui sont bonnes donc ça, ça compte, c'est capital pour le développement du sport.

 

« Préparez autre chose à côté »

 

CDF – Dernier aspect qu'on voulait aborder avec vous. Vous avez connu le passage d'un football féminin uniquement sous statut amateur [Élise travaillait alors comme institutrice] suivi par l'apparition de quelques clubs professionnel. Est-ce que ce passage d'un football amateur progressivement vers un football professionnel, c'est quelque chose qui vous semble acquis ou est-ce que ça reste compliqué à imaginer ?

 

EB – C'est pas acquis dans la mesure où il n'y a que trois clubs qui sont professionnels. Juvisy est semi-professionnel, c'est un choix, c'est acceptable et ça peut être un aspect vraiment positif aussi d'avoir un double projet. C'est quelque chose d'intéressant et ça c'est un choix de vie que doivent faire les joueuses ou les clubs, ça dépend de chacun.

 

Après il y a beaucoup d'autres clubs, huit autres clubs de D1 qui ont pas ces possibilités-là. Donc, oui il y a des contrats fédéraux qui se mettent en place, il y a des clubs comme Marseille qui poussent, qui grandissent petit à petit mais il y a encore beaucoup de travail à faire pour ces clubs-là et justement que la D1 soit plus compétitive. Donc un acquis, oui pour certains clubs, non pour d'autres.

 

CDF – Et dans le même esprit, est-ce que vous pensez que la possibilité pour des filles, des femmes de pouvoir gagner leur vie en jouant en football soit une idée qui est rentrée dans les mœurs ?

 

EB – Ça reste encore difficile dans la société française. On encore en retard par rapport à d'autres pays sur ça. Ça commence un petit peu à rentrer dans les esprits mais c'est pas encore acquis, on va dire, au niveau culturel.

 

Mais d'un autre côté, je mets en garde aussi les jeunes qui commencent à jouer au foot, les jeunes filles parce que oui, aujourd'hui on peut devenir professionnel, mais il y en a pas tant que ça parce qu'il n'y a que quelques clubs. Et deuxième point, préparez autre chose à côté parce que vous allez être professionnelle, je sais pas, au maximum dix ans de votre carrière, mais on gagne pas autant que les garçons et puis en plus il y a une vie après le foot. C'est bien de vouloir jouer au foot et c'est super, et d'avoir cet objectif d'être professionnel, parce que ça veut dire qu'on a réussi à aller au haut niveau, mais à côté de ça, le double-projet et les études c'est capital.

Hichem Djemai