Une maturité déconcertante. Passée par l’OL, capitaine des U16/U17 de l’équipe de France de Cécile Locatelli, et des U19 de Sonia Haziraj, la Savoyarde et défenseure franco-portugaise Clara Moreira, joueuse du FC Metz en D2, a fait le choix de rejoindre l’équipe du Portugal, son autre pays de coeur en 2021, après deux ans à attendre les Bleues. Sa réaction après la courte défaite 1-0 face à la France U23, à Clairefontaine.

 

 

Cœurs de Foot - C'est une défaite sur le fil, j'imagine que c'est un peu frustrant, car vous avez beaucoup donné sur le terrain ?

Oui, mais on savait qu'il y avait de bonnes joueuses en face, et qu'il fallait être concentrées jusqu'à la fin, malheureusement ça se joue sur un détail, mais elle met un beau but quand même. Donc déçues forcément, mais quand même fière de la prestation de tout le monde, on a bien défendu ensemble et je pense que c'est quand même un match de référence.

 

CDF - Vous aviez joué un autre match avant la France, c'était un peu plus compliqué ?

Oui on a joué la Finlande, on a perdu 3-0, il y a eu des erreurs de suivi sur les transitions [adverses], et des buts au second poteau.

Je trouve que aujourd'hui on a su corriger ces points-là pour améliorer le jeu collectif. Je pense qu'on a mieux défendu sur ce match contre la France.

 

CDF - Tu évolues à Metz en France pour ta part - et non au Portugal, pour la très grande majorité des U23 - c'est une saison un peu compliquée, mais on sent avec l'arrivée du nouveau coach (Jérôme Bonnet, en février 2024) qu'il y a un nouvel élan au sein de l'équipe ?

Oui forcément, qui dit nouveau coach, dit nouvel élan. Je pense que ça fait du bien au club, ça fait du bien à tout le monde, et on a de nouveaux objectifs aussi sur cette D2, car c'est compliqué - puisqu'il a une poule unique exactement (depuis cette saison 2023/24, il n'y a plus qu'un seul groupe de 12 équipes et non deux groupes de 12 équipes, réparties géographiquement entre le nord et le sud, ndlr) - tout le monde se tire la bourre, tout le monde veut se maintenir dans cette division, donc c'est dur, mais chaque match est une finale.

 

CDF - Il y a deux saisons, le club jouait la montée et aujourd'hui le maintien, c'est difficile (Clara Moreira jouait à Nantes, la saison dernière, ndlr) ?

Oui, quand on change d'effectif à ce point-là - cet été on a changé de coach aussi - donc il faut un temps d'adaptation également, il faut parvenir à trouver les bonnes formules pour faire jouer tout le monde ensemble et on l'a trouvé peut-être tardivement, mais entre guillemets "mieux vaut tard que jamais". Tout est encore possible.

 

CDF - C'est quand même fou de se dire que dès qu'un nouveau coach arrive, il y ait un aussi fort changement ?

Nouveau coach, mais aussi beaucoup de nouvelles joueuses [en début de saison] aussi, donc il faut s'adapter à l'environnement, au club, aux coachs.

 

CDF - Il faut se remettre en question aussi, personnellement ?

Exactement. Ça a été une expérience je pense pour tout le monde, pour se remettre en question et faire les choses au mieux, grandir ensemble exactement.

Cela va toujours nous servir de toute manière dans cette course au maintien, cette année et pour la suite.

 

"Aujourd'hui j'ai la double vision

[franco-portugaise]"

 

CDF - Tu es passée par les équipes jeunes en équipe de France (U16/U17/U19 et U20), et tu as choisi le Portugal depuis, est-ce une nation que tu suivais, as-tu regardé peut-être les compétitions auxquelles elles ont participé ?

Étant en France, c'était difficile de suivre leurs matches, car ce n'étaient pas forcément télévisés à ce moment-là correctement. Je savais qu'il y avait une équipe féminine, j'avais été approchée dès les U16.

Je voulais d'abord faire mon expérience en équipe de France, et la sélection du Portugal est arrivée par opportunité et aussi par nécessité de ma part de voir autre chose, découvrir une autre culture.

Je pense que, aujourd'hui j'ai la double vision [franco-portugaise] et je trouve cela formidablement intéressant, pour moi en tant que joueuse, mais aussi pour moi en tant que femme pour la suite.

 

"Cela confirme que le football

portugais se développe"

 

CDF - Personnellement je constate dans le jeu portugais, un petit mix avec le jeu espagnol, notamment à cause de la proximité et également le futsal par exemple, qui est très pratiqué dans les deux pays et où vous être très réputés, est-ce qu'il y a quand même aussi selon toi, un style qui se rapproche et est-ce que cela préfigure aussi de ce que pourrait à terme parvenir à faire le Portugal au niveau mondial chez les féminines, à l'image de vos voisins (l'Espagne à remporté la Coupe du Monde 2023 et la Ligue des Nations 2024 avec la A) ?

Bien sûr [l'Espagne a beaucoup montré]. Nous on en est loin (sourire timide) encore de remporter la Coupe du Monde, car on a participé à notre première édition cet été, donc je pense déjà que ça c'est une bonne chose de faite. Cela confirme que le football portugais se développe et je pense que c'est de bon augure pour la suite, car la Fédération suit, met dans le confort toutes les filles qui jouent et elles considèrent toutes les catégories, donc je pense que c'est important. 

Pour revenir sur les similitudes avec le jeu espagnol (je la coupe : "Un petit peu"), oui on aime le ballon, (je la coupe encore : "Le tiki-taka aussi"), dans le football moderne, qui n'aime pas le ballon ? Je pense qu'il y a des stéréotypes qui restent sur les équipes nordiques, qui aiment bien jouer direct par exemple, mais quand on regarde les Pays-Bas d'un autre coté, ils aiment le ballon aussi, donc je pense que c'est le foot aussi qui veut ça [un jeu de possession et technique].

 

"La France a les capacités […] le Portugal

peut créer des surprises"

 

CDF - Tu as choisi le Portugal, c'est un vrai pari sur l'avenir et on a le sentiment de notre côté, que le Portugal peut même gagner un titre avant la France, ce qui est fou, mais tout autant réalisable aussi ?

Je pense que c'est une question de culture, et c'est une question de valeurs personnelles, car on a tous envie de gagner à vrai dire, donc je ne sais pas ce qui peut faire la différence [entre le Portugal et la France], peut-être que le fait que le Portugal soit un outsider ? Ou une équipe en développement ?

Ça peut peut-être apporter une grinta supérieure, mais il faut [rester mesuré] je pense que la France a les capacités de faire de bonnes compétitions, comme le Portugal peut créer des surprises. Je pense que ce sont deux nations dans les années à venir, qui peuvent créer des problèmes aux favoris d'aujourd'hui...

 

"Il faut être visionnaire, mais il faut aussi

être terre à terre"

 

CDF - Aller chercher un titre, c'est quand même atteignable pour le Portugal, un peu encore une fois comme l'Espagne a su le faire en quelques années, où ils ont développé leur équipe, ou encore le Canada avec Bev Priestman en à peine deux ans presque etc

Oui c'est sûr il faut être visionnaire, mais il faut aussi être terre à terre, vivre les choses [expériences] les unes après les autres, regarder dans le présent ce qu'on fait et c'est le présent qui va aider à faire de grandes choses dans le futur. (Je la coupe : "Il faut des bases solides pour gagner des titres ?") Exactement.

 

CDF - En France on se projette tellement dans le fait de gagner des compétitions - le coach des U23 Frédéric Biancalani nous le disait, il faut déjà voir la formation des joueuses à la base - que l'on grille trop d'étapes finalement selon toi ?

Après je pense qu'il y a eu une sorte de déstructuration au bout d'un moment, je pense qu'on n'a pas profité en France de la Coupe du Monde 2019 pour renforcer nos championnats, pour qu'ils puissent encore mieux briller au niveau international...

Cette année c'est un peu mieux, avec la venue du Paris FC en Ligue des Champions. Je trouve que cela offre une nouvelle vitrine à la France, car avant nous n'avions que deux vitrines (l'OL et le PSG) et on se reposait sur cela.

Mais mine de rien les clubs de D1 font du bon travail, avec des équipes comme Reims, Fleury, Montpellier, qui continuent à travailler, sans faire trop de bruits, mais à la surprise générale, ils sont là.

Maintenant il faudrait avoir un peu plus d'équipes en D1 pour faire un véritable championnat, un peu plus concurrentiel, et un peu plus dur, si je puis dire, et changeant aussi peut-être, il y aurait plus de gens derrière. On l'a fait déjà avec la D2 [en ajoutant de la difficulté], il faut le faire avec la D1 aussi.

 

Photo : Clara Moreira (Instagram)

Dounia MESLI