Le débat fait rage depuis l'annonce par Corinne Diacre de sa sélection pour affronter la Macédoine du Nord et l'Autriche. Une liste qui n'inclut pas Amandine Henry, joueuse incontournable des Bleues, et à qui Diacre avait confié le brassard de capitaine au moment d'entrer en fonction. Quelques clés pour expliquer cette absence, présentée comme une décision sportive par la sélectionneuse tricolore.

 

Depuis deux jours, la polémique enfle autour de la non-convocation d'Amandine Henry en équipe de France, une sélection dont elle reste l'actuelle capitaine. Cette décision a été présentée par Corinne Diacre comme un « choix sportif » afin de « laisser du temps [à Amandine Henry] de revenir à son meilleur niveau ».

=> Équipe de France : Des retours dans la liste de Corinne Diacre, Amandine Henry au repos forcé

C'est probablement cette expression de « choix sportif » qui a fait bondir, notamment du côté de l'Olympique Lyonnais. La direction du club, les joueuses et les supporters ont unanimement critiqué la décision de Corinne Diacre, alors que le conflit semble de plus en plus ouvert entre les Lyonnaises et la sélectionneuse de l'équipe de France. La célébration d'Amandine Henry, après son but vendredi face à Guingamp, a également été interprétée comme un geste de défi vis-à-vis de Corinne Diacre. La capitaine de l'équipe de France s'est bouché symboliquement les oreilles, comme pour faire abstraction des critiques. 

Ironie de l'histoire, Corinne Diacre ne sera pas non plus présente à ce rassemblement, alors que la technicienne tricolore vient d'être testée positive au COVID-19, et devra donc rester à l'écart de sa sélection pour les jours à venir.

 

Corinne Diacre en conflit avec les Lyonnaises ?

De fait, la non-sélection d'Amandine Henry pourrait apparaître dans la continuité des épisodes observés depuis le Mondial. Parmi eux, les critiques publiques de Diacre vis-à-vis d'Eugénie Le Sommer, le témoignage de Wendie Renard dans son autobiographie sur les difficultés relationnelles avec Corinne Diacre (et notamment l'épisode de la perte du capitanat au profit d'Amandine Henry), ou encore plus récemment le choix de Sarah Bouhaddi de se mettre durablement en retrait de l'équipe de France.

Cette idée, d'un problème collectif entre Diacre et une partie de sa sélection, a de nouveau été évoquée par Wendie Renard, revenant sur un échange qui a eu lieu mardi avec Noël Le Graët, le président de la Fédération Française de Football. Alors que les joueuses lyonnaises recevaient une médaille de la part de la fédération, elles ont eu l'occasion de parler de l'équipe de France et la nécessité, selon Renard, de « ramener un peu plus de sérénité et surtout d'énergie positive, pour pouvoir se retrouver complètement sur le terrain ».

Signe du sérieux de la situation, la capitaine lyonnaise indiquait également : « On ne peut pas continuer comme ça, on se fait du mal entre nous ». Des propos qui renvoient en partie aux critiques récurrentes sur la communication de Corinne Diacre, notamment dans son rapport aux joueuses de l'équipe de France. La prolongation de Diacre jusqu'à l'Euro 2022 signifie que dans l'immédiat, le groupe tricolore va devoir trouver des solutions ensemble au risque d'accentuer les fractures déjà apparentes.

 

Les pépins physiques d'Amandine Henry depuis le Mondial

Pourtant, malgré l'expression maladroite de Corinne Diacre sur son « choix sportif », la situation sur le terrain donne un autre éclairage sur sa volonté de ne pas retenir Amandine Henry. Jeudi en conférence de presse, Corinne Diacre a d'ailleurs tenu un discours qui peut sembler paradoxal : ne pas retenir Amandine Henry pour les matches face à la Macédoine du Nord et l'Autriche, tout en réaffirmant qu'elle était « une cadre du groupe » et « la capitaine de cette équipe ». En son absence, c'est Eugénie Le Sommer qui portera prioritairement le brassard, la meilleure buteuse de l'histoire des Bleues avait été nommée vice-capitaine à l'automne 2017, alors qu'Amandine Henry héritait du capitanat.

Depuis la Coupe du Monde 2019, et l'élimination en quarts face aux États-Unis, l'équipe de France a disputé 9 matches. Amandine Henry a été forfait pour 5 d'entre eux, dont les 4 rencontres disputées dans le cadre des éliminatoires de l'Euro 2022. À l'automne 2019, c'est une blessure aux « tendons d'Achille » qui l'écarte de la liste pour affronter l'Islande et le Kazakhstan. À l'époque, Corinne Diacre avait indiqué « que le mieux pour [Amandine Henry], c'est qu'elle observe une période de repos ».

Dans la foulée, Amandine Henry avait réagi sur les réseaux sociaux avec ce message : « Déçue de ne pas pouvoir rejoindre la maison bleue. Allez l'équipe de France ». Depuis elle a été contrainte à deux autres forfaits. En novembre 2019 (match face à la Serbie), suite à un « contact reçu aux cervicales », puis en septembre dernier (déplacements en Serbie et en Macédoine du Nord) en raison d'une blessure au mollet gauche.

Un schéma qui se répète et place Amandine Henry dans une relation en pointillé avec la sélection depuis le dernier Mondial. La décision de Corinne Diacre peut donc alors apparaître comme une "sanction" mais aussi comme une volonté de préserver l'une de ses meilleures joueuses, même si lors de l'échange téléphonique avec Diacre, « l’annonce [de sa non-sélection] ne lui a pas fait plaisir ».

 

Un mal pour un bien ? Quand Charlotte Bilbault s'impose en « plan B »

Dans le même temps, d'autres joueuses récemment blessées (Wendie Renard, Grace Geyoro ou Amel Majri) n'ont pas eu droit au même sort, et font bien partie de la liste de l'équipe de France face à la Macédoine du Nord et l'Autriche. Une différence de traitement notamment pointée vendredi par la milieu de terrain lyonnaise Amel Majri, après le match de l'OL face à Guingamp.

Pourtant, cette décision est peut-être aussi un pari nécessaire pour Corinne Diacre, qui n'était pas parvenue à faire émerger un groupe suffisamment étoffé au moment de débuter la dernière Coupe du Monde. Vainqueur du tournoi, les États-Unis ont pu faire jouer à plein leur rotation, et ainsi préserver leurs meilleures joueuses au fil du tournoi. À l'inverse, le constat est que l'équipe de France s'est appuyée seulement sur une partie de son groupe : 6 joueuses de champ sur les 20 sélectionnées pour le Mondial (avec 3 gardiennes) ont joué moins de 10 minutes (dont 4 qui n'ont pas joué du tout...).

Cette nécessaire rotation concerne notamment celles qui sont déjà les plus sollicitées en club avec Lyon et le Paris Saint-Germain. Amandine Henry (avec Wendie Renard et Griedge Mbock) avait disputé l'intégralité des 5 matches de l'équipe de France au Mondial, Henry inscrivant notamment un but décisif en huitième de finale face au Brésil.

Pour le moment, l'absence d'Amandine Henry profite à Charlotte Bilbault, de même que la retraite internationale d’Élise Bussaglia après le Mondial, avait permis à Grace Geyoro de devenir une titulaire plus régulière en Bleue. Bilbault et Geyoro ont été associées à l'automne 2019 au milieu, lors des trois matches disputés par l'équipe de France. En septembre dernier, avec le forfait de Grace Geyoro, Charlotte Bilbault a été alignée seule devant la défense pour les matches face à la Serbie et la Macédoine du Nord.

 

Moins jouer pour mieux jouer ?

À moyen terme, et notamment à l'approche de l'Euro 2022, limiter le temps de jeu des cadres de l'équipe de France peut être un bénéfice pour les Bleues, dès lors que cette logique de rotation se normalise, et qu'elle n'empêche pas l'équipe de France d'obtenir des résultats, voire d'améliorer ses performances.

C'est notamment un enjeu du fait des nombreux matches disputés pendant la saison par les meilleures joueuses françaises. Une tendance qui devrait d'ailleurs s'accentuer avec le nouveau format de la Ligue des Championnes la saison prochaine. Sa phase de groupes va, par exemple, ajouter 4 matches à l'automne pour les équipes qualifiées.

Confortée par Noël Le Graët, Corinne Diacre va notamment devoir relever ce défi en vue de l'Euro 2022, une préoccupation qu'elle avait visiblement dès son entrée en fonction, mais qu'elle n'a pas réussi à mettre en place pour le Mondial. Qu'elle que soit l'avenir de la sélectionneuse et son rapport avec les cadres de son groupe, c'est un enjeu qui s'impose aux Bleues en vue des échéances internationales à venir.

 

Photo:  Philippe Le Brech / FFF (Amandine Henry le 7 mars 2020 face au Brésil. Un match disputé lors du Tournoi de France, dernière compétition disputée à ce jour par Amandine Henry avec l'équipe de France)

Hichem Djemai