L'aventure à l'étranger n'est plus si rare que cela pour les Françaises ces dernières saisons. Elles sont de plus en plus nombreuses à vouloir connaître un autre football que le football français. Après plus de 20 ans en France et plusieurs clubs à son actif, Laura Agard a posé ses valises à la Fiorentina cette saison. On a échangé avec elle, pour évoquer son parcours, ses moments forts et ce nouveau chapitre dans sa "grosse" carrière de footballeuse. Dans cette deuxième partie, on évoque de son aventure en Italie et de sa reconversion future.

 

La première partie de notre entretien => Laura Agard (ACF Fiorentina) 1/2 : « Quand t'étais petite, tu ne répondais pas que tu voulais être footballeuse professionnelle »

 

Coeurs de Foot - Aujourd’hui tu es installée en Italie, un pays où tu as des attaches (sa grand-mère paternelle est italienne). Qu’est ce qui t’a fait faire ce choix ?   

Laura Agard - (elle soupire) Je pense que dans la vie parfois il y a des petits signes. Moi je crois un petit peu à ça et j'ai eu cette opportunité [de rejoindre la Fiorentina]. C'est aussi un pays où j'ai toujours eu envie de vivre... 

   

CDF - Quelques mois tout juste après tes débuts à la Fiorentina, tu gagnes déjà une Coupe. Ça a dû te conforter et te booster dans ton choix ?   

L. A. - Oui on a gagné la Supercopa contre la Juventus, qui avait gagné le championnat la saison dernière et qui pour moi est l'une des plus belles équipes de la Serie A. C'était important et c'était génial aussi parce qu'il y a une grande, grande, grande rivalité entre la Juventus et la Fiorentina, deux clubs qui se détestent pour tout dire, chez les garçons comme chez les filles... Donc c'est sûr que quand tu gagnes contre l'ennemi, c'est d'autant plus beau. 

Après c'est un titre c'est sûr, mais c'est aussi pour récompenser la saison dernière. Pour moi, c'est grâce aux filles qui ont gagné la Coupe d'Italie la saison dernière, qu'on a pu faire ce match et c'est une récompense aujourd'hui.  

   

CDF - Comment tu te sens aujourd'hui justement au sein du club de la Fiorentina ? Qu'est-ce qui différencie ce club de tes anciens clubs français ?   

L. A. - Le premier truc pour moi c'est l'aspect tactique. On travaille beaucoup sur cet aspect, on fait beaucoup de vidéos, que ça soit sur notre jeu ou sur le jeu des adversaires. Après en général les Italiens au football sont très tactiques. 

   

CDF - C'est le football italien pur ?   

L. A. - Voilà, c'est le football italien et en plus moi ça me plait ce côté tactique. Au-delà du club avec lequel ça se passe bien, où j'ai été bien intégrée tout ça, c'est un football qui me plaît.   

   

CDF - Et sur le fait que toi tu sois Française, et surtout internationale française, et que tu sois arrivée au club. Comment les autres joueuses ont réagi, notamment les Italiennes ?   

L. A. - Nous sommes plusieurs étrangères, après il y a toujours la rivalité France/Italie qu'il y a chez les garçons dans le foot. Et puis surtout que la France venait de gagner la Coupe du Monde (alors que l'Italie ne s'était même pas qualifiée) donc (rires) je pense que c'était chaud. C'était : "La France vous avez été les plus nuls au mondial, c'était la Croatie et la Belgique qui méritaient de gagner" donc bon. Moi j'ai laissé parler par rapport à ça. 

Mais tu vois dans l'esprit que tu gardes cette étiquette "France", donc on te met un peu dans une case.  

   

CDF - Est-ce que ton départ en Italie est un peu plus reposant pour toi ? Le fait d’être loin de l’effervescence du championnat français à l’aube de la Coupe du monde en France ?    

L. A. - Non (sourire) je n'ai pas fait mon choix du tout en fonction de ça. Après je ne sais pas ce qui se passe en France, parce que je n'y suis pas, donc non.   

 
 

CDF - Qu'est-ce qui change entre la France et l'Italie pour toi ? Comment on explique cette prise de conscience à l'égard du foot féminin en Italie ?    

L. A. - Je pense que les mentalités changent peut-être aussi en Italie. Après je n'ai pas encore assez de recul sur ça, j'attends d'apprendre un peu plus sur ce championnat avant de dire quelque chose. Comme en France, les mentalités ont mis du temps à changer. Maintenant tu vois des matches sur Canal+, sur les Multiplex le week-end, en prime time, ça ne choque plus de voir une fille qui joue au foot, tu as beaucoup d'équipes féminines qui sont rattachées à des clubs professionnels, donc ça parle [aux gens]. En Italie, c'est ce qui est aussi en train de changer, même si je pense que c'est un peu plus difficile, parce que c'est un pays très macho.   

  

CDF - Je pense que des joueuses comme Sara Gama, Martina Rosucci ou encore Barbara Bonansea, ont été un vrai levier pour tendre vers cette nouvelle ère du football féminin en Italie ?   

L. A. - Moi je ne le vois que du côté de la Fiorentina, je n'ai pas de recul sur toute l'Italie. Mais nous par rapport à la Fiorentina, quand tu dis que tu joues dans ce club, les gens te félicitent, ils sont super contents. Encore ce matin, un petit papi - parce que j'étais en short et t-shirt - m'a dit "Mais tu joues à la Fiorentina", j'ai dit oui et il me dit "Ah bravo, félicitations". Voilà à la Fiorentina que tu sois un garçon ou une fille, quand tu joues à la Fiorentina, c'est impressionnant. A Florence tu n'as que le foot à haut niveau, donc le foot que ça soit masculin ou féminin, tu ne sens pas la différence, tu joues au foot, au "calcio" quoi, parce qu'ici tu n'entends parler que du foot.  
   

CDF - Comment tu décrirais ton équipe ?   

L. A. - Il y a beaucoup de caractère dans l'équipe. Après moi encore une fois ça ne fait que trois mois et demi que je suis là, forcément t'as gagné un titre donc on peut dire entre guillemets que "tout va bien". Donc c'est peut-être facile d'en parler comme ça. Il faudra voir quand il y aura des moments durs, même si j'espère qu'il n'y en aura le moins possible, voir comment tu te situes, parce que je pense que c'est là que tu vois entre guillemets "les vraies équipes". 

Mais je dirais que c'est une équipe avec beaucoup de caractère. Il y a des filles avec beaucoup d'expérience, il y a aussi quelques jeunes qui montent bien, qui sont en équipe des moins de 23 ans [en sélection]. C'est une équipe qui joue au ballon.  
   

CDF - Pour évoquer d'un dernier point, j'aimerai parler de l'après football. Comment tu as géré ta passion de jouer, avec la nécessité de penser à l'après ?

L. A. - J'ai fait une maîtrise en urbanisme et je suis diplômée d'un Master 2 en Ingénierie sportive dans l'aménagement des équipements sportifs et de loisirs...  

J'ai passé deux saisons sans jouer, parce que je me suis fait opérer trois fois du genou, le football féminin en France n'était pas pro. Donc pendant ses 2 saisons j'étudiais et je travaillais. C'était "normal" de faire ça.  

 

CDF - Est-ce que tu as déjà pensé à ta reconversion ?    

L. A. - J'ai quelques idées, mais je suis encore jeune pour parler de reconversion (rires). 

   

CDF - Comment on vit justement avec ça en tête tous les jours ?   

L. A. - Je me dis que comme dans la vie de tous les jours, tout peut aller très vite, tout peut arriver, tout peut s'arrêter... 

Je me suis retrouvée certains étés à travailler pendant deux mois, parce qu'il fallait gagner un peu d'argent. Après chaque fille à son contexte familial, sa vie personnelle et privée. J'ai été éduquée comme ça aussi. Et quand je vois la vie qu'on a en étant professionnelle, c'est quand même sympa, et ce que j'ai vécu justement me le fait comprendre d'autant plus... 

Dounia MESLI