En remportant l’Euro avec l’équipe d’Angleterre, sa sélectionneuse Sarina Wiegman est devenue à 52 ans la première entraîneure à remporter le tournoi deux fois de suite (2017 et 2012) avec deux sélections différentes (Pays-Bas et Angleterre). Douze matches, douze victoires, alors que l’ancienne internationale néerlandaise n’avait jamais disputé de phase finale d’Euro en tant que joueuse...

 

La réussite de l’Angleterre dans cet Euro, et la victoire finale obtenue à Wembley, est étroitement liée à l’arrivée de Sarina Wiegman au poste de sélectionneuse à l’été 2021. Son recrutement avait été dévoilé à l’été 2020 un an avant son entrée en poste, alors que le COVID-19 bousculait le calendrier des compétitions internationales.

L’Euro 2021 était reporté à 2022, et les Jeux olympiques de Tokyo à 2021. C’est cette échéance qui devait permettre à Sarina Wiegman de tirer sa révérence après un mandat exceptionnel à la tête des Pays-Bas, championne d’Europe en 2017 et vice-championne du monde en 2019. Battus en finale du Mondial par les États-Unis, les Pays-Bas sont également sortis par les joueuses américaines en quart de finale du tournoi olympique au Japon.

 

Recrutée pour gagner des tournois

Le choix de Sarina Wiegman par la fédération anglaise correspond notamment à la volonté de recruter une entraîneure qui a démontré « sa capacité à gagner des tournois », comme l’expliquait dans la presse anglaise Kay Cossington, responsable technique du football féminin au sein de la fédération anglaise, en charge du développement de la formation (pathways), des sélections nationales de jeunes, et qui a participé au recrutement de la technicienne néerlandaise.

En 2020, l’Angleterre ne s’est pas encore remis de la Coupe du monde 2019. Les Lionesses nourrissent des regrets, après un tournoi au cours duquel elles ont semblé proches de faire tomber les championnes du monde américaines en demi-finale. Les joueuses anglaises avaient alors ouvertement affiché leur ambition de remporter le titre mondial en France.

Les mois qui suivent sont moroses pour les coéquipières de Lucy Bronze, avec des contre-performances qui se multiplient en match amical, et un sélectionneur, Phil Neville, qui prend progressivement le chemin de la sortie. À son arrivée à la tête de la sélection anglaise en janvier 2018, l’ancien défenseur de Manchester United était lui aussi censé apporter cette « culture de la gagne », nécessaire au succès de l’équipe d’Angleterre.

C’est dans ce contexte que Sarina Wiegman se révèle l’option numéro une pour remplacer Phil Neville, comme l’indique Sue Campbell, responsable du football féminin au sein de la fédération anglaise. Parmi les qualités de Wiegman, elle cite « son expertise technique, ses qualités de leadership, et cette mentalité de gagnante (winning mentality) ».

 

Points communs

Depuis l’arrivée de Sarina Wiegman, les résultats se révèlent au rendez-vous avec 18 victoires et 2 nuls (face au Canada et l’Espagne) et plus de 100 buts inscrits. Si l’adversité est variable (victoire 20-0 face à Lettonie à l’automne), la sélectionneuse néerlandaise est parvenue à mener l’Angleterre vers les sommets.

Une réussite qui rappelle qu’en 2017, elle n’avait été nommée à la tête des Pays-Bas quelques mois seulement avant l’Euro, disputé pendant l’été. Elle avait d’abord été en charge de la sélection de manière intérimaire fin décembre 2016, avant d’être définitivement nommée en janvier 2017.

Parmi les traits d’union, entre les titres de 2017 avec les Pays-Bas et de 2022 avec l’Angleterre, la volonté de Sarina Wiegman forger un milieu de terrain complémentaire, entre Keira Walsh, Georgia Stanway et Fran Kirby, avec des joueuses aux qualités différentes, mais dont l’association s’est révélée fructueuse, à l’instar du trio Spitse-Groenen-van de Donk pour les Pays-Bas en 2017.

 

Un tournoi avec le même onze de départ

Le management de Sarina Wiegman dans cet Euro 2022 s’est également distingué par son choix de maintenir le même onze de départ pendant l’ensemble du tournoi. Une volonté qui pouvait constituer une prise de risque, en accumulant de la fatigue et s’exposer aux blessures. Cette option pouvait d’ailleurs sembler encore plus radical que lors de l’Euro 2017 avec les Pays-Bas.

À l’époque, Sarina Wiegman n’avait procédé qu’à trois changements dans son onze de départ sur l’ensemble du tournoi, et uniquement dans son secteur défensif. C’est Stefanie van der Gragt qui en avait bénéficié, progressivement installée en défense centrale aux côtés d’Anouk Dekker. Au total, neuf joueuses néerlandaise avaient joué plus de 500 minutes au cours des six matches (540 minutes) remportés par les Pays-Bas vers le titre de championnes d’Europe.

Avec les Pays-Bas, ce choix pouvait ressembler à une nécessité plus qu’à un choix délibéré. Sarina Wiegman pouvait alors s’appuyer sur un noyau très talentueux mais relativement restreint de joueuses. Lors du Mondial 2019 en France, la profondeur de banc des États-Unis s’était révélée précieuse en finale face à une équipe néerlandaise, arrivée entamée au moment de jouer le titre.

Le choix de maintenir la même méthode avec l’Angleterre montre qu’il s’agit bien d’un choix délibéré et privilégié par Sarina Wiegman, même lorsqu’elle dispose d’options plus nombreuses pour la composition de ses onze de départ. Un autre élément permet pourtant de comprendre la souplesse qui peut subsister dans un tel dispositif, notamment en raison des cinq changements désormais possibles au cours d’un match (et même six en cas de prolongation).

 

Cinq changements qui font la différence

En 2017, Sarina Wiegman avait procédé à 18 changements au cours des différents matches du tournoi, contre 30 pour l’Euro 2022 avec l’Angleterre (dont deux en prolongation). Parmi les joueuses sorties du banc, Chloe Kelly, Ella Toone et Alessia Russo ont joué tous les matches de l’Angleterre, avec un temps de jeu qui dépasse les 200 minutes pour Alessia Russo et Ella Toone.

Les trois joueuses ont inscrit 7 des 22 buts marqués par l’Angleterre dans ce tournoi, dont les deux buts de l’Angleterre en finale (Toone, Kelly). Si Sarina Wiegman a utilisé systématiquement le même onze de départ, la plupart des joueuses de champ sont sorties au moins une fois dans ce tournoi. Seule la capitaine Leah Williamson et la gardienne Mary Earps ont disputé l’intégralité des matches de l’Angleterre.

Sarina Wiegman a su tirer partie de cette nouvelle règle, une qualité que l’on avait déjà retrouvé dans le management de Bev Priestmann. La sélectionneuse anglaise du Canada avait également été saluée pour ses coachings gagnants lors des Jeux Olympiques de Tokyo à l’été 2021, avec une médaille d’or à la clé pour le Canada de Christine Sinclair.

 

Des joueuses mises en confiance

À l’inverse d’autres sélections dans cet Euro, Sarina Wiegman n’a pas connu de forfaits au cours du tournoi. Elle a pourtant dû se passer des joueuses expérimentées (comme Jordan Nobbs), et notamment de sa capitaine Steph Houghton, non retenue par Wiegman pour l’Euro, alors qu’elle se rétablissait d’une blessure au tendon d’Achille.

Des choix qui précisent les desseins de la sélectionneuse, comme celui d’installer Mary Earps comme gardienne titulaire. Une réussite alors que la gardienne de Manchester United n’avait jamais été titularisée dans une grande compétition internationale. C’est aussi le retour en grâce de Beth Mead, absente de la sélection britannique l’été dernier pour les J.O de Tokyo. L’attaquante d’Arsenal a été directement impliquée sur la moitié des buts anglais dans cet Euro, avec 6 buts et 5 passes décisives.

Sarina Wiegman avait notamment été recrutée par la fédération anglaise pour ses qualités de « management », comme l’indiquait Kay Cossington avant la finale de l’Euro, en alliant « les exigences du haut-niveau » avec ses qualités en matière relationnel, et la capacité à humaniser son rapport aux joueuses. Nouvelle capitaine de la sélection anglaise, Leah Williamson évoque Sarina Wiegman comme « l'ingrédient manquant » qui a permis à l’Angleterre de mener à bien son parcours jusqu’au sommet.

 

Un avenir déjà assuré ?

Parmi les qualités soulignées par Kay Cossington, la responsable technique de la fédération anglaise évoque également les capacités de Sarina Wiegman a intégré de jeunes joueuses, et parvenir à un « mélange » qui fonctionne. Le rajeunissement réussi de l’équipe anglaise se ressent aussi bien dans le onze de départ (Williamson, Walsh, Stanway, Hemp), mais aussi dans la réussite de joueuses comme Ella Toone et Alessia Russo.

Si ce processus n’a pas débuté depuis l’arrivée de Sarina Wiegman, le passage de témoin d’une génération à l’autre peut donc s’envisager avec optimisme, fort de la victoire obtenue dans cet Euro. Comme un symbole, ce sont deux joueuses de cette jeune génération, Ella Toone et Chloe Kelly, qui ont permis à l’Angleterre de s’imposer en finale. De quoi donner des idées à un an de la prochaine Coupe du monde.

 

Photo : UEFA

 

=> Euro 2022 : tous les résultats du tournoi

Hichem Djemai