Ce week-end va marquer la reprise du championnat en Angleterre, une FA WSL (Women's Super League) qui semble désormais prête à être mise sur orbite. Tour d'horizon des éléments qui incitent à suivre de près le développement du championnat anglais, et bien sûr la saison à venir...

 

Alors que la France scrute un éventuel « effet Coupe du Monde » après la Coupe du Monde 2019, l'Angleterre semble avoir trouvé la formule pour faire décoller le football féminin et son championnat domestique, la FA WSL. Outre-Manche, on veut également s'appuyer sur le momentum du Mondial avec une nouvelle demi-finale dans un grand tournoi pour les Lionesses et des audiences qui ont atteint des niveaux records cet été.

Partenariat de naming à plus de 10 millions de livres (10,9 millions d'euros) sur 3 ans avec la banque Barclays (avec l'introduction d'un prize money), des grands stades qui s'ouvrent au football féminin et des ambitions affichées pour l'Euro 2021 (programmé en Angleterre). Le tout est agrémenté par la création d'une application permettant au public anglais et international de suivre l'ensemble des matches du championnat. Une ambition globale, à l'image de ce qu'est devenu le championnat masculin anglais ces dernières années.

 

Une compétition plus équilibrée ?

Des annonces et une démarche qui ferait presque oublier que c'est l'Olympique Lyonnais qui domine actuellement le football européen, remportant les quatre dernières Ligue des Championnes. Une scène continentale trustée par les clubs français et allemands depuis une dizaine d'années, alors que la seule victoire anglaise en Coupe d'Europe remonte à 2007 avec Arsenal.

Mais face aux superpuissances du football européen, les clubs anglais répliquent avec l'argument d'un championnat plus homogène et donc plus difficile à remporter, alors que les Lyonnaises semblent seules au monde au sommet de la D1. Un constat que l'on peut désormais étendre à la Bundesliga, avec Wolfsburg qui renforce depuis deux ans son emprise sur un championnat allemand, un temps plus incertain.

Ces dernières années en Angleterre, les titres se sont joués à trois, avec Chelsea, Manchester City et Arsenal, tandis que d'autres équipes ont été capables de les faire trébucher ponctuellement, à l'image de Birmingham City ou de Reading. L'arrivée de Manchester United mené par Casey Stoney, pourrait également ajouter une dose d'incertitude dans l'issue de la saison.

Depuis la création de la FA WSL en 2011, 4 équipes différentes ont remporté le championnat, contre 3 en Allemagne et en Espagne sur la même période, et une seule (Lyon) en France. La Damallsvenskan a également connu 4 championnes différentes depuis 2011, dans un contexte de déclin relatif du championnat suédois sur la scène européenne. Situation particulière en Serie A italienne, qui fait mieux, avec 5 championnes différentes. Cette diversité tient d'abord aux difficultés financières rencontrées par certains clubs de premier plan (Torres, Brescia), et l'arrivée récente des grands clubs masculins (Fiorentina, Juventus).

 

À mi-chemin entre deux modèles

La FA WSL, un championnat où tout est donc possible, et qui a fait le choix de la professionnalisation de sa première division. Une situation pleinement effective depuis la saison dernière, et introduite avec un cahier des charges établi par la fédération anglaise. De fait, ces dernières années en Angleterre, les rétrogradations se sont d'abord faites pour raisons financières.

Doncaster, Notts County, Sunderland ou plus récemment Yeovil Town, l'histoire récente de la FA WSL est riche en exemples de clubs qui n'ont pas été en mesure de se conformer aux exigences d'un professionnalisme imposé. Exit donc les clubs semi-pro, cantonnés en Championship (deuxième division) ou plus bas encore dans l'échelle.

Un fonctionnement aux allures de ligue fermée à l'Américaine, avec une seule descente en fin de saison pour les 12 équipes sur la ligne de départ. De fait, le modèle anglais semble à mi-chemin entre ce qui se pratique en Europe et celui que l'on retrouve aux États-Unis en NWSL. Parmi les similarités avec ce qui se pratique outre-Atlantique, un système de contrats centraux (central contract players). Une partie significative des revenus gagnés par les internationales anglaises sont versés par la fédération (FA), délestant les clubs d'une fraction de cette charge financière.

Autre similarité, l'existence d'un plafond salarial, le salary cap, qui impose aux clubs de limiter à 40 % de leur budget les dépenses liées au paiement des salaires. Une rigueur salariale, qui fait figure de condition sine qua non pour assurer la viabilité d'un championnat professionnel, mais qui aujourd'hui expose également les clubs anglais au départ de leurs meilleurs éléments.

L'Olympique Lyonnais a notamment eu l'occasion d'en ''profiter'' avec les recrutements récents de quatre joueuses mancuniennes et internationales anglaises : Lucy Bronze, Izzy Christiansen, Nikita Parris (Manchester City) et Alex Greenwood (Manchester United).

 

Vers des sections féminines auto-suffisantes ?

Même avec de telles mesures pour poursuivre son développement, le championnat anglais est encore à la recherche de son modèle économique. Les clubs qui se disputent les titres nationaux ces dernières années, Manchester City, Chelsea ou Arsenal, sont également des structures qui perdent de l'argent. À titre d'exemple, pour la saison 2017/18, le déficit de Manchester City avait atteint 1,1 million de livres sterling (1,2 million d'euros).

Si les clubs de football sont rarement des structures rentables en elles-mêmes, cette situation interpelle alors que la question de « l'auto-suffisance » du football féminin est désormais un enjeu largement débattu dans les instances du football. L'ambition affichée est de limiter la dépendance des équipes féminines aux financements émanant des clubs masculins.

Ce qui semble un vœu pieux peut devenir l'un des objectifs à moyen terme pour la FA WSL anglaise, devenir le premier championnat professionnel capable d'exister par lui-même sur le plan structurel et financier. Cela devrait dépendre notamment de la capacité du championnat anglais à accroître dans le même temps l'affluence dans les tribunes et devant les écrans.

 

Remplir les tribunes...

La saison passée, la FA WSL a connu une affluence moyenne (996 spectateurs) légèrement plus forte que la D1 (904), et que la Frauen-Bundesliga (833). Comme en Allemagne, le championnat anglais a connu une baisse sensible de son affluence, glissant depuis deux ans sous la barre symbolique des 1000 spectateurs par match (1128 en moyenne pour l'année 2016).

L'explication tient d'abord au changement de calendrier, avec un championnat qui se joue désormais de septembre à mai (de mars/avril à octobre/novembre auparavant), avec notamment une période hivernale moins favorable pour de fortes affluences. Pourtant, la Fédération se montre ambitieuse avec un objectif de 2020 spectateurs en moyenne pour 2021, soit au moment du prochain Euro en Angleterre. Une compétition pour laquelle l'Angleterre espère attirer 20.000 spectateurs en moyenne par match, soit plus du double de l'affluence enregistrée aux Pays-Bas en 2017 !

Pour accentuer cette dynamique, les clubs ont désormais décidé d'ouvrir les grands stades pour accueillir des matches de championnat, une option qui n'avait pas été privilégiée ces dernières années après des résultats mitigés lors des précédentes tentatives. Pour la première journée, ce week-end, l'Etihad Stadium accueillera le derby mancunien City-United, même formule à Londres avec le match Tottenham-Chelsea à Stamford Bridge (les entrées y seront gratuites), tandis que Bristol City recevra Brighton à l'Ashton Gate Stadium.

D'autres matches sont d'ores et déjà programmés dans des grands stades anglais pour la saison à venir, notamment pour les derbies londoniens. Une manière de populariser le championnat féminin et de fidéliser de nouveaux publics, dans la lignée du choix de faire jouer les finales de Coupe d'Angleterre à Wembley.

 

...Et faire grimper les audiences

Du monde dans les stades, mais aussi développer une audience télévisuelle pour la FA WSL. À l'approche du coup d'envoi de la saison, la FA a dévoilé l'application (FA Player) permettant de regarder l'ensemble des matches de la saison à venir en Angleterre et à l'étranger. En Amérique centrale et en Scandinavie, les droits TV de la FA WSL ont même été vendus (« pour un montant à six chiffres »), avec des matches qui seront donc diffusés à la télévision dans ces régions du monde.

Comme aux États-Unis avec la NWSL, cette démarche est en partie motivée par le fait que les droits TV de la FA WSL n'apportent aujourd'hui aucune manne financière pour les clubs et la fédération. Les sommes aujourd'hui investies servant simplement à rembourser les coûts de production dans une équation à somme nulle. Quelques matches sont diffusés sur la chaîne câblée BT Sports, d'autres via les plateformes numériques de la BBC ou encore sur Facebook.

Mettre en ligne l'ensemble des matches est une manière pour la FA de tester la popularité du championnat, avant de remettre en vente dans le courant de la saison, les droits TV de la FA WSL, acquis pour le moment par BT Sports jusqu'en 2021. Comme le contrat de sponsoring noué avec Barclays (10 millions de livres sur 3 ans), l'objectif est de faire exploser les compteurs et de négocier des droits TV pour des sommes encore inédites dans le football féminin.

Un double objectif d'affluence et d'audience qui semble ambitieux, et potentiellement contradictoire, mais qui amène la fédération anglaise à vouloir diffuser certains matches sur des chaînes gratuites en clair. L'idée est ici d'élargir le public du football féminin, avec un intérêt évident en vue de l'Euro 2021 et sa promotion. Un critère qui pourrait compter dans le choix de la fédération anglaise au moment de réattribuer les droits TV de la WSL dans les mois à venir.

 

Une réputation à (re)construire sur la scène européenne

Aujourd'hui, l'accent semble donc mis sur le fait d'accroître la visibilité du championnat et des clubs, notamment via les plateformes numériques et les réseaux sociaux. Sur le plan sportif, la FA WSL a aussi besoin de sortir de cette image de championnat de ''second plan'', derrière l'Allemagne et la D1 Française, mais également dans l'ombre de la NWSL américaine, qui a régulièrement attiré des talents du football britannique.

Comme le soulignait Emma Hayes, coach emblématique de Chelsea, les performances des clubs anglais en Champions League – avec Manchester City et Chelsea parvenus en demi-finale de la compétition ces dernières années – sont de nature à crédibiliser le championnat anglais et ses meilleurs clubs. À ce titre, le retour d'Arsenal sur la scène européenne sera scruté avec beaucoup d'intérêt.

Pourtant, faut-il imaginer que la FA WSL devienne à moyen terme le championnat de référence dans le football féminin ? Avec les moyens dont disposent aujourd'hui le football anglais, cette perspective semble aujourd'hui possible. Dans l'immédiat, les ambitions anglaises illustrent aussi le fait qu'aucun championnat en Europe ou ailleurs n'est parvenu à devenir le modèle à suivre pour le football féminin de haut niveau.

 

Photo: Getty Images

Hichem Djemai