A l'affiche du film Comme des Garçons, Vanessa Guide occupe l'un des premiers rôles de cette comédie inspirée de l'histoire de l'équipe de Reims créée à la fin des années 60 et qui va servir de fer de lance au renouveau du football féminin en France. Nous avons échangé avec elle sur le film, sur ce que représente l'histoire des « Filles de Reims » et de sa découverte du football.

 

Cœurs de Foot – Lorsque vous avez découvert le sujet du film, qu'est-ce qui vous a marqué et intéressé dans cette histoire ?

Vanessa Guide – Je n'étais pas du tout au courant de l'histoire. J'ai regardé un documentaire qui s'appelle « les Filles du Stade » et qui retrace l'histoire de ces joueuses pionnières de l'équipe de Reims. J'ai trouvé l'histoire très forte et je pense qu'il y a trop peu de gens qui sont au courant du combat de ces femmes, juste pour avoir le droit de jouer au foot. J'ai trouvé le thème très fort, et j'aime aussi le côté époque et puis le gros challenge c'est de devoir apprendre à jouer au foot.

 

« Il faudrait qu'il y en ait de plus en plus des films comme ça. »

 

CDF – Le personnage d'Emmanuelle Bruno est l'un des deux rôles principaux du film. On a l'impression que c'est un peu l'héroïne du film. Celle qui n'a pas peur de forcer la porte, au sens propre comme au figuré, pour que les choses avancent. Est-ce que ça correspond à l'interprétation que vous avez voulu donner ?

V.G – C'est vrai que dans le scénario, c'était écrit comme ça. C'est un personnage intéressant parce qu'elle commence comme une jeune femme effacée, qui travaille dans des bureaux remplis de secrétaires et elle va se retrouver en figure de proue de cette équipe alors qu'à la base, elle ne voulait même pas l'intégrer et avec l'aide de Paul Coutard. À eux deux et avec la pugnacité de ces filles, ils vont réussir à faire bouger les mentalités et oui, je trouvais ça très intéressant.

 

CDF – Un des aspects sur lequel vous avez insisté, c'est l'importance pour vous d'avoir des personnages féminins forts, qui soient mis en avant dans un film ? Pour vous, le cinéma a besoin de raconter plus souvent des histoires comme celles des « Filles de Reims » ?

V.G – Déjà, je trouve que des personnages féminins vraiment bien écrits qui ne sont pas là pour être des faire-valoir des garçons, dans les comédies françaises c'est relativement rare. Même si je trouve que les choses sont en train d'évoluer parce qu'il y a de plus en plus de femmes qui écrivent et qui réalisent. On va pas se mentir, les films qui mettent les femmes à l'honneur sont écrits et réalisés par des femmes.

Donc là, ce qui était vraiment particulier avec ce film-là, c'est que Julien, même s'il a des co-auteures hommes et femmes pour le scénario, ça part de son idée à lui. C'est un homme qui réalise, et il a eu envie de mettre à l'honneur, non pas une, mais plein de femmes dans ce film et effectivement, ce sont des filles avec des très fortes personnalités, des caractères, des belles trajectoires, qui ont des choses à dire. Donc oui, il faudrait qu'il y en ait de plus en plus des films comme ça.

 

CDF – Est-ce que vous avez eu l'occasion de rencontrer les joueuses de l'époque avant le film ?

V.G – Non, on ne les a pas rencontré avant. Ce n'était pas une volonté de Julien parce qu'on ne fait pas du tout un copier/coller de ce qu'elles étaient. On s'est inspirés effectivement de leur histoire mais il y aussi pas mal de choses qui sont romancées. Les personnages que l'on interprète peuvent être inspirés de certaines d'entre elles mais c'est pas vraiment un biopic.

Donc, il n'y avait pas nécessité de les rencontrer. Par contre, on avait toutes très hâte de les rencontrer, mais plus pour le plaisir de communiquer avec elles, de partager, de voir ce qu'elles pensent du film, de pouvoir leur poser un peu plus des questions sur cette période-là. Mais sans les rencontrer, on avait vu leurs interviews dans le documentaire « Les Filles du Stade » où on les entend parler de cette époque et puis de ce recul, ce qu'elles pensaient sur ce qu'elles avaient vécu. Donc, on était peu au courant, de qui elles étaient, de ce qu'elles pensaient et tout ça.

 

« Elles ont vraiment été des pionnières »

 

CDF – Vous avez parlé dans plusieurs interviews de la dimension féministe de la démarche. En quoi ce film représente pour vous une prise de position en faveur des femmes, que ce soit dans le sport ou dans la société en général ?

V.G – Les filles de l'époque, les joueuses se défendent d'avoir eu un quelconque rapport avec les féministes. Elles n'étaient pas du tout engagées mais je pense que malgré elles, elles ont fait avancer la cause féminine. Le symbole est quand même assez fort, et quand on parle à des footballeuses actuelles, qui n'étaient pas forcément au courant de l'histoire, elles nous disent que oui, sans elles, [difficile de] savoir s'il y aurait du football féminin aujourd'hui, en tout cas ce serait peut-être pas autant avancé. Elles ont vraiment été des pionnières.

Ça fait avancer évidemment les mentalités parce qu'on rigole de phrases qui paraissent complètement aberrantes comme « Le foot peut rendre stérile », « La place de la Femme, c'est à la cuisine et pas sur un terrain » ou « Qui va faire mon repassage si ma femme va jouer au foot ? »... C'est des choses qu'on ne pourrait plus dire aujourd'hui, en tout cas pas publiquement mais c'est bien de le rappeler. Il y a peut-être des mecs qui ne le disent pas mais qui n'en pensent pas moins, et le fait de l'amener avec humour sur un film comme ça, ça fait réfléchir.

Avec un film « feel-good », familial, une comédie, ça fait quand même réfléchir les gens. Et il y a des mecs qui viennent voir le film en projection et qui se disent que c'est vrai que c'est pas très valorisant pour les mecs de l'époque, mais que c'était le cas, il y avait vraiment des propos qui étaient tenus, et même encore aujourd'hui il y a des progrès à accomplir, que ce soit dans le sport ou pour la place de la femme en général. Même si c'était en 68, je trouve que le film a une résonance avec l'actualité

 

« Il y a des grandes joueuses qui sont très inspirantes »

 

CDF – Avant de tourner ce film, est-ce qu'il y avait des sportives qui étaient pour vous une source d'inspiration ?

V.G – Je sais qu'il y a un film, Battle of the Sexes, qui est sorti récemment sur l'histoire de Billie Jean King, la joueuse de tennis qui est une femme très engagée qui s'est battue pour son sport. Comme ça, je pense à elle.

Après, moi j'ai fait de la natation, de la danse, de la gym donc mon modèle à l'époque, c'était Virginie Dedieu en natation synchronisée, qui a été je ne sais plus combien de fois championne de France, qui a été un peu un modèle pour moi quand j'étais ado, et que j'ai commencé la natation synchronisée.

Aujourd'hui, avec le tournage, je m'intéresse au foot masculin et féminin, et il y a des grandes joueuses qui sont très inspirantes. J'ai rencontré notamment Gaëtane Thiney, Laure Boulleau qui parle très bien de son sport. Des grandes joueuses comme Camille Abily, Amandine Henry qui sont des filles inspirantes dans le milieu du foot féminin.

 

« Avec les filles de l'équipe, je pense qu'on va bientôt se refaire un Urban »

 

CDF – Vous avez « appris » à jouer au football à l'occasion de ce film. Est-ce que vous pensez continuer à jouer ?

V.G – Oui, Complètement, depuis la fin du tournage. J'avais des douleurs aux ligaments croisés. Je ne le sentais pas trop au quotidien, mais dès que j'essayais de faire des frappes, ça me faisait très mal. Donc, j'étais là, dégoûtée de ne plus pouvoir jouer. Et puis j'ai été voir un chiropracteur qui vient de me sauver !

Et de voir le match ce week-end [PSG-OM où Vanessa Guide à donné le coup d'envoi fictif avec Max Boublil ndlr] et depuis qu'on a commencé la promo, de reparler de foot, de revoir des matches, ça me donne trop envie de refaire des matches. Et avec les filles de l'équipe, je pense qu'on va bientôt se refaire un Urban parce que ça nous manque.

 

=> A lire – Comme des Garçons : Comment des joueuses de D1 ont participé au film

 

CDF – Dans Comme des Garçons, il y a une chanson avec un refrain qui est devenu un peu un slogan (« crampons-nichons ») autour du film. Est-ce que c'est une chanson inspirée de l'époque ou est-ce que vous l'avez créé avec le film ?

V.G – Les filles [de Reims] avaient effectivement des hymnes et des chansons qui n'étaient pas du tout celle-là. Le slogan « crampons-nichons » a été trouvé par la co-auteure de Julien, qui s'appelle Fadette Drouard. C'est elle qui a créé ce chant qui est repris un peu partout par les équipes de foot, et ça nous fait très plaisir que des équipes féminines le reprennent.

Elles nous envoient des vidéos d'elles en train de crier « crampons-nichons » avant ou après des matches. Et la chanson a été composée par Solène Rigot qui est la gardienne de but [Corine] dans le film. Elle est un peu musicienne, elle joue de l'accordéon et elle a composé cette chanson pendant le tournage.

Hichem Djemai