C'est l'une des joueuses qui brillent depuis le début de la saison en D1. Joueuse et capitaine de l'En Avant Guingamp, Salma Amani a crevé l'écran le mois dernier avec son triplé face à l'Olympique de Marseille. Une performance et une première pour elle qui traduit son changement de statut, plus de dix ans après ses débuts en D1, et qui lui permet désormais de s'exprimer pleinement sur le terrain.

 

Coeurs De Foot - Votre début de saison avec Guingamp avec une nouvelle victoire le week-end dernier face à Rodez où vous avez d'ailleurs inscrit un doublé. Comment vous voyez ce début de saison ?

Salma Amani - C'est bien. Avec tous les départs, beaucoup de gens pensaient qu'on aurait du mal. Donc c'est une super surprise, même pour nous. On a un groupe rajeuni, c'est un renouveau qui a fait du bien. Les jeunes apportent leur fougue, leur insouciance, les plus anciennes leur expérience. On a trouvé un bon équilibre.

 

« Maintenant je peux me consacrer que au football »

CDF – A titre personnel, c'est aussi un très bon début de saison avec déjà six buts, votre record en D1. Qu'est-ce qui a changé, votre positionnement/rôle a évolué sur le terrain ?

S.A – Non, pas du tout. C'est d'abord mon statut qui a changé. Avant, le fait de travailler comme gendarme à côté du foot, avec des horaires parfois pas évident, il y avait une accumulation de fatigue. Maintenant je peux me consacrer que au football.

CDF – Et donc maintenant vous avez un statut pro ? Comment vous avez pu changer de statut après si longtemps en étant amatrice ?

S.A – C'est plutôt un statut semi-professionnel on va dire. J'arrivais à la fin de mon contrat en gendarmerie. Et j'avais envie de nouveaux challenges, pourquoi pas de partir ailleurs. Mais le club voulait que je reste et il m'ont proposé un contrat fédéral et j'ai accepté.

CDF – Sur le terrain, en plus de vos buts, vous êtes souvent une des trois dernières joueuses à toucher le ballon quand Guingamp marque, avec en plus une belle complicité avec Faustine Robert et Désiré Oparanozie

S.A – Oui, c'est vrai. Avec Faustine ça fait 4/5 ans qu'on travaille ensemble, Désiré c'est la troisième année qu'on joue maintenant ensemble donc oui il y a des automatismes qui se sont créés. Après c'est vrai aussi avec les joueuses sur l'autre côté, à gauche : Louise [Fleury] et Agathe [Ollivier] qui a eu quelques titularisations ces dernières semaines.

CDF – Quand on lit des articles sur vous, on peut voir que vous être présentée alternativement comme milieu de terrain ou comme attaquante. Comment vous définissez votre positionnement ou plutôt votre rôle sur le terrain ?

S.A – Je suis un peu un électron libre, 9 ½, 10, je n'ai pas un positionnement précis, je suis derrière l'attaquante de pointe. J'ai besoin de toucher de beaucoup de ballons, c'est un peu ça mon rôle, orienter ensuite le jeu depuis le milieu de terrain.

 

« C'est un club auquel je me suis attaché »

CDF – Vous êtes bretonne d'adoption [Salma est née au Maroc, et a rejoint très jeune ses grands-parents à Brest] et cela fait maintenant dix ans que vous jouez dans les côtes d'Armor (Stade Briochin devenu En Avant Guingamp). Qu'est-ce qui fait que vous ayez fait le choix de rester en Bretagne et à Guingamp en particulier ?

S.A – J'ai vécu ici, j'ai grandi ici. J'y ai des attaches fortes. Ça fait partie des choses qui n'ont pas forcément besoin de s'expliquer. Ici à Guingamp, c'est un club familial, accueillant. J'ai connu les périodes difficiles du Stade Briochin, en bas de tableau, avec le maintien à aller chercher tous les ans, et qui se jouait souvent jusqu'à la dernière journée. C'était des émotions fortes chaque saison. Avec l'arrivée de l'En Avant, les conditions ont évolué, pas mal de choses ont changé dans le positif. C'est un club auquel je me suis attaché et que j'ai pas envie de voir descendre.

CDF – Sur un autre sujet, j'ai également vu qu'en équipe nationale vous aviez choisi de jouer avec le Maroc mais que dans le même temps vous jouiez aussi en équipe de France militaire. C'est peu commun ?

S.A – Je me considère française avec des origines marocaines. Quand j'étais à Clairefontaine, les autres joueuses étaient déjà en équipe de France. Pour moi, je savais que ce serait compliqué d'être sélectionné. Alors, quand on m'a proposé de jouer pour le Maroc, je me suis dit pourquoi pas aller là-bas, sachant que je jouais déjà en équipe de France militaire à l'époque.

J'ai su à ce moment-là que je pouvais jouer dans les deux équipes. L'équipe militaire n'est pas considéré comme une équipe nationale au niveau de la FIFA, donc cela ne posait pas de problème que je joue aussi pour le Maroc en même temps. J'ai connu des expériences incroyables avec l'équipe de France militaire (petit clin d'œil aux kikinoux). Avec le Maroc, cela a été plus compliqué, mais c'est aussi lié au niveau d'avancement du football féminin là-bas. On a pas réussi à se qualifier pour la CAN, un peu déçu de ce côté là. Je suis consciente qu'on pourra pas se qualifier tout de suite pour une Coupe du Monde.

 

« Sur le terrain, j'ai mon caractère »

CDF – Pour revenir à Guigamp, vous êtes actuellement capitaine de l'équipe, un statut qui ne vous pas forcément très plaisir...

S.A – C'est vrai que le capitanat, c'est pas top mon truc. Le brassard... Si j'ai quelque chose à dire, je le dis aux filles, je n'ai pas besoin d'être capitaine. Après, je l'ai accepté quand Sarah M'Barek me l'a donné parce que ça fait dix ans que je suis au club, que je suis là depuis longtemps, alors que l'équipe est très jeune donc je l'accepte. Mais je préfère être tranquille, dans mon coin. La saison dernière j'avais demandé de pouvoir donner le brassard à quelqu'un d'autre. C'était Aminata Diallo qui l'avait récupéré [Depuis cet été, Aminata est au PSG, et donc le brassard est revenu à... Salma].

Je suis pas du genre à réunir l'équipe dans le vestiaire, et faire un grand discours philosophique. Ça me met pas forcément à l'aise. Après sur le terrain, j'ai mon caractère, les filles le savent, et ça m'arrive de m'énerver, de dire ce que je pense, ça peut être les coéquipières, l'équipe en face, l'arbitre, brassard ou pas brassard, de ce côté-là, je changerai pas.

CDF – Vous avez dit aussi que pour vous le football, ça fonctionnait à l'envie et que si un jour, l'envie n'était plus là que vous passeriez à autre chose. « Autre chose » ce serait quoi ? Revenir dans la gendarmerie ou vous avez d'autres idées en tête ?

S.A – C'est vrai que la gendarmerie ça reste dans un coin de ma tête. Après, le football, je pense que j'en ai encore pour quelque temps. Maintenant, si ce que vous me demandez c'est : « est-ce que je compte passer mes diplômes, devenir entraîneure ? » c'est pas spécialement une envie pour moi. Après pour le moment, j'y ai pas particulièrement réfléchi.

CDF – Parmi les tâches que vous aviez en travaillant comme gendarme, c'était notamment assurer la sécurité des matches de l'équipe masculine de Guingamp qui joue en Ligue 1 (première division masculine). Est-ce qu'ils savaient que vous étiez aussi joueuse à l'En Avant ?

S.A – Certains savaient. En faisant l'escorte entre l'aéroport et le stade, ça m'est arrivé de me retrouver avec l'équipe masculine et les joueurs nous voyaient et finissaient par savoir que je jouais aussi avec Guingamp. Je faisais aussi la sécurité des matches, les week-ends où on jouait pas. On devait rester à l'extérieur du stade, et bien sûr pas pouvoir regarder les matches avec l'ambiance à l'intérieur, c'était des moments assez frustrants.

CDF – Et est-ce que des liens ont pu se tisser avec des joueurs de l'équipe masculine par ce biais-là ?

S.A – Non, je pense pas. C'est aussi lié au fait qu'on se croise pas vraiment. Nous on est à Saint-Brieuc, eux ils sont à Guingamp, donc il n'y a pas vraiment de contact entre les deux équipes.

 

« C'était une soirée exceptionnelle »

CDF – Alors, justement Guingamp, le Roudourou, c'est un stade où vous avez brillé, il y a quelques semaines avec cette victoire 4-0 face à l'OM. Un stade avec plus de 8000 personnes, face à Marseille, 4-0 et un triplé pour vous sur le terrain. C'était une soirée un peu magique ?

S.A – Déjà, quand on joue au Roudourou, c'est toujours particulier. Une pelouse magnifique, c'est un cadre parfait pour jouer au foot en plus avec le public, nombreux. C'était un match dont tout le monde parlait autour de nous, parce que l'OM, certes elles sont promues mais ça reste une belle affiche. En plus, chez les garçons, on a toutes nos équipes préférées, moi j'aime bien Marseille, donc c'était aussi particulier. Beaucoup de gens attendaient ce match, et on a pas déçu.

Donc, ce match au Roudourou, avec le monde qui y avait et puis la tournure du match, c'était un tout et pour nous c'était une soirée exceptionnelle. Après on est vite redescendues sur terre. On sait que le week-end suivant on revient jouer à Fred-Aubert devant 100 personnes. C'est bien aussi, mais bon voilà, ce genre de grands matches, ça reste des moments rares pour nous.

 

Photo: En Avant Guingamp

Hichem Djemai