C'est une question que l'on peut se poser. Les garçons, les filles, le foot et ses supporters. L'ambiance est-elle la même ? Non pas simplement parce qu'il y a plus ou moins de monde mais parce que tout simplement c'est un sport différent, avec une approche, des « valeurs » différentes. Des différences qui feraient que l'ambiance ne sera jamais la même, que l'on soit 100 ou 50.000 à l'intérieur d'un stade.

La dernière Coupe du Monde au Canada a encore une fois montré qu'il était possible de réunir des dizaines de milliers de spectateurs pour des matches de football féminin. Aux États-Unis, certaines joueuses sont devenues de véritables « rock stars », chacune de leurs apparitions étant accompagnée de vivas et de cris de fans en fusion, avec le sentiment d'être un(e) privilégié(e), présent à quelques mètres de sa joueuse préférée.

À trois ans de la Coupe du Monde en France, le football français se retrouve confronté à cette nécessaire ambition : remplir les stades. Sur la région parisienne, ni le Stade de France, ni le Parc des Princes n'ont été retenus pour l’événement. Seul le stade Jean Bouin (20.000 places), enceinte qui accueille régulièrement les matches de rugby du Stade Français a été retenu.

Ailleurs, on s'est montré plus ambitieux. À Lyon, c'est le nouveau stade, le Parc OL, qui a été retenu : une enceinte de 50.000 places, théâtre de la demi-finale aller de la Ligue des Champions entre l'Olympique Lyonnais et le PSG. Une rencontre où le record d'affluence en France pour un match de football féminin a été battu avec 22.050 spectateurs payants réunis dimanche au stade.

Le football féminin est l'un des domaines où la capitale n'est pas vraiment Paris. Depuis 10 ans, Lyon est devenu la place-forte du football féminin en France et peut-être même en Europe. Élu meilleure équipe du monde en 2015, l'OL féminin est devenu une référence sur le terrain, mais qu'en est-il dans les tribunes ?

 

La référence en matière d'ambiance dans le football féminin se trouve du côté de Portland, et l'équipe des Thorns. Une formation que va rejoindre Amandine Henry à la fin de la saison et qui affiche une affluence moyenne de plus de 15,000 spectateurs avec une animation de stade qui a fait la réputation du club de NWSL.

En France, Lyon reste la ville où le public se déplace en plus grand nombre pour assister aux matches de l'OL. La saison dernière, ils étaient 2,850 en moyenne à venir au stade, soit au Stade Gerland ou sur le terrain n°10 de la plaine des jeux pour assister aux rencontres de l'OL. Les rencontres phares, contre le PSG, Juvisy, Montpellier, attirent à chaque fois plusieurs milliers de curieux et de supporters.

 

Encore cette saison, la réception de Paris en début de saison a réuni 7,037 spectateurs à Gerland. La venue de Montpellier pour la dernière journée devrait elle aussi attirer un grand nombre de Lyonnaises et de Lyonnais d'autant plus que le match sera probablement celui du titre et de la Décima lyonnaise. Ce sera aussi la dernière rencontre avant la finale de la Ligue des Champions où Lyon devrait être présent le 26 mai prochain.

 

Une exception lyonnaise ?

Au milieu de cette masse nombreuse de spectateurs qui viennent voir plus ou moins régulièrement les matches de l'OL, certains ont décidé de s'organiser pour créer des groupes et des associations de supporters. Une démarche qui peut sembler banale, mais sur ce terrain Lyon fait figure d'exception dans le paysage du football féminin français.

Le premier groupe à s'être créé s'appelle les OL Ang'Elles. À l'initiative de cette démarche, Isabelle Bernard, une dirigeante de l'OL féminin. L'association trouve son point de départ pendant la saison 2010/2011. À ce sujet, Isabelle Bernard se souvient notamment d'un match de Ligue des Champions contre Arsenal, en demi-finale.

Une double confrontation qui à l'époque l'avait marqué. D'abord par la belle performance des Lyonnaises à l'aller (victoire 2-0) et puis par les conditions dans lesquelles s'est joué le retour en Angleterre. Un « stade improbable » avec un terrain détrempé, la « pluie froide » et puis des joueuses qui n'avait pas l'équipement adéquat pour faire face à ce genre de conditions. Elle avait été marquée par le « courage » des joueuses et de son sentiment qu'on ne pouvait pas « laisser des gens jouer dans ces conditions à ce niveau-là avec personne autour ».

Une décision d'autant plus forte de sa part qu'elle constate la différence entre les proportions prises par le foot masculin et l'anonymat dans lequel évoluent les meilleures joueuses chez les filles. Un sentiment que l'on retrouve chez tous les supporters que nous avons rencontré. En particulier, ils estiment avoir la chance de côtoyer de très grandes athlètes, qui font partie des meilleures du monde dans leur discipline tout en conservant une disponibilité et une simplicité devenue trop rare dans le monde du sport professionnel et dans le football en particulier.

Certains, comme Christophe des OL Ang'Elles, estiment même que cela s'est quelque peu perdu du côté des garçons de l'OL, et que c'est une des raisons qui l'ont poussé à d'avantage s'intéresser aux féminines accompagné de ses enfants, pour leur permettre de voir mais aussi de rencontrer des sportives de haut niveau.

 

L'enjeu de l'information

Dans le monde du football féminin, même à Lyon, on ne peut pas se contenter d'attendre que les informations viennent à vous. Par certains côtés, les groupes de supporters jouent le rôle des médias ou des clubs dans la diffusion des renseignements concernant les matches, les lieux et les dates des rencontres, notamment quand elles sont décalées au dernier moment. La demi-finale entre Lyon et le PSG a d'ailleurs donné lieu à son lot de rebondissements peu au goût des supporters lyonnais.

Il y a bien évidemment le décalage au lundi soir (2 mai) du match retour prévu au Parc des Princes. Un changement dont beaucoup de supporters se sont scandalisés à Lyon, promettant malgré tout qu'une poignée de supporters feraient le déplacement. Mais il y a aussi cette anecdote racontée par Willy Pasche des OL Ang'Elles et que nous avons pu découvrir en traversant les rues de Lyon. Les affiches annonçant le match aller prévu à Lyon avaient conservé la date de départ, à savoir le Samedi 23 avril. Des affiches qui n'avaient jamais été corrigées par la suite et continuaient à être visibles telles quelles jusqu'au jour du match.

Des couacs ou des manques dans la communication autour du foot féminin qui ont favorisé le rapprochement d'un certain nombre de supporters avec les OL Ang'Elles. Une manière d'être courant des matches, des déplacements et des événements autour de l'équipe féminine. Forte de plus de 200 adhérents, la présence de l'association sur Internet et les réseaux sociaux assurent aussi une diffusion des informations autour de l'équipe notamment lorsque les matches ne sont pas diffusés à la télévision.

Un rôle reconnu par le club et qui a probablement été facilité par la position d'Isabelle Bernard. Elle a pu s'appuyer sur ses réseaux à l'intérieur et autour du club pour rendre incontournables les OL Ang'Elles comme soutien et comme porte-parole non-officiel de l'OL féminin. Une démarche qu'elle assume d'ailleurs, estimant que c'est une responsabilité des dirigeants de club féminin d'avoir une démarche volontariste pour susciter la création de groupes de supporters.

 

Changements d'ambiance

Parce que le foot féminin connaît un engouement récent et encore fragile en France, les débats sur l'ambiance la plus appropriée dans les stades sont encore ouverts. Le foot français chez les garçons est à l'heure actuel malade de son rapport avec les supporters, un sujet qui fait l'objet de reportages et de prises de position régulières dans la presse spécialisée.

Chez les filles, différentes philosophies cohabitent sur la meilleure manière de soutenir les joueuses. C'est notamment dans cette perspective que certains supporters ont décidé l'an dernier de lancer le Kop Fenottes, une démarche qui s'inspire des ambiances que l'on peut retrouver chez les garçons, et notamment des Bad Gones dont sont issus une partie du Kop Fenottes.

Des Bad Gones qui étaient présents lors du match OL-PSG, apportant leur énergie, mais aussi parfois les « automatismes » des matches des garçons. En première période, quelques traditionnels « Paris, Paris on t'***** » et puis un chant destiné à Kheira Hamraoui au moment de sa sortie sur blessure à la 32e minute. Sylvain Vauthier, président du Kop Fenottes, nous expliquera après le match que c'était une manière de rappeler les dégâts que le jeu rugueux d'Hamraoui avait fait sur certaines joueuses de l'OL.

Comme OL Ang'Elles, le Kop Fenottes se place dans une démarche de promotion des féminines de l'OL et plus généralement du foot féminin. La différence se fait sur la volonté de créer un kop à l'image de ce qui se fait chez les garçons et notamment du virage nord lyonnais (où sont présents les Bad Gones), une véritable animation de stades avec des chants, les « Ahou » traditionnels du virage nord.

L'idée est de pouvoir « faire du bruit », « mettre la pression sur l'adversaire » être « remuant », « dynamique », et finalement avoir les mêmes ambiances que chez les garçons même si Sylvain Vauthier reconnaissait que ce n'était pas possible d'avoir « le même vocabulaire ». Une démarche qui ne se fait pas en marge de l'OL. Créé à l'été 2015, le Kop Fenottes est reconnu par le club et bénéficierait même d'un accueil enthousiaste des joueuses de l'équipe.

Une manière de faire l'ambiance qui est peut-être le point de clivage avec les OL Ang'Elles. Comme l'explique Willy Patsche, ils défendent de leur côté « une convivialité et un respect vis-à-vis de l'adversaire » même lors « des déplacements à Saint-Étienne ». Il nous raconte d'ailleurs une anecdote où lors d'un déplacement à Charlety, il avait été surpris de voir les supporters traités « pratiquement comme des hooligans », avec une sécurité du stade visiblement trop habituée aux situations tendues des matches des garçons.

Des différences réelles entre les deux groupes, mais qui s'atténuent lorsque l'on revient au football avec un sentiment partagé par tous d'être privilégiés et de côtoyer une grande équipe, montée de manière sérieuse par la direction du club et qui n'a pas été créé pour « céder à une mode ». Un choix assumé par le club, et qui selon Sylvain Vauthier a progressivement permis de capter l'attention du public lyonnais grâce aux résultats, mais aussi par l'esprit d'une équipe qui « joue ses matches à fond » et qui ne s'arrête pas de « jouer à la 60e minute » pour « gérer les matches ».

Cette diversité traduit aussi quelque part la réussite de l'équipe lyonnaise qui parvient à réunir un public de plus en plus large, et où cohabitent des primo-supporters, des déçus du foot masculin, et d'autres qui naviguent entre les deux équipes de l'OL. Un tour de force que tous les supporters lyonnais espèrent couronné d'un nouveau titre européen le 27 mai prochain en Italie.

Hichem Djemai