Après plusieurs mois difficiles sans victoire, l'ASJ Soyaux emmenée par Laurent Mortel depuis novembre (suite à la démission de Sébastien Joseph, ndlr) est parvenue à prendre sa revanche face au GPSO 92 Issy, qui avait empoché la victoire au match aller 1-0 également. La réaction du coach, plus que satisfait par la démonstration de ses joueuses et qui croit fermement au maintien !

 

Coeurs de Foot - Votre réaction sur cette victoire ? C'était une victoire importante, qui fait du bien au moral ?

Laurent Mortel - Oui c'est un soulagement, un grand "ouf" de soulagement, ça fait de nombreuses semaines qu'on travaille, il y a beaucoup de choses [de faites], mais on n'était pas récompensés.

On savait qu'on avait un match décisif aujourd'hui, c'est un tournant, mais ce n'est pas terminé, ce n'est qu'une étape. En tout cas on l'a bien négocié et ça nous permet de sortir de cette zone de relégation et elle va faire un grand bien au groupe, qui le mérite, parce que franchement depuis début novembre ça bosse, ça bosse bien. Mais dans le foot vous n'êtes jugé que sur vos résultats, donc tant qu'on avait pas pris de points, on ne pouvait pas valider le travail. Je suis content pour les filles et que ça récompense leur travail avant tout.

 

"Ca fait un petit moment que je

tente des associations."

 

CDF - Concernant le système de jeu, on sait que vous essayez toujours de vous adapter soit à l'adversaire, soit à l'enjeu. Là on peut dire que c'était plutôt l'enjeu ? Parce que vous avez mis Siga Tandia en défense centrale pour consolider justement la charnière centrale et éviter de prendre un but, alors que vous la faisiez plutôt jouer au milieu depuis quelques temps, et on a vu aussi Laura Bourguoin tutoyer l'attaque, en formant un bon binôme justement avec Marie-Charlotte Léger. Donc vous essayez de réorganiser l'équipe, vous tentez de nouvelles choses à chaque fois ?

L. M. - Oui après Siga n'était pas destinée à jouer défenseure centrale [sur ce match], c'est la sortie de Kelly Gadea, qui a modifié la donne. Après j'ai fait un choix, ça fait un petit moment que je tente des associations.

Vous savez quand ça ne va pas, il faut souvent reprendre [le système de jeu, l'animation], essayer de regarder un peu l'histoire [de chacune, et de l'équipe] et je sais que Siga a déjà joué à ce poste-là [de défenseure], c'est une fille qui a du caractère, de l'expérience et qui nous apporte cette sérénité, mais il y en a d'autres également, mais c'est ce qu'elle a fait. Donc je l'ai repositionné par nécessité au regard de la blessure de Kelly.

Ensuite, j'avais hésité aussi à mettre Laura [Bourgouin] et Agathe [Donnary] au milieu de terrain d'entrée de jeu et Siga en 6, et vous voyez finalement on a joué avec Carla [Cosme] et Agathe (entrée à la 5e minute de jeu, pour remplacer Kelly Gadea, ndlr), et ça fait plaisir de voir ces deux petites sur le terrain cet après-midi, avec un match décisif. Ca n'a pas été facile, mais les petites ont répondu présente, et je pense que c'est une super expérience pour elles.

 

"Soyaux c'est le club qui doit

se maintenir en D1."

 

CDF - Vous avez récupéré une équipe de Soyaux dans une situation assez compliquée (avec la démission de Sébastien Joseph, liée notamment au manque de moyens qui lui était alloués pour s'occuper de ses joueuses, ndlr). ["Très compliquée", selon le coach, qui me coupe] Vous avez quand même recruté Marie-Charlotte Léger - en prêt de Montpellier - on sent que vous ne voulez pas rendre les armes, vous voulez vous battre jusqu'à la fin ?

L. M. - Vous savez quand vous venez à Soyaux, vous n'avez pas le droit [de rendre les armes], parce qu'il faut pouvoir regarder les personnes dans les yeux.

Il y a une histoire, il y a une vraie histoire. Soyaux c'est le club qui doit se maintenir en D1. On est venu avec cet état d'esprit-là. C'est vrai qu'il y a un effectif présent, qui n'est pas le mien à la base, je travaille avec, j'ai fait des choix de faire venir certaines joueuses, j'espère que d'autres suivront très prochainement. Voilà ce que je peux vous dire. Après bien sûr qu'on veut le maintenir et avec toute l'équipe dirigeante, on veut maintenir l'équipe en D1, c'est le projet.

 

"C'est déjà fort bien d'avoir réussi

à maintenir [le score]"

 

CDF - Est-ce que vous n'avez pas été frustré tout de même ? Car sur l'ensemble du match vous avez plutôt mieux maîtrisé que votre adversaire, qui n'a pas lâché le match, mais vous avez eu beaucoup d'occasions qui n'ont pas terminé au fond.

L. M. - Peut-être, mais vous savez aujourd'hui dans notre situation, [une victoire] à 1-0, je prends. On va regarder à la vidéo, on va analyser tout ça, on va [décortiquer le match]. 

Mais oui bien sûr que j'aurai préféré mettre ce deuxième but, et nous mettre à l'abris pour éviter ces moments de stress ou de pression. Maintenant c'est déjà fort bien d'avoir réussi à maintenir [le score] et de ne pas prendre de buts, parce qu'on sait qu'Issy est capable aussi, ils en ont mis deux contre Montpellier sur le dernier match [en Coupe de France], donc c'est capable aussi sur des contre-attaques d'être redoutables, avec des joueuses offensives intéressantes. Donc je préfère me dire qu'on n'a pas pris de buts, on en a marqué un, certes ce n'est pas beaucoup, mais si on les a gardé pour les autres matches [les autres buts], c'est parfait ! (sourire)

 

"Ce qui fait le charme aussi

du foot féminin"

 

CDF - Est-ce que vous aimeriez que la FFF mette son grain de sel dans le championnat et qu'elle redistribue plus de moyens à des clubs comme Soyaux, amateurs, et historique de votre côté aussi ?

L. M. - (il réfléchit brièvement) C'est difficile de se prononcer sur ces aspects-là. Je sais qu'il y a beaucoup de clubs pros qui sont en D2, qui aimeraient peut-être en D1. Est-ce qu'il faudrait envisager un nombre plus conséquent d'équipes ? Pourquoi pas ?

Ce qui fait le charme aussi du foot féminin, c'est peut-être d'avoir des équipes "amateurs" entre guillemets, comme Fleury, comme Soyaux, comme Issy, où ces équipes essayent avec d'autres arguments, une autre philosophie, une autre conception de pouvoir exister [dans le championnat élite]. Je pense que ça fait peut-être du bien dans ce milieu du foot, d'avoir cette fraîcheur parfois.

Alors effectivement c'est difficile de rivaliser avec les clubs du haut de tableau, ça on le sait, mais je pense que ça apporte autre chose et on peut se poser la question, si le foot féminin doit ressembler au foot masculin ? C'est la vraie question qu'on doit se poser. Je pense qu'on a juste voulu superposer deux footballs, qui mériteraient peut-être d'être réfléchi sur la superposition [des deux championnats élite du foot français, Ligue 1 et D1 Arkema].

Dounia MESLI