Après avoir pris ses quartiers à Clairefontaine, Justine Lerond enchaînait les entretiens pour sa première convocation en équipe de France A. Avant d'avoir un échange en tête-à-tête avec la sélectionneuse Corinne Diacre, la jeune gardienne messine a répondu à nos questions.

L'occasion d'évoquer notamment son été, et le trophée qu'elle a remporté avec les Bleuettes lors de l'Euro U19 en Écosse. Un sacre qui a accéléré son arrivée chez les grandes à même pas 20 ans, avant (probablement) d'être suivie par d'autres jeunes pousses du football tricolore.

 

Première convocation en A, après la victoire cet été à l'Euro U19. Est-ce que vous êtes surprise d'avoir été convoquée aussi rapidement après ce titre en jeunes ?

Oui, un peu surprise, parce que l'on ne s'y attend pas, forcément. Je suis encore jeune. Après, je pense que cela reste un objectif pour toutes, mais c'est vrai que c'était une surprise. Je ne pensais pas que je serai appelée rapidement. Et même, on n'y pense pas. On se dit qu'on en est encore loin, qu'il y a d'autres personnes avant nous. Après, c'est à prendre par le bon côté, et en profiter.

 

« On apprend beaucoup dans ces grandes compétitions »

 

L'Euro U19, ce trophée, c'est encore dans les têtes un mois après ?

On y pense, on est fières. Après, on n'y pense pas tout le temps non plus parce qu'il ne faut pas qu'on reste là-dessus. Il faut qu'on se fixe de nouveaux objectifs, mais c'est sûr que cela reste une fierté.

 

Vous voyez ce titre clairement comme une étape vers autre chose ?

Oui, c'est un titre, mais après il y a plein d'autres choses. Il y a la Coupe du Monde [U20] qui arrive ensuite. Si on reste fixées sur [cet Euro U19], on ne va pas pouvoir se remettre dans le sens de la marche.

 

Justement, la Coupe du Monde U20, vous en avez déjà disputé une l'an dernier. Vous avez déjà joué plusieurs tournois majeurs en sélections jeunes. Qu'est-ce que cela vous apporte en terme d'expérience, de vécu ?

Cela apporte beaucoup d'expérience. Déjà, je le vois, quand je regarde mon premier Euro [U19, en 2018], et le dernier [cet été, remporté par les Bleuettes en Écosse], il y a une énorme différence. Mentalement, on n'appréhende pas de la même façon.

Entre temps, il y a eu la Coupe du Monde U20 qui m'a beaucoup apporté. En étant deuxième gardienne [avec Mylène Chavas en numéro une, ndlr], j'ai pris beaucoup d'expérience, dans le ressenti, apprendre à se connaître soi-même. On apprend beaucoup dans ces grandes compétitions. Je pense que plus on en fait, mieux on peut avancer.

 

« On reprend le groupe en main quand il y a un peu de relâchement. »

 

Lorsque l'on regarde cette équipe de France U19, championne d'Europe, on a l'impression qu'il y avait plusieurs personnalités fortes dans l'équipe, dont vous faisiez partie, capables d'assumer un rôle de leader et de porter l'équipe dans les moments importants. De l'intérieur, est-ce que vous avez eu le même ressenti ?

Je pense que dans cette équipe, on a eu la chance d'avoir six mondialistes [qui avaient joué la Coupe du Monde U20 en août 2018, ndlr], qui avaient déjà un peu d'expérience. Il y a aussi beaucoup de filles qui jouent en D1.

Donc on essaie de tirer vers le haut celles qui n'ont pas fait ce genre de compétitions. Après c'est sûr que sur le terrain, ça se ressent un peu. On reprend le groupe en main quand il y a un peu de relâchement.

Pendant toute la phase de préparation, on appréhendait un peu le fait qu'il n'y ait pas de leaders qui ressortent un peu du groupe. Après avoir discuté avec Selma [Bacha], Melvine [Malard] ou Maëlle [Lakrar], on a essayé de montrer que les filles pouvaient compter sur nous et ça s'est fait naturellement.

 

Parmi ces moments décisifs, il y a ces deux arrêts que vous faîtes lors de la finale, en fin de match. Après la rencontre, vous aviez dit que vous n'étiez pas satisfaite de votre première période, et qu'à la mi-temps, vous aviez eu besoin de trouver les ressources pour revenir avec plus d'envie. Comment ça se passe pour vous à ce moment-là ?

Je pense que dans ma tête, à la mi-temps, je réalise que c'est une finale d'Euro. C'est un peu de l'imagerie mentale, je me vois revenir plus forte. Du coup, je travaille sur ça, et je me dis que je ne laisse plus rien passer. Et je pense que mentalement, si la tête va, le corps suit. Donc, je me dis : « Ça y'est, ça ne passe plus », et voilà...

 

Et dans ce genre de moments, vous avez plutôt besoin de vous isoler ou au contraire de parler avec vos coéquipières ?

J'aime beaucoup parler avec mes coéquipières, surtout avec mes défenseures. Ma coach des gardiennes [Sandrine Roux], j'aime aussi beaucoup lui parler. Après c'est de la confiance, on se rassure entre nous. Avec Maëlle [Lakrar], Emmeline [Saint-Geroges], on se parle beaucoup sur le terrain.

 

« Quand tu es la gardienne et que tu lis les commentaires, tu te mets un peu dans le trou toute seule »

 

Pour évoquer un autre sujet, la période récente a aussi été marquée par la Coupe du Monde, avec des gardiennes qui, globalement, ont réalisé de belles prestations, ce qui a un peu fait taire les critiques. En tant que gardienne, est-ce que ça fait du bien de voir qu'il y a une évolution positive à votre poste ?

Oui, je pense. C'est aussi grâce à elles, parce qu'elles ont fait des bonnes performances. Après, oui, l'année dernière, je l'ai un peu vécu. Quand on prenait des lourdes défaites avec le FC Metz, sur certains sites, on avait surtout tendance à mettre l'accent sur la gardienne.

Et du coup, quand tu es la gardienne et que tu lis les commentaires, tu te mets un peu dans le trou toute seule. Mais après, il faut en ressortir. Six mois après, les gardiennes sont de nouveaux [respectées], estimées. C'est bien pour l'ensemble des gardiennes.

 

Pour finir, l'occasion d'évoquer votre club, le FC Metz. Si votre convocation en A et celle de Léa Khelifi, qui jouait à Metz la saison dernière, est une nouveauté, il y a de nombreuses joueuses de Metz qui ont été sélectionnées en équipe de France jeunes ces dernières années. Est-ce que cela veut dire que Metz est particulièrement un bon endroit pour progresser quand on a votre âge ?

Je pense qu'ils font tout pour, en tout cas. Ils ont un beau projet de formation chez les filles. Je leur souhaite vraiment de pouvoir continuer comme ça et de pouvoir sortir des filles qui pourront jouer en sélection jeunes et même si possible en A.

Après, si je prends l'exemple d'Héloïse [Mansuy], de Léa ou de moi-même, on n'était pas à Metz dès le plus jeune âge. On a fait beaucoup de rassemblements à côté, quand on était jeunes, avec le district mosellan surtout. Cela nous permettait de nous retrouver, avec l'équipe de Lorraine [notamment]. C'est aussi un bon pilier.

 

Photo: UEFA

Hichem Djemai