Mercredi 17 octobre a eu lieu la finale féminine de futsal des Jeux olympiques de la jeunesse 2018 en Argentine, remportée par le Portugal face au Japon (4-1). Durant cette finale, une femme en particulier a attiré l'attention. Il ne s'agissait pas d'une joueuse mais de l'arbitre du match, Gelareh Nazemi. Cette Iranienne de 34 ans est en effet la première femme de son pays à avoir arbitré un tournoi de futsal de la FIFA. Pionnière dans son pays, cette femme courageuse et déterminée a suivi sa voie malgré les obstacles et les réticences qui se sont dressées contre elle.

Sur le parquet de Tecnopolis en Argentine, Portugaises et Japonaises se disputent la médaille d'or de ces 3e Jeux olympiques de la Jeunesse. Sur le bord de la ligne de touche, une femme enchaîne les allers-retours et les pas chassés pour diriger la rencontre. Grande, élancée, visage délicat ceint d'un voile sombre qui souligne ses grands noirs, Gelareh Nazemi arbitre d'une main de maître cette finale. Ses mains gracieuses et agiles s'agitent pour distribuer les coups-francs, arrêter le jeu et communiquer avec ses assistantes. Ses gestes sont assurés et inspirent la confiance.

 

Cette confiance, Gelareh Nazemi, 34 ans, l'a acquise à force de courage, de détermination et de passion. Cette passion du ballon rond, c'est son frère, arbitre en SuperLiga iranienne, qui lui a transmise. C'est ainsi qu'elle a commencé le football, avant de lui préférer le futsal, beaucoup mieux développé en Iran. Et c'est ainsi qu'elle est devenue la toute première femme de la République islamique à arbitrer les tournois féminins et masculins des JOJ (1). Mais le chemin entre son pays natal et les parquets argentins a été long et semé d'embûches. Difficile de suivre sa voie quand on est une femme et que le poids des traditions et des conservatismes pèse sur vous.

"Il y a 15 ans, je jouais au football en Iran et mon frère, qui était arbitre en SuperLiga, m'a convaincue d'essayer, a t-elle raconté pour la FIFA. Il m'a dit que j'en avais les capacités et que je pouvais être l'une des premières à y arriver. (...) Il n'était pas rare d'entendre dire, surtout par les hommes, que les femmes étaient incapables de bien arbitrer. J'ai eu à cœur de leur montrer que j'en étais capable. Je m'en suis servi pour me motiver. (...) 

 

"On peut et on doit faire ce que l'on veut"

Avec Gelareh, elles étaient sept ou huit femmes iraniennes à avoir emprunté cette voie. Toutes ont abandonné face aux difficultés rencontrées, à la pression de leur famille ou de leur mari qui n'ont pas accepté leur décision. Gelareh elle aussi a pensé plusieurs fois à laisser tomber parce qu'elle est "fatiguée".  "J'ai reçu peu d'appui dans mon pays, mais j'en suis sortie plus forte. On peut et on doit faire ce que l'on veut. Je voulais montrer, surtout aux hommes, que je pouvais le faire. J'étais isolée, mais j'ai tenté ma chance et j'ai réussi."

Aujourd'hui, elle est une pionnière en son pays. En Iran, il existe désormais trois divisions de futsal réservées aux femmes, ainsi que 50 arbitres féminines dans le championnat principal et une centaine dans tout le pays. "C'est ainsi que je me vois (une pionnière, ndlr), comme d'autres arbitres iraniennes. Beaucoup veulent progresser. Ma convocation pour ce tournoi n'a peut-être pas été bien acceptée au début, surtout par les hommes. Mais cette nomination et d'autres au sein de l'AFC ont permis de montrer mes compétences à mes concitoyens. Aujourd'hui, ils ont confiance en moi."  Cette même confiance qui lui semblait si difficile à gagner il y a 15 ans quand elle a commencé à jouer au football en Iran...

 

(1) : Six des 24 arbitres de la compétition olympique de futsal sont des femmes et elles ont supervisé les matches tant féminins que masculins. Gelareh était notamment aux commandes de la rencontre Égypte-Slovaquie qui a vu les Africains se qualifier pour les demi-finales masculines.

De gauche à droite en partant du haut : Quingyun Liang (Chine), Gelareh Nazemi Deylami (Iran), Irina Velikanova (Russie), Tayana Moreno Sarabia (Vénézuela), Valeria Palma (Chili), Chiara Perona (Italie).

 

***Image en une : Getty Images

 

Arnaud Le Quéré