En Espagne, la professionnalisation de la première division féminine (Primera Iberdrola) connaît ses premiers contretemps, avec des négociations qui vont devoir se prolonger en l’absence d’unanimité entre les clubs. Des désaccords déjà connus, mais qui risque de retarder la montée en puissance de la future Liga Ellas...

 

Après les déclarations de principe, le 15 juin dernier, et la promesse d’une professionnalisation de la première division féminine, les derniers jours ont rappelé que la situation était plus complexe en Primera Iberdrola.

Alors que les statuts de la nouvelle ligue professionnelle (la Liga Ellas) devaient être initialement rédigés pendant l’été – avant le 15 août puis le 15 septembre – les clubs qui composent la première division espagnole ne sont pas parvenus à un accord, les autorités espagnoles du sport requérant une décision à l’unanimité pour l’adoption des premiers statuts de cette nouvelle ligue professionnelle.

 

Des décisions reportées à 2022 ?

D’un côté on retrouve le FC Barcelone, le Real Madrid et l’Athletic Bilbao, et de l’autre 12 clubs dont l’essentiel (10) est affilié à l’ACFF (Association des Clubs de Football Féminin). Une ligne de fracture qui avait été déjà observée concernant l’épineux dossier des droits TV, qui constitue encore aujourd’hui l’un des obstacles à la constitution de cette nouvelle ligue professionnelle. L’ACFF dénonce notamment une volonté du Barça, du Real et de l’Athletic de vouloir s’arroger un « droit de véto » dans le fonctionnement de la future ligue professionnelle.

Parmi les 16 clubs qui composent la Primera Iberdrola, seul le Madrid CFF semble au milieu du gué. Le club madrilène avait notamment fait le choix de rompre avec la position de l’ACFF, lors de précédentes tensions autour de la question des droits TV.

Des préoccupations qui semblent bien loin des terrains, mais qui impactent l’avenir à court et moyen terme du championnat espagnol, promis à une professionnalisation, à l’instar du processus désormais bien lancé en Angleterre. Face au blocage actuel, le CSD (Conseil Supérieur des Sports, instance qui dépend du ministère de la Culture et des Sports) a décidé de prolonger les négociations pour une période de 6 mois, afin de parvenir à un accord.

Le CSD aurait notamment convoqué une réunion avec les clubs pour les prochains jours. Une information communiquée par l’AFE (Association des Footballeurs Espagnols), avec des actions d’ores et déjà envisagées par les joueuses si la situation de blocage devait se prolonger courant octobre.

 

Enjeux de pouvoir

Comment expliquer une telle discorde ? Les points de blocage étaient pour la plupart identifiés et concernent notamment les questions des droits TV et de la future gouvernance de la Liga Ellas. C’est ici que l’on retrouve l’accusation de l’ACFF, concernant le « droit de veto » qui pourrait être instauré de fait dans le fonctionnement de la future ligue.

Parmi les exigences qui seraient celles du trio Athletic-Barça-Real, celle que toute future modification des statuts ou concernant le fonctionnement de la ligue soit prise avec une majorité de 90 % (contre une majorité des deux tiers dans la proposition de l’ACFF), ce qui nécessite que 15 clubs sur les 16 soient d’accord (contre 11 sur 16 dans la proposition de l’ACFF).

Cette question de la gouvernance cristallise une partie des tensions, mais celle des droits TV continuent de faire des vagues depuis plusieurs années désormais. La saison a d’ailleurs débuté avec une programmation des matches éclatée et presque illisible, entre chaînes de télévision nationales, régionales ou liées aux clubs de Primera Iberdrola, sans oublier les plateformes numériques.

 

Un championnat sans diffuseur attitré

La situation a pris une autre tournure, après la décision de Mediapro de rompre cette semaine son contrat de diffusion avec l’ACFF, un accord qui représentait des sommes annuelles de l’ordre de 2,5 millions d’euros pour la douzaine de clubs concernés. Cette décision pourrait paradoxalement participer à accélérer les discussions autour de la nouvelle ligue, mais prive aussi les clubs de canaux de diffusions, et surtout de revenus associés à cette diffusion, qui devrait partiellement se poursuivre via la chaîne Teledeporte (RTVE) et la plateforme Footters, liée à la fédération espagnole de football (RFEF), sans oublier les canaux de diffusion propres des différents clubs.

Parmi les points d’achoppement autour des droits TV, la possibilité pour les clubs de vendre leurs droits de manière individuelle, en gardant, au moins de manière partielle, le contrôle sur les droits de diffusion de leurs propres matches. Ce serait notamment l’option privilégiée par le trio Athletic-Barça-Real, avec la possibilité pour ces clubs de garder une forme de contrôle sur leur image et de tirer des revenus plus importants, comparé à une vente strictement groupée et donc commune à l’ensemble des clubs, des droits de diffusion de la future Liga Ellas.

En somme, l’annonce de la professionnalisation de la Ligue professionnelle n’a pas suffi à dissiper des discordes déjà existantes, et qui prennent des dimensions supplémentaires au vu des enjeux. En effet, la première division féminine est censée rejoindre le cercle fermé des ligues professionnelles aux côtés des deux premières divisions masculines en football (Liga Santander et Liga SmartBank) et la première division masculine en basket-ball (Liga ACB). Une perspective pour le moment repoussée de plusieurs mois...

 

Photo : Real Betis Féminas / Twitter

Hichem Djemai