Samedi, la Fédération Argentine de Football (AFA) a annoncé par la voix de son président, Claudio Tapia, la création d'une ligue féminine professionnelle, avec un lancement prévu pour la saison prochaine (2019/2020). Une décision qui intervient alors que de plus en plus de voix s'élevaient dans le pays pour la professionnalisation du football féminin.

 

La question s'était transformée en véritable sujet de société, notamment sous l'impulsion de Macarena Sánchez, qui avait lancé au mois de janvier dernier une action en justice contre son club, l'UAI Urquiza et la fédération argentine pour la reconnaissance de son statut de joueuse professionnelle de football.

 

=> Argentine : Macarena Sánchez mène le combat pour la professionnalisation du football féminin

 

Un pavé dans la mare, alors que le football féminin en Argentine restait sous statut amateur, et une revendication qui a trouvé ses relais sur les réseaux sociaux, dans les rues de Buenos Aires, comme au plus haut sommet de l'état.

 

La convention collective du football s'appliquera pour le championnat féminin

Quelques jours après le 8 mars, mais également après le passage du trophée de la Coupe du Monde féminine en Argentine le 9 mars dernier, la fédération a donc annoncé le passage au professionnalisme. Une officialisation faîte en commun avec la FAA, l'organisation qui représente les joueurs de football en Argentine, puisque cette professionnalisation passe notamment par l'extension aux joueuses de première division de la convention collective appliquée pour les joueurs professionnels du pays.

Cette extension entraîne donc l'obligation pour les clubs d'appliquer les mêmes règles qui prévalent chez les garçons, en terme de contrats, de rémunération, de conditions de travail. En pratique, le statut des joueuses de première division ressemblera à celui des joueurs de « Primera C », la troisième division masculine.

Cela implique par exemple que les joueuses seront rémunérées a minima à hauteur de 15.000 pesos par mois (environ 332 euros) soit un peu plus que le salaire minimum en Argentine qui a atteint 11.300 pesos fin 2018.

Désormais pour les 16 clubs de l'élite, au moins 8 joueuses devront passer sous statut professionnel, un chiffre à rapprocher des 120.000 pesos qui seront versés chaque mois par la fédération aux 16 équipes. Avec ces sommes, la Fédération s'assure du respect des règles du jeu, puisque ces 120.000 pesos permettront de payer les salaires minimums de 8 joueuses devenues professionnelles.

 

Des terrains à disposition et une Coupe d'Argentine

Autre moyen mis à la disposition des clubs, les terrains du centre d'entraînement d'Ezaiza où ont notamment lieu les regroupements des sélections argentines. Ils serviront pour les équipes qui ne disposent pas de terrains adéquats pour organiser les matches de championnat.

Parmi les autres dispositions annoncées par Claudio Tapia, la création d'une Coupe d'Argentine, une compétition fédérale qui s'appellerait Futbol en Evolucion (Football en Evolution) et qui aurait notamment pour vocation à aider le développement du football féminin à travers le pays, alors qu'aujourd'hui l'ensemble des équipes de première division sont basées à Buenos Aires et sa région.

 

Un « premier pas » vers la professionnalisation

Cette nouvelle donne va se mettre en place alors que le football féminin a le vent en poupe en Argentine suite à la qualification de l'Albiceleste pour la Coupe du Monde en France, 12 ans après sa dernière participation à un Mondial. Parmi les signes de cette popularité grandissante, le match de championnat joué le 9 mars dernier par l'équipe féminine de Boca Juniors sur la pelouse de la Bombonera, l'un des hauts lieux du football à l'échelle planétaire.

Ce momentum en faveur du football féminin reste fragile comme en témoigne la situation en Colombie où l'avenir de la Ligue Professionnelle a été récemment remis en cause. Une situation mise en évidence par la fronde d'une partie des joueuses qui dénoncent également les formes de discriminations subies par les membres de l'équipe nationale colombienne.

Pourtant, la création de ce championnat professionnel est vécue par les joueuses comme un changement d'époque et une victoire , à l'instar de Macarena Sanchez qui parle d'un « premier pas » ou d'Estafania Banini, la capitaine de l'équipe d'Argentine qui a également salué la décision sur les réseaux sociaux. Un sentiment amplifié par l'affluence record enregistrée lors du match entre l'Atlético de Madrid et le FC Barcelone dimanche en Espagne, déjà largement repris et commenté par les joueuses et les fans de football féminin en Amérique Latine.

 

Photo:  Agustin Marcarian / Reuters

Hichem Djemai