Écartée début janvier par son club l'UAI Urquiza, Macarena Sánchez tente de faire reconnaître son statut de footballeuse professionnelle. Une action en justice lancée par l'attaquante argentine de 27 ans contre le club de la capitale, champion d'Argentine en titre et contre la Fédération (AFA). Un combat à la fois personnel et mû par une volonté de changement global pour le football féminin en Argentine.


En l'espace de quelques semaines, Macarena Sánchez est devenue un symbole en Argentine. Son combat, contribuer à la professionnalisation du football féminin dans le pays. Le 5 janvier dernier, alors qu'elle est en vacances dans sa ville natale de Santa Fe, elle apprend « par téléphone » , que son club l'UAI Urquiza ne compte plus sur elle pour la suite de la saison. Depuis son arrivée au sein du club de Buenos Aires en 2012, elle avait notamment remporté quatre titres de championnes d'Argentine, dont le dernier la saison précédente.

 

La contre-attaque sur le terrain judiciaire

Deux semaines plus tard, elle communique publiquement son choix d'attaquer en justice son club et la fédération. Le point de départ de son action est la position dans laquelle elle est mise par l'UAI Urquiza. Mise de côté pour « raisons sportives » en plein milieu de la saison, elle ne peut jouer pour une autre équipe avant la saison suivante (2019/2020). Mise dans l'impossibilité de pratiquer son sport au plus haut niveau, elle dénonce également le fait que les joueuses sont maintenues dans un statut amateur , avec une simple licence, alors que leur pratique sportive se professionnalise dans les faits.

C'est contre cette « amateurisme de façade » que Macarena Sánchez s'insurge aujourd'hui et porte la bataille sur un terrain légal. Derrière sa situation personnelle, et sa volonté de faire reconnaître son statut de joueuse de football professionnelle, elle évoque la nécessité d'un changement avec l'établissement de véritables contrats de travail, et bien évidemment des salaires.

À côté de ses activités de joueuses avec l'UAI Urquiza, Macarena Sánchez occupait également un poste d'administrative trouvé par l'intermédiaire du club, en plus de percevoir 400 pesos (9,33 euros) par mois, au titre des déplacements. L'attaquante argentine est également étudiante en travail social dans une des universités de la capitale.

 

Partisane d'un football « féministe » et « dissident »

Si son combat prend aujourd'hui une ampleur inédite, c'est qu'il vient faire écho à des enjeux qui se posent dans toute l'Amérique du Sud. La professionnalisation du football féminin, l'instauration de contrats qui protègent les joueuses sur un plan légal, des enjeux régulièrement mis à l'ordre du jour par les joueuses. Récemment au Chili, quatre joueuses ont signé les premiers contrats de footballeuses professionnelles dans le pays, alors que l'avenir du championnat professionnel féminin reste incertain en Colombie.

L'autre dimension est le féminisme assumée de Macarena Sánchez qui revendique par ailleurs un football « dissident ». Un sport à la fois professionnel mais où le football échappe à l'emprise de l'argent mais aussi à la violence que l'on peut retrouver régulièrement dans les stades en Argentine. Ce féminisme, Macarena Sánchez le revendique depuis toujours, et elle est notamment descendue dans la rue l'an dernier alors que le parlement discutait d'une possible légalisation de l'avortement dans le pays.

Des convictions et une conception féministe du football venues doper son combat, et qui a également amené la professionnalisation du football féminin a trouvé sa place parmi les slogans du 8 mars en Argentine, pour les manifestations de la journée internationale des droits des Femmes. De son côté, Macarena Sánchez était reçue le même jour par l'ambassadeur de France comme l'une des « représentantes du féminisme argentin ».

 

Des soutiens au sommet de l’État

Parmi ses soutiens, Macarena Sánchez peut compter notamment sur la sénatrice et ancienne présidente du pays Cristina Kirchner, mais aussi quelques figures du football argentin à l'image de l'ancien international Juan Pablo Sorín, soutien parmi d'autres du combat incarné par Macarena Sánchez. Une popularité qui va aussi avec ses côtés plus sombres, comme les menaces de mort que la joueuse a reçu via les réseaux sociaux depuis que son combat est devenu une affaire publique en Argentine.

Sur le plan judiciaire, l'affaire n'en est qu'à ses débuts, et dans un premier temps, c'est le Ministère du Travail qui est chargé de tenter de trouver un accord à l'amiable entre Macarena Sánchez son ancien club et la fédération. Dans le cas où aucun accord ne serait trouvé, l'affaire pourrait alors être portée devant les tribunaux. Comme dans le cas de la plainte des internationales américaines contre leur fédération, il pourrait donc se passer de longs mois avant qu'une première décision ne soit rendue. En attendant, nul doute que Macarena Sánchez continuera son combat par d'autres moyens.

 

Photo: UAI Urquiza

Hichem Djemai