Cette après-midi au siège de la FFF, le nouveau sélectionneur de l'équipe de France a présenté sa première liste de 26 joueuses pour préparer le mondial qui arrive. La Lyonnaise, Eugénie Le Sommer fait logiquement son retour, Wendie Renard est également appelée, tout comme Amel Majri ou encore Maelle Lakrar.

 

Journaliste - Dans votre liste vous avez rappelé Eugénie Le Sommer ou encore Léa Le Garrec. Ça montre votre volonté de revoir ces joueuses-là, discuter avec elles ?

Hervé Renard - Oui c'est important [d'échanger avec différentes joueuses]. Vous savez que la liste pour la Coupe du Monde sera de 23 joueuses et non pas de 26. Donc c'est important d'avoir établi une liste un petit peu plus large, en tenant en compte bien sûr des forfaits, notamment celui de dernière minute de Diani, hier soir [en Ligue des Championnes] malheureusement (la Parisienne souffre d'une fracture de la clavicule, ndlr). 

C'est bien de pouvoir se rendre compte, non pas seulement à travers des images du championnat ou d'aller voir des matches de championnats, [il faut] discuter, connaitre le ressenti. Après il y aura des places à gagner. Cette liste n'est pas du tout une liste fermée. Il pourra y avoir d'autres joueuses, mais j'estime que cette liste est bien équilibrée, avec du talent, de la jeunesse, beaucoup plus d'expérience, un mixe qui pourrait amener ce groupe à réaliser de belles choses.

 

Journaliste - Vous avez échangé avec les blessées. Quelles sont les possibilités de revoir Marie Katoto cet été ? Allez-vous la rencontrer dans la semaine à Clairefontaine ?

H. R. - Marie-Antoinette c'est une joueuse importante de cette équipe de France, donc mon souhait le plus cher c'est qu'elle soit parmi nous pour cette Coupe du Monde. Par rapport au diagnostic aujourd'hui elle est à six mois après son opération, il reste du temps. Le championnat se terminant le 27 mai, puisque maintenant aucune équipe féminine ne sera capable de jouer la finale de la Champions League le 3 juin, il y aura du repos pour chacune. Puis après celles qui sont blessées actuellement, il faudra faire un travail important de remise à niveau et j'espère que bien sûr elle sera.

Oui je vais la rencontrer dans les prochains jours... Vous avez peut-être de bonnes informations (sourire). Je lui passerais le message que je compte énormément sur elle, comme tout ce groupe.

 

Journaliste - Pourquoi ne pas avoir remplacé Kadidiatou Diani ?

H. R. - Car il reste une journée de championnat ce soir, demain et dimanche. Il peut y avoir d'autres forfaits, donc plutôt que de réajuster au coup par coup, pour l'instant on donne une liste de 26 joueuses et puis on attend de savoir ce qui va se passer, en espérant que tout se passe bien. Il peut y avoir un tout petit doute pour Eve Périsset, qui a reçu un coup hier soir. On l'a félicite pour sa qualification [en demi-finale de Champions League, après avoir éliminé Lyon], même si on aurait préféré que ça soit une équipe française.

Ce sont des petites incertitudes et on sera fixé dimanche soir pour la liste exacte, qui démarrera ce stage lundi à Clairefontaine.

 

Journaliste - Allez-vous maintenir Wendie Renard, capitaine de cette équipe de France ?

H. R. - J'ai toujours pour habitude de prévenir les intéressées avant de prévenir la presse. Donc déjà j'aurai une discussion avec elle, prendre le pouls de ce groupe, puisque ça sera une découverte également, mais j'ai hâte. Je trouve qu'il y a énormément de qualités, de dynamisme pour faire de très belles choses. Le staff - composé de Laurent Bonadéi, David Ducci, Eric Blahic, Gilles Fouache (entraineur des gardiennes) , Thomas Pavillon (préparateur physique) et Clément Ybert (analyste vidéo) - et moi sommes très motivés. On peut réussir de grandes choses au football, si on est unis, un état d'esprit remarquable, c'est sur quoi je vais m'attacher également.

 

Journaliste - Les choix des joueuses même dans une liste élargie, dessine le projet de jeu. Quel est votre projet de jeu quand on voit ce groupe là ? 

H. R. - La vitesse, c'est un élément et une caractéristique aujourd'hui, qui est importante dans le football moderne. Un milieu de terrain avec de jeunes joueuses, [pour] apporter du dynamisme. Et puis être conquérantes. A l'image de ce qu'on pu faire les équipes françaises hier soir, avec un pressing assez haut, exercer une pression constante et puis dans le football de toute façon il faut être efficace.

Aujourd'hui on peut considérer qu'on a deux avants centres [Katoto et Diani] qui sont manquantes, importantes, mais c'est bien, ça va nous permettre de voir autres choses. En croisant les doigts, en espérant qu'elles reviennent le plus vite possible, pour qu'elles participent à cette Coupe du Monde dans trois mois.

 

Journaliste - Elle est également blessée actuellement, mais Amandine Henry est-elle une joueuse à nouveau sélectionnable ?

H. R. - J'ai aussi appelé Amandine, je voulais voir comment elle allait, quel était son état d'esprit, même si actuellement elle est blessée. J'ai été rassuré sur ce point, elle est en phase de retour, pas très rapide, mais elle devrait participer à la fin de ce championnat. Elle fait partie des joueuses susceptibles d'être sélectionnées ou tout du moins pré-sélectionnées pour cette Coupe du Monde. Après il n'y aura pas un groupe restreint de 23 joueuses, qui démarreront le stage de préparation. Il faudra avec du travail, prouver qu'elles ont leur place dans une groupe de 23 joueuses pour cette Coupe du Monde.

 

Journaliste - On a parlé du style de jeu, concernant le management, est-ce qu'on entraine l'équipe de France féminine, comme on entraine l'équipe saoudienne par exemple ?

H. R. - (Il réfléchit brièvement) On se comporte pas certainement de la même façon avec un groupe féminin qu'un groupe masculin... J'ai quatre filles à la maison, donc, notamment la plus vieille qui a 34 ans, donc [j'ai à ce sujet] un petit peu d'expérience. Un peu plus de communication, d'explications, de tolérance parfois, mais aussi de dureté dans d'autres moments. Il va falloir comme je le disais précédemment créer un groupe uni. On est ensemble, on n'est pas chacun de son côté, on n'est pas divisé. Il faut y aller avec petite touche par petite touche, découvrir chacune d'entre elles et ça c'est mon travail. C'est quelque part dans ce métier ce que j'aime le plus.

 

Journaliste - Il y a une affaire qui a beaucoup secoué le foot féminin ces derniers temps, c'est ce qu'on a appelé l'affaire Hamraoui. La joueuse n'est pas là aujourd'hui, qu'est-ce qui a motivé votre choix pour ne pas la prendre ? Est-ce seulement du sportif ou il y a aussi une question de management ?

H. R. - Je vais vous faire une réponse politique, je n'étais pas là, j'étais en Arabie saoudite, donc je n'ai pas suivi l'affaire (sourire). Non c'est pas vrai, je ne me défile pas (sourire).

C'est un choix avant tout sportif, et puis après quand on forme un groupe, il y a plein d'éléments à prendre en considération et il faut se poser toutes les questions, puis déterminer son choix pour arriver devant vous avec une liste. Aujourd'hui c'est celle-ci, sans Kheira. Donc on va souhaiter à ce groupe un bon stage, et puis on verra ce que dans les semaines à venir réserve. 

 

Journaliste - Avez-vous échangé avec les coachs également de D1 et serez-vous présent dès ce soir sur les terrains, mais aussi tout au long de la saison ?

H. R. - Oui j'ai eu quelques coachs que je connaissais déjà, d'autres que je connaissais un peu moins. Je ne les ai pas tous eu encore, mais une bonne partie. C'est important [d'avoir le lien avec les coachs de D1]. Avec le staff on sera présent ce soir, demain, dimanche, puisqu'on a la chance sur ces trois jours, d'avoir trois matches à Paris et dans la région parisienne, donc ça nous permet d'aller pouvoir rencontrer les entraineurs, sans trop les déranger à la fin des matches, d'échanger un petit peu. On a besoin de leur collaboration, comme vous l'avez dit dans certaines questions tout à l'heure, il y a des entraineurs hommes et femmes, qui ont beaucoup d'expérience dans cette D1 Arkema. C'est important de les écouter, de réunir beaucoup d'informations, ensuite il faut faire avec sa conviction pour les choix, mais c'est important. Déjà comment une joueuse se comporte dans son club. J'ai discuté de certains cas, notamment sur des jeunes joueuses que j'ai trouvé très intéressantes dans le championnat, qui ne sont peut-être pas dans la liste encore, mais qui ont un avenir je pense brillant. Alors peut-être qu'il ne sera pas avant cette Coupe du Monde, mais il faut aussi préparer la suite.

Et puis c'est toujours un plaisir se concentrer, partout où je suis passé, dernièrement encore plus en Arabie saoudite, on était six français là-bas et on parcourait le championnat, car on avait les joueuses qui jouaient tous dans le championnat saoudien. On parcourait le championnat en long et en large, et ça permet de découvrir beaucoup de choses. Je trouve que c'est un championnat intéressant. 

Aujourd'hui il y a beaucoup de progrès à mon avis et je le dis, à faire sur la réalisation, sur les moyens qu'il y a autour du foot féminin, du contexte télévisuel. Si on veut aujourd'hui que le football féminin soit plus attractif, il faut une exposition qui soit beaucoup plus belle et importante. Donc vous allez avoir votre part, la Fédération va avoir sa part, mais je pense que tous ensemble on a besoin des médias, car c'est un football intéressant.

Moi j'aime entendre la Marseillaise retentir sur la première d'un podium olympique ou d'un championnat du monde, c'est quelque chose qui nous transcende. Donc c'est la raison aussi pour laquelle on est là, mais n'oubliez pas mon message, on a besoin de vous aussi. Il va y avoir beaucoup de choses qui vont être faites pour améliorer le football féminin en France. 

On voit que les équipes européennes, notamment anglaises, allemandes [et Espagnoles] progressent énormément, de par les résultats qu'il y a eu ces derniers temps, donc il faut aller vers l'avant. En terme de qualité de joueuses, il y a ce qu'il faut. Il faut vraiment que ce football féminin franchisse un palier. 

 

Journaliste - Pouvez-vous parler plus précisément d'Eugénie Le Sommer ? C'est une joueuse qui n'a pas porté le maillot de l'équipe de France, depuis deux ans, qui est trentenaire, qui n'est pas toujours titulaire dans les gros matches à l'Olympique Lyonnais. Qu'attendez-vous de l'attaquante ? Vous aviez besoin d'expérience et de leadership ?

H. R. - Sans révéler de grandes choses, mon message est très clair avec Eugénie. Elle a une expérience qui est incomparable. Quand on gagne huit Champions League avec son club, on a performé au haut niveau, on continue de le faire. Il y a beaucoup de joueuses étrangères à Lyon, la concurrence est rude, notamment vous le savez certainement avec la meilleure avant-centre qui puisse se faire sur cette planète [Ada Hegerberg]. Mais elle est capable d'évoluer dans d'autres registres également, elle est capable aussi je pense et c'est ce que je lui ai dit, de se substituer comme un joker quelque part de luxe, sur des périodes un petit peu plus courte. Mais je pense qu'on a réellement besoin de son expérience et de son intelligence, je la trouve très intelligente dans le jeu de par ses déplacements. Pour moi ça a été un plaisir de discuter avec elle et j'ai hâte de la rencontrer et de la voir à l’œuvre. Comme on dit Welcome Back.

 

Journaliste - Vous avez décidé de rappeler Léa Le Garrec, c'est une joueuse expérimentée de la D1, mais elle n'a plus été en sélection depuis 2017, elle compte peu de sélections. Quel regarde vous portez sur elle ? Est-ce que à l'image d'Eugénie Le Sommer, son expérience ?

H. R. - C'est un petit peu différent pour Léa... J'ai été impressionné par son activité, il y a des choses à redire aussi, il faut se contrôler un petit peu plus par moment. Elle évolue dans cette équipe de Fleury comme un leader. Maintenant l'équipe de France c'est autre chose. Les qualités elle les a, il y a de la concurrence, il faut qu'elle nous montre simplement ce qu'elle sait faire, je pense qu'elle est capable jouer, qu'elle a une carte à jouer dans ce groupe. Après les différents avis des différents sélectionneurs, qui m'ont procédé, chacun à son avis, chacun recherche des profils un peu particulier. Je pense que c'est important de lui redonner une chance. Maintenant c'est à elle de la saisir.

 

Journaliste - Au-delà de la fierté d'entrainer cette équipe, de sacrifices financiers par rapport à ce que vous aviez en Arabie Saoudite, est-ce qu'il y a concrètement des objectifs qui vous ont été fixés ? On entendait le Président [par intérim] Philippe Diallo parlait  d'objectifs à atteindre, vous a-t-on concrètement demandé contractuellement ou pas, de gagner la Coupe du Monde et/ou les Jeux Olympiques à Paris ?

H. R. - (Il réfléchit brièvement) Je pense que les objectifs sont assez clairs, il faut que dans les deux compétitions au minimum rejoindre le dernier carré et bien sûr on m'a demandé très poliment : "Si vous avez l'opportunité de gagner, surtout ne vous en privez pas". J'ai répondu : "Merci, le message est bien reçu, mais je suis venu pour ça."

 

Photo : Dounia Mesli

Dounia MESLI