Une semaine après la victoire des États-Unis, la marque de déodorant Secret a annoncé le versement d'une prime de 23.000 dollars pour chacune des 23 championnes du monde américaines. Un geste présenté comme une contribution pour « réduire les écarts de revenus » entre les équipes féminine et masculine.

 

L'euphorie n'est toujours pas retombée de l'autre côté de l'Atlantique après la victoire des États-Unis en Coupe du Monde. Parmi les annonces qui ont fait grand bruit, celle de la marque de déodorant Secret. Elle fait partie des sponsors officiels de l'équipe des États-Unis, présentée sur le site de la fédération comme le « déodorant officiel » de l'équipe féminine.

 

23.000 dollars pour les 23 championnes du monde

Dimanche, la marque a poussé plus loin son engagement auprès de l'équipe, en annonçant qu'elle verserait 23.000 dollars (20.478 euros) à chacune des 23 championnes du monde américaines, soit un total de 529.000 dollars (près de 471.000 euros). Une prime exceptionnelle qui sera directement versée à l'Association des internationales américaines (USWNTPA) de manière à être redistribuée au sein de l'équipe.

La marque de déodorant, propriété du géant Procter & Gamble, a notamment fait la publicité de cette initiative dans le New York Times avec une pleine page du journal pour expliquer la démarche. Une communication titrée « Des femmes viennent de rentrer dans l'Histoire, mais elles ont toujours mérité un revenu égal ».

Le texte appelle notamment la fédération des États-Unis (USSF) à être « du bon côté de l'Histoire » et de s'attaquer au problème de « l'Inégalité ». La marque de déodorant en appelle également aux « fans, amis, supporters, organisations et marques » à participer à l'effort pour faire disparaître « les écarts de revenus basés sur le genre ».

 

Un fossé à combler

Spectaculaire, cette initiative reste une contribution modeste pour réduire le fossé qui existe entre les équipes masculine et féminine. Selon des chiffres du New York Times et du Guardian, les joueuses américaines pourraient gagner au maximum entre 250.000 et un peu plus de 260.000 dollars pour leur victoire en Coupe du Monde (entre 222.600 et 231.515 euros). Ces sommes incluent notamment une prime située entre 110.000 et 120.000 dollars (entre 97.000 et 107.000 euros) pour avoir remporté le tournoi en France cet été.

 

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Selon les calculs du Guardian, ces sommes représenteraient un quart de ce qu'aurait gagné l'équipe masculine américaine en cas de victoire (1,11 millions de dollars par joueur, soit environ 988.400 euros) lors du Mondial 2018 en Russie, un tournoi pour lequel les USA ne se sont pas qualifiés. D'autres sociétés avaient pris position dans le même sens pour participer à réduire l'écart de revenus.

C'était le cas par exemple de la marque de barres nutritives Luna Bar qui s'est engagée à verser 31.250 dollars pour chacune des 23 joueuses présentes en France avec la sélection américaine. Un geste qui avait également été présenté comme un moyen de réduire l'écart entre les équipes féminine et masculine. De son côté, Adidas avait annoncé au mois de mars vouloir verser les mêmes « primes de performances » que les hommes pour ses athlètes sous contrat qui parviendraient à remporter le Mondial. Si les sommes versées ne sont pas connues, cela concernerait des joueuses comme Lindsey Horan, Morgan Brian ou Becky Sauerbrunn.

 

Pionnières ou cas à part ?

Des gestes encourageants mais qui illustrent également la spécificité des États-Unis, un pays où le football féminin a acquis une place difficilement comparable avec le reste de la planète, à l'exception peut-être des pays scandinaves et désormais des Pays-Bas. À titre d'exemple, la prime de victoire des joueuses étasuniennes se situe entre 110 et 120.000 dollars soit plus du double de ce qu'aurait gagné les joueuses de l'équipe de France (40.000 euros) en cas de victoire finale à Lyon.

La réussite de l'équipe des États-Unis mais aussi le combat mené par les joueuses depuis plus d'une vingtaine d'années leur a permis de dépasser le stade de la parité, autrement dit de toucher la même proportion des revenus versés par la FIFA, 30 % dans le cas de l'équipe de France, ce qui donne 40.000 euros par joueuse et 370.000 euros par joueur (après la victoire en Russie en 2018). Un effort supplémentaire qui est aussi finalement en accord avec les principes énoncés par la FIFA dans ses statuts de « promotion et de développement du football féminin ». Autrement dit, ne pas indexer l'argent investi et les sommes reversées aux joueuses sur les revenus générés par le football féminin.

 

La taille du gâteau

Pourtant, si la pression est maintenue sur l'USSF et la FIFA, les joueuses ont bien conscience que l'enjeu ne se situe pas simplement dans une meilleure répartition des parts, mais aussi dans le fait d'avoir un plus gros gâteau, pour reprendre une image utilisée par Becca Roux, principale dirigeante de l'USWNTPA.

Dans une interview récente, la co-capitaine étasunienne Megan Rapinoe reconnaissait que la question des primes étaient un peu comme le dernier étage de la fusée pour parvenir à une véritable égalité dans le football. De son point de vue, réduire les écarts passent d'abord un effort « d'investissement » qui permette d'avoir des situations comparables, aussi bien dans le domaine sportif (conditions de jeu et d'entraînements, formation, encadrement...) que pour visibiliser la discipline (communication, marketing).

Un discours qui rejoint celui de la marque Visa qui avait annoncé au mois de mai un partenariat de 5 ans avec la fédération américaine. Un accord qui stipulerait notamment qu'au moins « 50 % des investissements seraient destinés au football féminin » avec là-aussi une volonté de réduire les écarts notamment en terme de visibilité des athlètes.

Sur le plan des revenus, le dernier accord collectif négocié par l'équipe des États-Unis avec sa fédération a notamment permis d'offrir aux joueuses américaines de monnayer de manière plus importante leur image collective en tant qu'équipe. Des licences qui se sont négociées en amont du Mondial et qui, du fait de la victoire américaine, pourraient rapporter plus d'un million de dollars à répartir entre les 23 joueuses de l'équipe.

 

Photo: Getty Images / FIFA

Hichem Djemai