C’était un 30 septembre 2006, Marinette Pichon raccrochait ces crampons non sans émotion, après avoir tant donné et reçu du football. A presque un an du Mondial en France, nous l’avons rencontrée pour évoquer sa carrière, alors qu'elle a récemment publié son livre "Ne rien lâcher". Une maxime qui lui a permis de s’accrocher et de vivre sa vie pleinement. Dans cette deuxième partie, nous évoquons le championnat de France de D1, de son "manque" d'attractivité ou encore de la professionnalisation du football féminin en général. 

 

Rencontre avec Marinette Pichon (1/3) : "Aux entraînements, on n'était pas très d'accord avec les coachs"

Rencontre avec Marinette Pichon (3/3) : "Le potentiel il est là, il est existant et il doit être opérationnel."

 

 

CDF – On sent que depuis que Juvisy s'est fait doubler par les autres clubs, comme Lyon, Montpellier ou encore Paris, il y a une certaine répétition depuis quelques années en France. Le ressentez-vous également ?

M.P – Oui, on a un championnat qui est de moins en moins attractif, parce qu'on connaît toujours l'issue. Cela fait douze fois de suite que les Lyonnaises sont titrées et douze fois de suite, on savait que les Lyonnaises seraient championnes à la fin. Là où c'est intéressant, c'est cette course à la deuxième place entre Paris et Montpellier, qualificative pour la Ligue des Champions. Aujourd'hui dans le championnat de France, on a les trois clubs qui se tirent la bourre, et ceux qui sont au milieu de tableau et qui vivotent avec des points très largement en-dessous de ce top 3.

C'est vrai qu'on ne prend pas beaucoup de plaisir avec ce championnat, il y a deux/trois matches qui sont "attrayants" [à suivre]. Enfin je veux dire par là, qu'on prend du plaisir à voir les matches, mais qu'il y en a certain qu'on vit juste [à fond]. Et ce championnat de France mériterait à être développé, à avoir de l'argent d'injecté, à trouver une harmonie et un équilibre financier pour que chacun puisse développer [son club], aller chercher des joueuses et aller chercher plus haut finalement. 

 

"[Le championnat] Stagne, parce que

l'hégémonie lyonnaise est présente."

 

CDF – Qu'est-ce qui ne va pas dans ce championnat français selon vous ? Est-ce que c'est à la FFF d'investir plus ?

M.P – Je ne sais pas si ça doit venir que de la Fédé, si c'est des clubs, si c'est financier, si c'est la possibilité de faire une ligue fermée ou ouverte, montante/descendante ou pas. Je ne sais pas. Est-ce que c'est la qualité des stades, la côte vis-à-vis des supporters, est-ce que c'est l’événementiel qu'on n'est pas capable de mettre en place en amont, en aval de l’événement, est-ce que c'est un désintérêt du public ? Il y a plein de choses et il y a plein de constats qu'on pourrait faire à ce sujet, mais en tout état de cause, ce qui est sûr, c'est que le championnat en effet stagne. Stagne, parce que l'hégémonie lyonnaise est présente.

 

CDF – L'arrivée de Canal+ peut-il aider à changer cette situation, et à un an de la Coupe du Monde 2019 ?

M.P – Ce n'est pas l'arrivée de Canal et les droits audiovisuels qui vont permettre d'amener la qualité dans le contenu, dans la qualité intrinsèque des filles [sur le terrains]. Après il va y avoir une couverture bien plus importante et ça c'est top, mais c'est tout.

 

"Aujourd'hui, est-ce qu'on a un vrai

projet pour le championnat de France ?"

 

CDF – Est-ce qu'il faut s'inspirer du "nouveau" modèle "professionnel" anglais ?

M.P – Parce qu'ils ont peut être réfléchi à leur projet depuis un moment. Si on réfléchit au projet sur un long terme et qu'on est en capacité d'avoir tous les signaux rouges et de les convertir en vert, de se dire qu'on a tout pris en compte, on sait qu'il faut mettre telle et telle personne là, qu'il faut gérer ça, qu'il faut gérer les transports, qu'il faut gérer le public, qu'il faut faire une com, amener et fidéliser les supporters, qu'il faut faire des packs pour avoir du monde... Et ça marche, il y a du monde dans les stades. L'Espagne tend vers ça aussi. Un projet est viable [uniquement] quand il est posé sur un papier. Aujourd'hui, est-ce qu'on a un vrai projet pour le championnat de France ? Ça c'est mon interrogation.

 

CDF – Est-ce que si la FFF décide de n'avoir que des clubs pros dans l'élite, c'est envisageable selon vous ?

M.P – Ça peut grincer parce que ça peut être une orientation de la Fédé. Mais il y a des clubs [amateurs] qui ont développé le foot féminin, je pense à Soyaux par exemple, je pense à Albi, je trouverais ça dur [de les évincer]. Après on peut, peut-être, trouver d'autres possibilités.

 

"Ca peut être un élément qui fasse que

le championnat de D1 trouve un peu plus d'attractivité."

 

CDF – Faut-il peut être augmenter le nombre de clubs dans l'élite du championnat de France pour apporter plus d'attractivité ?

M.P – Oui, peut-être qu'il faudrait augmenter le nombre de clubs en D1, de doubler les clubs en D2. Non je ne sais pas, je ne me suis pas vraiment arrêtée sur la question, mais ce qui est sûr c'est que ça peut être un élément qui fasse que le championnat de D1 trouve un peu plus d'attractivité.

Dounia MESLI