Tout juste après la victoire sans appel des Bleues face au Panama (6-3), synonyme de qualification pour les huitièmes de finale de la Coupe du Monde 2023 en Australie et Nouvelle-Zélande, le coach du MHSC, Yannick Chandioux nous a donné son ressenti à chaud* sur la prestation de l'équipe de France. Les points positifs, qu'il faudra garder comme l'état d'esprit et négatifs, comme la défense, qu'il faudra régler pour ce match contre le Maroc, mardi 8 août.

 

Coeurs de Foot - Quel est votre ressenti sur un match on peut dire en demi-teinte, à deux visages ?

Y.C : Une première mi-temps plutôt sérieuse, aboutie, avec beaucoup d'occasions, des buts, un projet de jeu qui me parait intéressant. Avec des ballons qui partent de derrière, des récupérations aussi à différente hauteur, des changements de statuts, des dépassements de fonction de certaines joueuses, avec beaucoup de mouvements et de courses. Maintenant il faut relativiser les choses, car je trouve que le Panama est une équipe moyenne, voire l’une des plus faibles de cette Coupe du Monde. 

Le visage montré contre le Brésil en terme de prises d’initiatives m'a paru intéressant sur la première demi-heure, la continuité dans les rotations et peut-être aussi une équipe du Panama, qui a cassé le rythme du jeu. Effectivement c'était moins bien sur la deuxième mi-temps. L'aspect négatif pour moi c’est de prendre trois buts contre une équipe, qui reste moyenne et la défense [française] à montré quelques fébrilités, il faut prendre en compte les changements, en se disant que c'est une défense qui n'a pas l'habitude de jouer ensemble. La communication n'était pas forcément toujours au top et le positionnement aussi.

 

CDF - Pensez-vous que les Bleues n’ont pas été surprises par l’ouverture du score avec de ce coup franc direct [de Marta Cox dès la 2e minute du match] ? Il s'agit du premier but sur coup franc direct de la compétition.

Y.C : C'est un but magnifique, mais je ne pense pas que cela a posé un problème. L’équipe a vite égalisé, puis mené au score, c'est un petit exploit individuel [signé Marta Cox], c'est un fait de jeu. Je ne pense pas que cela a déstabilisé l'équipe [de France alignée]. La première mi-temps est cohérente, j’ai bien aimé l’animation même si c'était moins bien en seconde mi-temps.

Le constat que je fais en général, c'est que les phases de poules sont réussies, avec deux victoires et un match nul avec des choses, qui ne sont pas parfaites mais des choses aussi intéressantes. Pour le prochain match, il faudra aller chercher des choses sur le plan défensif pour être très très solide et puis offensivement, être plus juste sur la dernière passe, ce que j’ai remarqué contre la Jamaïque, il y a un manque de précision dans le dernier geste ou avant dernier geste, et puis un peu plus de frappes en première intention, il faut l'améliorer [cet aspect aussi].

C’est un football féminin qui évolue, avec notamment l’élimination du Brésil, des plus petites équipes ont surpris des plus grandes et avec une progression de certaines équipes, il va falloir relever le niveau et garder cet état d'esprit, qui est plutôt bon. Il faut garder cette envie et cet enthousiasme.

 

CDF - Une équipe qui à été largement remaniée par Hervé Renard, face à une équipe du Panama, qui a quand même surpris les Bleues, en inscrivant trois buts pour leur premier mondial ? Les Panaméennes ont fêté cela comme une victoire.

Y.C : (sourire) C'est sûr que c'était la fête pendant 5 minutes [pour les Panaméennes], même si ce n'est pas normal de laisser faire, elles ont fêté le troisième, deux fois je crois (rires crispés). On a joué quand même 13 minutes de jeu en plus. Le foot reste un sport de rythme il faut faire attention de ne pas le casser, en tout cas c'était à l'avantage du Panama.

Maintenant bien sûr que le Panama a surpris l'équipe de France, mais c'est peut-être l'équipe de France, qui n’a pas été suffisamment performante lors des phases de coups de pied arrêtés. On a manqué de concentration sur le 2e et 3e but. Il faut absolument rester concentré, il n'y a pas à faire faute [dans la surface sur le 2e but], il faut passer un cap par rapport à la gestion des émotions, par rapport au scénario du match. C'est ce qu'on peut regretter sur le match d'aujourd'hui, mais le deuxième et troisième but du Panama, on leur a un peu donné. Cette équipe panaméenne n’avait plus rien à perdre, elles ont joué avec de l’insouciance et l’envie de marquer et finir sur une bonne note, ce qui est réussi, mais elles ont quand même encaissé six buts.

 

CDF - On a pu s’apercevoir que le banc de l'équipe de France, manque de niveau pour certaines joueuses, de rythme, qui induit un manque d'hétérogénéité de l'équipe alignée face au Panama. Est-ce que ça peut être une faiblesse pour la suite de la compétition ?

Y.C : Je ne sais pas si on peut parler de manque de niveau. A la fois les joueuses qui ont débuté le match et celles qui sont rentrées en cours de jeu, manquent de rythme, pour certaines c'était leurs premières minutes de jeu. Jouer pour la première fois en Coupe du Monde, cela n’est pas forcément simple. Je pense qu'il y a de la qualité en équipe de France.

J’ai bien aimé le match de Vicki Becho et de Léa Le Garrec, tout n’est pas négatif avec les joueuses qui ont été dans la rotation. Je trouve au contraire pour la bonne santé du fonctionnement de l'équipe de France que c’est important de donner du temps de jeu à toutes les joueuses. Je trouve que cette rotation est bien gérée.

Certaines joueuses ne devaient pas prendre de carton jaune, Wendie Renard qui a eu une alerte au mollet à été mise sur le banc et c'était certainement la bonne décision. Jusqu'à maintenant très sincèrement, on ne peut pas dire que la gestion est mauvaise, l'important c'est de passer. L’équipe va rentrer dans une autre phase de la compétition, avec les matches à élimination directe, peut-être qu'il n'y a pas eu des joueuses au top de forme sur le match, mais je trouve que d’avoir fait jouer une grosse majorité du groupe après trois matches et une bonne chose.

 

CDF - Justement, vous parlez des joueuses blessées qui reviennent, qui manquent de rythme, on a l’impression que certaines ne voulaient pas se cramer, car on a senti une certaine passivité à certains moments ?

Y.C : J’ai des doutes sur le fait que des joueuses s'économisent lors d’un match de Coupe du Monde, je ne crois pas trop à cela. Peut-être inconsciemment, certainement, la joueuse peut se gérer pour ne pas se blesser ou prendre un carton, mais une fois sur le terrain on ne pense plus à cela, les joueuses sont à fond. 

Le constat qu'on peut faire de manière générale, et pas que pour la France, je trouve que chaque match à été différent pour toutes les équipes. La Suède qui gagne dans les arrêts de jeu [face à l'Afrique du Sud], les États-Unis qui peuvent aussi perdre leur qualification dans les arrêts de jeu contre le Portugal. Il y a plein de scénarios qui nous laissent penser que cette Coupe du Monde est homogène. Même l'Angleterre qui a gagné très facilement son dernier match, sur les deux premiers - même s'il y avait une domination - c'est quand même 1-0. Il y a eu beaucoup de surprises, des temps forts, des temps faibles pour chaque équipe. 

("Hormis le Japon peut-être ?") Oui le Japon, peut-être que c'est la seule équipe qui a montré du début à la fin, une sorte de sérénité, et de continuité dans leurs matches, mais ça ne veut pas dire qu'ils passeront les huitièmes de finale (sourire), c'est ça le football. 

Je trouve que la situation est plutôt positive [pour l'équipe de France], maintenant ce match à élimination directe va en demander certainement plus.

 

CDF - On a ressenti un manque d’envie de jouer ensemble, par rapport au match contre le Brésil, on a senti une équipe alignée qui jouait bien ensemble, mais face au Panama cela était moins visible ?

Y.C : Je ne me dis pas que cela était un manque d’envie de jouer ensemble. Je me dis juste que sur ce dernier match, il n'y a pas l’épée de Damoclès au-dessus de la tête. Si on avait perdu le match contre le Brésil, malheureusement c’était la maison directement ou quasiment, je pense juste qu'à ce moment là on avait une équipe en mission, un peu ça passe ou sa casse, alors que là il y a une pression qui est retombée.

Le Panama en face niveau préparation, ce n’est pas comme le Brésil, même si on a envie de faire autant, il y a des choses qui font que ça ne se passe pas comme ça. Le match a quand même été maîtrisé [par les Bleues], j'ai vu des choses intéressantes, il y a une rotation, le rythme est cassé [par l'adversaire], mais je ne crois pas au manque de cohésion ou au manque d’envie.

 

CDF - A présent ce sont les matches à élimination directe, pensez-vous que les Bleues ont fait le plein de confiance dans cette phase de groupes ?

Y.C : (Il réfléchit brièvement) Le plein de confiance je ne sais pas. Quand on encaisse trois buts contre le Panama, automatiquement il peut y avoir des petits doutes, ça reste un match et là ça sera un autre match avec la qualif ou l’élimination, et il ne faudra pas se tromper.

Je pense qu’il y a une montée en puissance, il faut savoir que dans ce genre de situation en Coupe du Monde, certaines joueuses n’ont pas eu de compétition pendant des semaines et des semaines. Chaque nation à eu sa préparation avec ses aléas, quand on est l’équipe de France, on se dit qu’il faut aller au moins en huitième de finale, voire même plus loin, mais au moins passer les poules. Aujourd’hui cela est fait, c'est bien et je pense que Hervé Renard saura leur dire à la fois positiver sur le fait qu'il y a la qualification, mais saura aussi mettre en avant à la fois les choses positives comme négatives pour être au top, à son niveau maximal face au futur adversaire des Bleues, c'est ça le plus important. Pour moi cela sera un match important comme face au Brésil.

Aujourd'hui [contre le Panama] ce n'était pas fondamentalement important, c'était un match à rotation, pour donner du rythme, du temps de jeu. Le bilan de ce match, c'est qu'on voit une forme de progression et puis d'autres [points] où il va falloir beaucoup travailler, d'ici mardi, lors de ce match couperet. Si par bonheur l’équipe de France passe, il y aura surement encore de nouvelles choses à corriger, d’autres à améliorer, certaines à conserver parce qu’il y aura eu de belle choses, automatiquement s'il y a qualification. Mais ça sera encore un nouvel adversaire en face, avec une autre préparation, un autre style de jeu, un nouveau projet de jeu. Je veux rester sur ma première philosophie, quand on est dans une compétition comme celle-ci, il faut montrer du positivisme, de l’enthousiasme, un état d'esprit, qui est présent pour moi. J'ai bien aimé les joueuses qui se rassemblent après les buts, ça ne semble pas faux, je trouve qu'il se passe quelque chose.

 

CDF - On peut également penser que le Maroc puisse être le futur adversaire des Bleues, comme le souhaite également Reynald Pedros, qui nous en avait parlé en mai dernier ? Ça serait incroyable ?

Leur qualification serait un exploit. On peut espérer pour le Maroc et certaines joueuses marocaines que j'ai déjà eu avec moi au club, qu'elles se qualifient pour le prochain tour, même si je pense qu'il y a de forte probabilité que ça soit plutôt l'Allemagne. Le football est tellement fou !

 

CDF - On à un sentiment d’inachevé voire de déception avec les trois buts encaissés, cela peut être bénéfique comme négatif et maintenant c'est à Hervé Renard de réussir a galvaniser son équipe, comme il l'a fait face au brésil ? 

Y.C: Exactement. Si aujourd'hui il y avait eu 6-0, on se serait dit quoi ? On aurait dit c'est super, tout est beau, tout est jolie et l'équipe aurait peut-être [trop en confiance], le coach et le staff auraient peut-être omis certaines choses. 

Le bon côté d'avoir encaissé trois buts aujourd'hui, c'est que ça va secouer un petit peu tout le monde sur la préparation du prochain match, cela va remobiliser tout le monde pour la préparation du match. Parce que si contre ce prochain adversaire on a cette passivité sur le plan défensif, ça ne passera pas, il va falloir s'améliorer dans ce secteur là, mieux gérer les phases arrêtées, clairement, mais j'ai confiance en cette équipe de France.

 

*Interview réalisée mercredi 2 août par téléphone 

 

Photo : MHSC

Dounia MESLI