Avant la reprise de la D1 ce week-end, rencontre avec Teninsoun Sissoko, défenseure centrale de Fleury. Une joueuse qui cherche en permanence à dégager de la sérénité sur le terrain, aussi bien dans ses interventions défensives que lorsqu'elle participe à la construction du jeu de son équipe. Un calme dont le club de l'Essonne aura bien besoin dimanche face au Paris Saint-Germain, mais aussi dans la quête de ses premiers points cette saison.

 

Cœurs de Foot - On va commencer par le moins amusant et ce chiffre pour parler de ce début de saison avec Fleury. Zéro, pas encore de points pris depuis la reprise du championnat. Quel regard vous avez sur ces premiers matches et cette difficulté à prendre des points ?

 

Teninsoun Sissoko - Ce début de saison, c'est beaucoup de frustration. C'est une équipe pleine de talents mais qui n'y arrive pas forcément. On fait du beau jeu. Je pense qu'avec toutes les nouvelles qu'il y a eu, on est arrivées à créer un vrai groupe. On a appris à se connaître, et ça se ressent de match en match. Mais on arrive pas à gagner, c'est la frustration du moment. Je pense qu'une fois qu'on sera lancées, on pourra faire beaucoup de bonnes choses.

 

« Notre première qualité c'est le jeu au sol,

l'enchaînement de passes »

 

CDF – Est-ce que cette ambition de vouloir bien jouer, elle n'est pas parfois difficile à assumer quand l'objectif premier est le maintien et qu'il y a ce besoin d'aller arracher des points de match en match ?

 

T.S – Pas forcément, parce qu'on est une équipe qui aime jouer au ballon. Notre première qualité c'est le jeu au sol, l'enchaînement de passes, donc on joue avec nos qualités. Après, c'est vrai que parfois, sur certains matches, on s'est trop livrées et on [se retrouve] à perdre à la dernière minute. À chaque fois, c'est le fait qu'on veut aller chercher cette victoire, mais comme on me l'a souvent répété, parfois quand on sait pas gagner, il faut savoir ne pas perdre.

 

CDF – Vous venez d'enchaîner quatre matches, à chaque fois perdu sur un but d'écart, les deux derniers dans les arrêts de jeu. Quel bilan vous avez tiré de ce qui s'est passé avec à chaque fois ce petit but qui vous échappe pour prendre des points ?

 

T.S – Le bilan qui a été fait, c'est que, dans la construction du jeu, on était bien, on savait produire du jeu. Le problème était que dans les derniers mètres, [il nous] manquait cette réussite, il nous manquait la dernière passe. Arrivées dans les trente derniers mètres, on manquait de lucidité pour pouvoir marquer et je pense que c'est ce qui nous fait défaut. On produit certes du beau jeu, mais on arrive pas à marquer. Et puis après, c'est vrai qu'à un certain moment, quand on arrive pas à marquer, on subit un peu plus, et au moment où on subit, on prend des buts.

 

« Il fallait commencer par ancrer cette rigueur »

 

CDF – Quand on regarde cette équipe de Fleury, on voit une équipe jeune, qui découvre la D1, avec en son sein des joueuses expérimentées, comme vous-même, et un gros vécu dans ce championnat. Qu'est-ce que ça veut dire pour la construction d'avoir cette situation avec une équipe jeune mais de nombreuses joueuses avec déjà pas mal d'expérience ?

 

T.S – On est arrivées, 7/6 [joueuses cet été] dans une équipe qui n'avait pas connu la D1, qui n'avait aucune expérience du haut niveau. Donc déjà, il fallait commencer par ancrer cette rigueur [et] montrer aux filles ce que c'était le haut-niveau. Et ça, certaines ne l'ont pas du tout de suite assimilé. C'était difficile de se dire qu'en D1, il fallait faire beaucoup plus de concessions, on devait être beaucoup plus rigoureuses. Au début, pour les filles c'était un plaisir. Mais là, au niveau où on est, certes c'est un plaisir, mais c'est beaucoup plus. Il faut vraiment mettre cette rigueur, pour nous hisser, encore plus, au haut niveau. C'est ça, la chose la plus importante qu'on devait apporter.

 

CDF – Sur le début de saison, on a vu une équipe qui s'est assemblée au fur et à mesure. Vous êtes revenue de blessure, Salma Amani ensuite de suspension, Daphné Corboz a rejoint l'équipe récemment. Est-ce que vous diriez que cette phase « d'assemblage » du groupe est maintenant finie ?

 

T.S – Oui, carrément. Je pense que ça fait du bien de retrouver tout le monde, l'effectif au complet. C'est vrai que nos absences se sont fait ressentir sur les premiers matches. Je pense que là, on commence à franchir un cap, l'équipe est au complet, on se connaît de mieux en mieux et il manque juste ce brin de chance pour pouvoir nous faire gagner et de là tout va commencer.

 

« Le maître-mot, c'était de se faire plaisir »

 

CDF – Avant la reprise du championnat ce week-end, il y a eu la trêve internationale, et pour vous une sélection en équipe de France B. Qu'est-ce que ça représente pour vous cette convocation à Clairefontaine et de vous retrouvez avec l'équipe de France B ?

 

T.S – Déjà, c'est une fierté de porter le maillot des Bleues. C'est aussi une récompense, tant personnelle que collective. Certes, on a pas les résultats, mais ça prouve que, même en ayant pas les résultats, on sait faire de bonnes choses et on a démontré de bonnes choses. C'est toujours une fierté pour moi et pour le club aussi ces sélections.

 

CDF – Pendant ce stage, vous avez eu un match face à la VGA Saint-Maur. Quelles étaient les demandes du sélectionneur sur le terrain ?

 

T.S – Il voulait surtout qu'on joue au ballon, qu'on se projette assez rapidement vers l'avant, qu'on soit dans les duels, et surtout le maître-mot, c'était de se faire plaisir.

 

« De par mon poste, on est obligé

de dégager une certaine sérénité »

 

 

CDF – Pour parler de votre position sur le terrain, vous évoluez en défense centrale. Et si on devait utiliser un mot pour vous définir, on pourrait dire que c'est la sérénité, que ce soit dans vos interventions défensives ou dans vos premières relances, où on sent que vous cherchez à calmer le jeu dès que possible. Est-ce que ça vous va comme qualificatif ?

 

T.S – Tout à fait. Quand je suis arrivée [à Fleury], on m'a demandé : « Comment tu te définis ? Quelqu'un qui est très dur sur la personne ou force tranquille ? » Et je me suis plus définie par la « force tranquille ». Après, de par mon poste, on est obligé de dégager une certaine sérénité. Certes, il y a la gardienne derrière nous, mais après c'est de nous que tout part. Si nous, on dégage de la peur, forcément ça va se ressentir sur les filles autour de nous et au final on va réussir à rien faire.

 

CDF – Parfois, on reproche aux défenseurs centraux de justement ne pas être suffisamment dur sur l'adversaire, de ne pas aller suffisamment au contact. Est-ce que ce sont des remarques que vous avez pu entendre de la part de vos coachs ou autour de vous ?

 

T.S – Oui, clairement. A Saint-Étienne, c'est ce qui m'était reproché, non pas d'être dure sur la personne mais de vouloir ressortir toujours propre. On m'a reprochée, souvent, de ne pas dégager et c'est vrai que parfois on ne peut pas toujours ressortir propre. Certes, ce n'est pas du beau football, mais parfois, il faut savoir dégager. C'était difficile à entendre et me l'ancrer en moi, mais c'est quelque chose d'important. De tout façon, de par mon gabarit, on m'a toujours dit que c'était important que je sois là, présente, et que personne ne passe.

 

CDF – En même temps, on peut voir que vous êtes capable de le faire. Notamment lors du match face à Lille, vous avez réussi à bien tenir Ouleye Sarr, qui est aujourd'hui en équipe de France A. C'était d'ailleurs un des matches les plus compliqués depuis le début de saison ?

 

T.S – Oui, c'était une consigne particulière du coach. Il m'a dit : « Je veux pas la voir ». J'ai écouté ses consignes et j'ai essayé de faire au mieux. C'est vrai que sur ce match-là, je l'ai assez bien tenue. Ça nous a pas souri [Fleury a perdu le match 2-1], mais c'était le danger numéro un de Lille et c'est vrai que de par ce fait, on les a pas beaucoup vu dans le match.

 

« Je me suis retrouvée avec le brassard à 18 ans »

 

CDF – Dans votre parcours, il y a un club auquel vous donnez une place particulière. C'est Le Mans, un club où vous avez notamment commencé en D2, puis en D1. Est-ce que vous pouvez nous parler de ces années passées avec le club de la Sarthe ?

 

T.S – C'est mon club formateur. C'est ce club qui m'a tout appris, notamment par mon coach Xavier Aubert. Il a été très dur avec moi, c'est ce qui fait que j'ai une force mentale aujourd'hui. [A l'époque] j'étais en famille d'accueil, Martine et Gaston Aubert qui m'ont accueilli chez eux, c'était comme mes deuxièmes parents. Ils m'ont fait grandir, ils m'ont tout apporté et j'étais dans les meilleures conditions pour accéder au plus haut niveau. C'était mes plus belles années, au lycée. Franchement, j'ai vécu des très bons moments.

 

CDF – Avec Le Mans, vous aviez notamment vécu une montée en D1. Alors, même si l'expérience s'est finie par une descente en fin de saison, est-ce que ce sont des moments dans lesquels vous puisez aujourd'hui pour vous aider, dans ce qui vous attend avec Fleury ?

 

T.S – Oui, en plus ça avait été compliqué parce que nos cadres ont lâché pendant la saison. Du coup le coach s'est appuyé sur des jeunes, et notamment moi, je me suis retrouvée avec le brassard à 18 ans. Déjà, j'avais, entre guillemets, d'énormes responsabilités sur les épaules, et c'est vrai que ça m'a fait énormément grandir aussi, en tant que femme, en tant que leader. Comme je l'ai déjà dit, cette année, il va falloir qu'on se dépasse. Avec Le Mans, malheureusement, on a pas su se maintenir, mais on est allées au bout et on a donné le meilleur de nous-même.

 

« C'est quelque chose qui me reste

encore en travers de la gorge »

 

CDF – L'autre club marquant dans votre parcours, c'est Saint-Étienne. Et quand on parle de votre passage chez les Vertes, on ne peut s'empêcher de parler de la fin et de cette descente la saison dernière. En début de saison, on avait l'impression que l'équipe pouvait légitimement avoir des ambitions. Comment expliquer ce qui s'est passé ?

 

T.S – C'est vrai que quand on évoque Sainté, j'ai toujours du mal à me dire qu'on est descendues. Franchement, c'est quelque chose qui me reste encore en travers de la gorge. C'est dur de se dire ça, mais je pense que l'extra-sportif a bouffé le sportif. Et nous, on a pas su passer outre. Peut-être inconsciemment.

On se disait que c'était le terrain le plus important mais, inconsciemment, il y avait toujours ce petit truc qui faisait que c'était pas possible. On avait fait un très bon début de saison, et à partir du moment où il a commencé à y avoir des problèmes de terrains par-ci, par là, il y a des filles qui sont sorties de leur concentration parce qu'elles étaient trop impactées par ces faits là.

Je pense que c'est là, aussi, où on a pas su gérer. On aurait dû se concentrer que sur le sportif, nous laisser en dehors de ça, malgré les problèmes avec les dirigeants et les coachs, et nous, nous laisser dans notre petite bulle. Je pense que l'extra-sportif a pris le dessus sur nous. Après, je remets pas la faute que sur l'extra-sportif parce que c'est nous qui étions sur le terrain et nous aussi, on a notre part de responsabilité également sur cette descente.

 

CDF – Une autre équipe par laquelle vous êtes passée, en jeunes, c'est votre prochain adversaire en championnat : le PSG...

 

T.S – J'étais en U13 au PSG. J'en garde plein de souvenir. Je viens de la région parisienne, d'Aubervilliers, et à cette époque-là, le problème était que mes frères n'avaient pas le permis. C'était compliqué de faire les allers-retours, donc du coup j'ai fait une année et après je suis partie au Mans. C'est pour ça que je n'ai pas pu continuer mon aventure au PSG.

 

CDF – Est-ce que ce bref passage rend ce match un peu particulier pour vous ou pas forcément ?

 

T.S – C'est sûr qu'en jouant le PSG, quel que soit [notre] parcours, ça a une saveur particulière parce que c'est un gros du championnat et qu'on veut toujours bien se montrer devant ces équipes-là. Surtout en tant que parisienne. Après, non, j'étais jeune, donc voilà quoi...

Hichem Djemai