Le Toulouse Football Club est un grand nom du football féminin français. En D2 depuis quelques saisons maintenant, le club de la ville rose essaie de réintégrer rapidement l'élite. Actuel cinquième de son groupe C à 15 longueurs du leader, les joueuses de Sylvain Delgado réalisent un début de saison mitigé. Le coach du TFC a d'ailleurs accepté de répondre à quelques questions sur la situation du club et le futur des violettes dans le paysage footballistique. Interview.


Coeurs de foot : Vous avez pris en main l’équipe première en janvier dernier, comment ça se passe avec les filles ?

Sylvain Delgado : "Ça se passe bien malgré les résultats. Le groupe reste assez soudé par rapport à la situation. Il n'y a rien à redire les joueuses ont un super état d'esprit."

 

CDF : Quelle est la stratégie du club pour remonter rapidement en D1 ?

SD : "On s'appuie sur la formation. On n'a pas les moyens comme d'autres clubs de D2 le font de recruter. Au TFC il n'y aucun contrat, pas de salaire, pas de rémunération; on s'appuie sur une très bonne formation. Depuis 3-4 ans maintenant on arrive à avoir de bonnes jeunes qui sortent et qui sont sélectionnées avec les équipes de jeunes en EDF. On va s'appuyer sur elles et prendre le temps de se structurer pour bosser sur un projet à moyen terme et retrouver très vite cette élite."

 

CDF : Qu’est-ce qu'il manque à un club comme Toulouse pour perdurer dans l’élite du football féminin français justement ?

SD : "Un petit peu de moyens pour faire venir des joueuses expérimentées. Après, il y a un projet mis en place. Après, on ne peut pas lutter contre des équipes qui mettent des moyens. Parce que maintenant le football féminin a changé. Je le vois cette année en D2, les clubs n'hésitent pas à mettre des contrats, à donner un petit peu de fixe pour recruter les joueuses. Chose qu'actuellement, le TFC ne peut pas faire."

 

CDF : Le statut professionnel est-il obligatoire pour un club qui a l’ambition de se développer ?

SD : "Je pense que si on veut monter et y rester il faut se donner les moyens. Après la formation ne suffit pas. Il faut le statut professionnel pour continuer à progresser".

 

CDF : Toulouse est actuellement cinquième à 15 points de l’Olympique de Marseille, peut-on dire que c’est une première partie de saison ratée par le club ?

SD : "Oui, même si c'est assez compliqué avec un groupe aussi jeune. On a eu deux joueuses blessées aux croisés. Notre capitaine qui prend 5 matchs pour contestation, sanction assez lourde pour les faits... et deux autres cadres qui se sont assez vite blessées sur des problèmes de cheville. On doit donc faire avec un groupe rajeuni qui apprend à ce niveau. On savait que ce serait compliqué dans un championnat avec six descentes dans lequel tous les points sont importants ".

 

CDF : Quels ont-été les objectifs que vous vous êtes fixé avec le staff et les joueuses avant le début de cette saison ?

SD : "Quand on a vu le recrutement de clubs comme l'Olympique de Marseille, Dijon ou Grenoble-Claix, on savait que ce serait compliqué; mais on avait l'ambition d'être dans ce petit groupe de quatre. Si on peut gêner, on gênera mais maintenant il faut vite assurer le maintien parce qu'en enchaînant 2-3 mauvais résultats on peut vite se retrouver dans la zone rouge. Après si on peut faire des prestations intéressantes face aux trois premiers on ne s'en privera pas. D'autant qu'on a déjà réalisé de bonnes performances contre l'OM et Grenoble. On a une équipe très joueuse mais très gentille aussi. On joue bien au ballon mais ça ne suffit pas, il manque de la hargne. Mais encore une fois c'est l'apprentissage ça va arriver on sera vite performants. On voit une bonne évolution sur le terrain."

 

CDF : Qu’est-ce qu’il vous a manqué dans cette première moitié de saison pour être au contact de clubs comme Dijon, Grenoble ou l’OM ?

SD : "Ce qui nous fait défaut c'est notre réalisme devant le but. Contre Grenoble en 5 minutes on doit mener un ou deux à zéro. Après on rate et on commence à douter, on se précipite et on déjoue... Contre Nivolas, c'est le même problème. On a les actions mais voilà, ça reste assez stérile pour le moment. Il va donc falloir travailler ce point."

 

CDF : Pensez-vous que la formation suffise aujourd’hui dans le football féminin ?

SD : "Non ça ne suffira pas. Ça suffira encore moins l'année prochaine avec la réforme de la D2, le championnat va se resserrer. On voit maintenant de plus en plus de filles de D1 qui acceptent de venir jouer en D2 avec des contrats. La formation c'est bien car elles connaissent notre philosophie de jeu, mais si il n'y a pas d'expérience et des joueuses qui viennent se greffer au groupe pour l'améliorer ce sera compliqué. La formation a ses limites."

 

CDF : Mathilde Bourdieu n’a que 16 ans et fait déjà partie de vos joueuses les plus utilisées. Ne pensez-vous pas que ce secteur offensif nécessite un peu plus d’expérience ?

SD : "C'est certain. Mais devant on a Marie-Pierre Casteira (ndlr: 9 buts) pour l'épauler qui a terminé la saison dernière deuxième meilleure buteuse avec 24 buts. C'est une des cadres du groupe qui aide nos jeunes. Après Mathilde a le talent pour jouer. Certes elle est jeune mais elle réalise de bonnes choses en équipe de France notamment. C'est un championnat compliqué en terme de contacts et d'exigence physique. Après elle a déjà des facilités comme d'autres joueuses de D2 comme Caputo et Laplacette de l'OM. C'est vrai que sur quelques coups Mathilde manque un peu d'expérience mais on est satisfaits de ses prestations. Pour sa progression la faire jouer à ce niveau est bénéfique, c'est un jeu plus dur avec des joueuses qui n'hésitent pas à "rentrer" sur chaque contact. Elle n'a pas sa place en U19 le niveau est trop faible pour ce genre de joueuses. C'est un apprentissage à tous les niveaux mais elle apporte son grain de folie qui fait du bien au groupe."

 

CDF : La réforme de la D2 est-elle bénéfique pour le football féminin ?

SD : "Oui et non. Non parce que c'est trop d'un coup. On va perdre beaucoup de clubs qui sont en D2 dans notre poule depuis trois ans et qui, s'ils descendent, ne s'en remettront pas... Cela a été trop brutal pour que les clubs s'acclimatent et se donnent les moyens de se sauver. Après, à l'heure actuelle, on voit les clubs de D2 qui montent en D1 et qui sont complètement perdus donc maintenant on va demander aux clubs de se structurer de plus en plus pour éviter que les trois promus descendent systématiquement. Le championnat sera très intéressant la saison prochaine même si la réforme fausse un peu le championnat actuel. Les équipes regardent plus le classement que la production de jeu. C'est une année de transition qui fait un peu mal au foot féminin au niveau du jeu car à part 2 ou 3 équipes, ça reste laborieux... Beaucoup d'équipes oublient de jouer."

 

CDF : On voit qu’avec cette réforme justement, le TFC se retrouve donc à quatre petits points du premier relégable Nivolas. Êtes-vous confiant pour la deuxième partie de saison ?

SD : "On ne regarde pas derrière mais on n'est pas confiants non plus. On va prendre les matchs les uns après les autres. On est dans l'attitude de gagner chaque rencontre sans regarder les résultats des autres équipes. On sait ce qu'on a à faire, tout peut aller très vite. On fera les comptes à la fin."

 

CDF : Le TFC est un des clubs historiques du football féminin en France, le ressentez-vous particulièrement ? L’attente est-elle plus grande ?

SD : "Oui. Beaucoup de gens nous en parlent, ils nous demandent un retour parmi l'élite. On travaille avec nos moyens ça demande un peu de temps. Mais le football féminin a évolué, il faut en être conscient. Il faut avoir cette ambition de remonter pour les supporters et pour le club. Avant Lyon et Paris, il y avait aussi Toulouse en France."

 

CDF : Et enfin qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour le reste de la saison ?

SD : "Personnellement, de décrocher le plus vite possible ce maintien. C'est le plus important. Les filles le méritent vraiment. Et ensuite... essayer de remonter rapidement et surtout d'y rester !"

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Dounia MESLI