Sonia Bompastor, l’entraîneure de Lyon, analyse le huitième titre européen de son équipe après le succès sur Barcelone (1-3). Elle devient par la même la première femme a gagner la Ligue des championnes en qualité de coach Vous avez gagné la Ligue des championnes en 2011 et 2012 avec Lyon.

 

En tant qu’entraîneure, est-ce différent? Avez- vous ressenti une joie particulière car si on ne peut pas parler de match abouti, ce fut une rencontre avec de la solidarité et de l’expérience. Ressentez-vous ça aussi?

Oui effectivement, les émotions sont les mêmes en terme d’intensité, que l’on soit joueuse ou entraîneure car derrière, on sait tout le travail qui a été fourni pour en arriver là et pour atteindre ces objectifs. Nous avons traversé une saison avec des moments plus difficiles. A chaque fois, nous avons su trouver les ressources avec des remises en question pour nous permettre de rester dans la bonne ligne droite. La seule différence entre joueuse et entraîneure, ce sont les années qui passent. C’était il y a huit ans et je suis un peu plus âgée, avec un peu plus de rides. Mais ce qui me fait plaisir avec la victoire de ce soir, c’est que j’ai un effectif avec du talent, un effectif de qualité individuellement mais aussi collectivement et je pense que ce soir, on a aussi vu les valeurs de ce groupe. C’est quelque chose qui me tient à coeur de pouvoir aller chercher ce supplément d’âme sur l’aspect mental, et face au Barça, je pense que ça s’est vu.

 

Qu’est ce que cela vous fait d’être la première femme entraîneure a gagné la Ligue des championnes et pensez- vous devenir une référence ?

C’est la première fois en effet. On rentre dans l’histoire. C’était la dixième finale pour le club, la possibilité de décrocher un huitième titre et en après match bien évidemment on savoure mais je voudrais mettre en avant mes joueuses qui me permettent de fêter ce type d’émotions mais aussi mon staff. Je pense être quelqu’un de très exigeante qui ne laisse pas grand chose au hasard et je leur imprime aussi cette exigence au quotidien. J’ai la chance de pouvoir m’appuyer sur mon staff technique, sur mon staff athlétique, sur mon staff médical, sur mon staff qui, dans son ensemble, m’accompagne bien et qui me permet aussi de vivre ces émotions. C’est une victoire collective ce soir. Au sujet de la formule de la Ligue des championnes, il s’agissait d’une première avec la phase de groupe.

 

Quel est votre premier bilan sur cette nouvelle formule?

Je suis très satisfaite et je pense que l’ensemble du football féminin peut se satisfaire de cette nouvelle formule. Les matchs étaient déjà tous diffusés sur DAZN en clair. Ça permet a beaucoup de personnes de pouvoir suivre la compétition. On se rapproche du format des garçons et je pense qu’en ayant ces phases de poules, ça nous permet d’avoir des matchs très compétitifs donc de faire progresser le football féminin et les équipes dans le contenu des matchs. C’est toujours intéressant et on arrive après sur les matchs à enjeux, quarts de finale, demi et finale. Quand on voit le parcours de l’Olympique Lyonnais cette année, il n’a pas été simple mais je pense qu’il nous a bien préparé pour vivre ce qu’on a vécu ce soir.

 

Qu’avez-vous dit à vos joueuses avant le match pour les motiver et comment avez-vous vécu ce but extraordinaire d’Amandine Henry?

La motivation dans un match comme une finale de Ligue des championnes est simple. La causerie a porté sur le fait qu’on disputait le plus beau match qu’un club peut jouer, c’est la plus belle compétition de clubs aussi. Toutes les équipes, toutes les joueuses rêvent de participer à un tel match, à une telle finale donc sur le plan mental il faut être à la hauteur et les joueuses l’ont été. Pour revenir au but d’Amandine, il est magnifique. C’est une joueuse qui a du talent, avec une belle frappe de balle et des fois, il y a des choses qui ne s’expliquent pas. Je pense qu’au moment où le ballon part de son pied, elle a toute la qualité pour le mettre. Son but est extraordinaire, magnifique et il nous permet de prendre confiance, de prendre un petit ascendant psychologique sur le Barça qui n’a pas l’habitude d’être mené aussi tôt dans les matchs. Donc ça fait bien rentrer dans la rencontre et ça nous permet aussi d’appuyer sur notre plan de jeu qui ne nous déplaît pas, qui nous a permis d’aller mettre cette équipe de Barcelone sous pression et de garder nos grands principes de défendre fort avec un bloc très haut et agressif. Vous connaissez tout de l’OL en ayant été joueuse, patronne de l’Académie, maintenant entraîneure, vous avez vu ce club évoluer.

 

Arrivez-vous encore a être surprise par cette équipe qui comme ce soir, parvient a maîtriser le match de cette façon? Et concernant Selma Bacha, que vous avez eu sous vos ordres à l’Académie, auteure d’un gros match ce soir, incarne-t-elle plus encore que les autres cet OL en transition qui sait se régénérer pour durer?

Je ne suis pas forcément surprise car derrière ces victoires, il y a énormément de travail. C’est vrai que je connais parfaitement le club, on a la chance d’avoir un président qui est ambitieux, qui nous permet à chaque fois de nous remettre en question et nous donne les moyens de garder le temps d’avance qu’il nous faut pour aller chercher ce type de titre. Bien évidemment, derrière, il y a beaucoup de travail encore une fois. Concernant Selma, c’est vrai que je la connais parfaitement comme l’ensemble de mes joueuses. Ça doit d’ailleurs faire partie de la qualité d’un entraîneur de connaître son effectif individuellement et collectivement , de connaître les forces de son équipe et les axes d’améliorations. Selma a fait un gros match. On sait qu’elle a la qualité et mentalement, on connaît sa capacité sur ce genre de match de se transcender mais je trouve difficile de résumer cette finale a Selma seule. J’ai des joueuses qui sont des compétitrices et qui, dans ce genre de finale savent ce mettre au niveau de l’exigence qu’il faut pour performer et effectivement je suis assez fière de ce qu’elles ont su produire ce soir. Auriez-vous envie dans quelques années d’aller entraîner une équipe masculine de premier rang.

 

Est-ce quelque chose qui peut vous tenter et auquel vous pensez?

Personnellement, je n’y pense pas trop. Pour moi, que l’on soit un homme ou une femme, la compétence est ce qu’il y a de plus important. A titre personnel, je ne me sens pas forcément légitime pour une simple et bonne raison, que dans les vestiaires que ce soit un vestiaire féminin ou masculin, il existe des codes et aujourd’hui je me sens légitime dans le football féminin car j’ai été ancienne joueuse de haut niveau donc je connais le haut niveau féminin, je connais aussi le football féminin au niveau recrutement, management et dire que ce serait aussi facile d’aller dans un vestiaire d’hommes, je ne m’en sens pas légitime pour le faire. Je n’ai pas encore forcément ressenti ce besoin et cette envie. Je ne dis pas jamais car on ne sait pas de quoi l’avenir est fait mais c’est non dans le court ou moyen terme. On a eu la sensation que les joueuses étaient arrivées à leur meilleur niveau ce soir tant sur le plan physique qu’athlétique.

 

Avez-vous eu ce même sentiment et quelle est votre analyse?

Mon analyse, c’est qu’on est arrivées prêtes sur cette finale dans notre plan de jeu car on avait eu quinze jours pour préparer cette confrontation. On avait travaillé tactiquement à la fois défensivement mais aussi offensivement pour s’appuyer sur nos forces tout d’abord mais aussi contrarier cette équipe de Barcelone qui forcément est une très belle équipe, pour laquelle nous avons beaucoup de respect au regard de ce qu’elles ont fait sur ces dernières saisons. Mais on savait qu’on avait le talent et la qualité pour les contrarier aussi notamment sur les phases de transition. Nous l’avons bien fait sur la première mi- temps. Nous avions énormément travaillé. Ces quinze jours pour préparer la finale nous a permis de récupérer puisqu’on est en fin de saison. Nous avons donc récupéré dans un premier temps et nous avons gardé la fraîcheur physique qui nous a permis de pouvoir faire des différences. Nous savions aussi que nous avions la puissance de notre côté face à cette équipe technique. Je pense que l’aspect athlétique dans le football de haut niveau est important.

 

Quelles sont les nouvelles d’Ellie Carpenter?

Nous sommes tous tristes pour Ellie. Même si nous en avons marre de perdre des joueuses ça fait partie des aléas. Nous avons vécu une saison très noires en terme de blessures du début à la fin. C’est pour ça aussi que je suis très fière que l’on soit arrivées à ce soir à ce niveau mais je suis assez pessimiste pour Ellie. Je pense qu’elle a une assez grave blessure au genou. Elle passera des examens de retour à Lyon mais c’est pas bon signe.

 

Pouvez-vous dire quelques mots sur Ada Hegerberg, auteure d’un but lors de cette finale?

Ada fait partie des leaders de ce groupe, de cette équipe. C’est une forme de travail à elle toute seule. Elle est professionnelle, elle est exemplaire que ce soit sur le terrain mais aussi en dehors et je suis contente tout simplement pour elle car elle est passée par des moments très difficiles. Elle est revenue à un niveau qui, à un moment donné, lui a permis de retrouver des sensations, de reprendre un peu confiance mais il a fallu qu’elle travaille dur pour arriver au niveau de ce soir. Et ce soir, elle est buteuse, elle nous permet sur le plan du leadership de faire bonne figure face à cette équipe de Barcelone et je suis ravie à la fois pour elle personnellement mais aussi pour l’équipe, pour le club de la retrouver à ce niveau et de faire en sorte que son niveau nous permette de performer.

 

Vincent Ferrandon, propos recueillis par Dounia Mesli

Photo : UEFA

. La rédaction