Au Parc OL, les joueuses de Lyon n'ont pas fait de quartier face à leur plus grand rival de D1, le PSG, en s'imposant largement 6 buts à 1. Diminué par l'absence de ces deux numéros 6, Aminata Diallo et Kheira Hamraoui, suite à l'agression de la seconde, en la présence de sa coéquipière, le PSG a fait pâle figure. Une situation pesante, qui a largement secoué la D1 cette semaine, mais qui n'a pas empêché Ada Hegerberg d'inscrire un doublé pour l'occasion, ses premiers buts depuis décembre 2019 ! Les réactions de Sonia Bompastor et l'attaquante lyonnaise à l'issue de la rencontre.

 

 

Journaliste - Sur la large victoire face au PSG, malgré le contexte particulier avec l'agression de Kheira Hamraoui

Sonia Bompastor - En fait il y avait deux possibilités, soit les évènements survenus pouvaient souder le groupe parisien et leur apporter une force supplémentaire, soit effectivement ça pouvait avoir un sentiment de doute. 

En tout cas notre philosophie et notre modèle de jeu à nous il est basé souvent sur les mêmes éléments, et notre ADN c'est d'attaquer les matches très forts. Assez rapidement dans le match on s'est créé de bonnes occasions et ça les a mis en difficulté. 

Ada Hegerberg - En premier, je vais dire que je crois beaucoup en notre groupe, ça fait des mois qu'on travaille, qu'on met des choses en place. On a attendu ce match car c'était un gros test pour nous, pour savoir où on en est en ce moment. 

C'était un match important pour le foot français, et ça fait plaisir d'avoir remporté ce match parce que ça nous donne la foi pour continuer, ce n'est que le début et demain on reprend l'entrainement. On va récupérer et après on continuera notre lancée [en avant].

 

Journaliste - Sur un championnat "faussé" et pas la vraie image du PSG

S.B. - Forcément quand on est de l'autre côté avec la défaite de ce soir, on est perturbé dans l'analyse, c'est toujours plus simple d'être l'OL ce soir. Nous, on s'est concentrés sur l'enjeu sportif et je vous l'avais dit sur la conférence de veille de match. Le contexte actuel autour du Paris Saint-Germain, a impacté au-delà du Paris Saint-Germain, ça a impacté l'ensemble du football féminin et le championnat de D1 Arkema. 

Moi, à titre personnel, j'ai aussi été impactée, certains joueuses plus ou moins, à des niveaux différents. Maintenant on est des professionnelles, et l'objectif qu'on avait fixé en causerie, c'était d'être capable de mettre le focus sur l'enjeu sportif et la performance. Je pense que de ce côté-là, je suis fière de mes joueuses car elles ont su le faire.

 

Journaliste - Sur son but marqué et ses sensations

A.H. - Les sensations de buteuse, c'est quelque chose d'exceptionnelle. C'est un type d'adrénaline qui est difficile à décrire, mais c'était aussi par rapport au contexte. On joue le PSG chez nous, devant un public fantastique, on savait qu'on était prêtes mentalement et physiquement. 

J'étais très concentrée avant mon entrée, prête quand le ballon allait venir et ça déclenche quelque chose. Ca devient une motivation de continuer, car c'est des mois et mois de travail. Les filles avaient déjà fait le job avant mon entrée en jeu et je me suis dit que j'allais être prête à le faire aussi.

Oui, je pense que je l'ai déjà dit par rapport à ce que j'ai vécu, avec ces blessures... Ca m'a donné le temps de travailler différemment, de réfléchir différemment. Je suis repartie sur de nouvelles bases et ce n'est que le début, je regarde vers l'avant. Il reste beaucoup de travail encore et il n'est pas question de s'enflammer ou de se relâcher. 

Oui je pense pas seulement pour ma famille, c'était un moment spécial, je prends pas à pas, marquer contre le PSG, c'était un match très spécial et de revenir dans ce magnifique stade, ça m'avait manqué. Ma famille a été là pour moi dans les plus difficiles moments. C'est important de prendre du plaisir en équipe. Tout le monde avait faim de victoires et c'est une magnifique équipe surtout.

 

Journaliste - Pourquoi pour vous l'équipe a "faim" cette année spécifiquement ?

A.H. - L'année dernière était difficile pour l'équipe, pour le club. Sportivement, c'était un échec pour nous, c'est important de prendre du recul et analyser la situation, pourquoi ça n'a pas marché, partir sur de bonnes bases, de se regarder dans le miroir et être très honnête avec nous-mêmes. 

Sonia [Bompastor] est venue avec Camille [Abily], avec de la fraîcheur, un jeu qui s'appuie beaucoup sur la possession du ballon pour être performantes et montrer aussi un bon jeu, qui est important sur la durée je pense, pour continuer à avoir des victoires. On a eu des nouvelles joueuses et on a su créer un groupe, une dynamique qui est importante.

Ca fonctionne pour le moment et je continue à dire que quand ça marche, quand on gagne il ne faut pas se relâcher et continuer à travailler dur. Il faut être encore plus dur envers nous-mêmes dans les prochaines semaines.

 

Coeurs de Foot - La saison dernière a été très dure à vivre mentalement pour les joueuses individuellement, est-ce que vous sentez vos joueuses mieux armées sur ce point cette saison, malgré les buts encaissés ?

S.B. - Il y a plusieurs choses. Pour nous le staff, c'était important - et Ada [Hegerberg] l'a souligné - de recréer une dynamique de groupe, on a beaucoup travailler sur ça, de mettre en place des moyens pour la retrouver, une cohésion entre elles. Et aujourd'hui, le groupe vit très bien et je pense que le fait de vivre très bien en dehors, de s'appuyer sur un socle de valeurs qui est commun au staff et aux joueuses, c'est important. 

Dans les moments difficiles, dans les matches de haut niveau, c'est la force collective qui permet de revenir, d'aller chercher des victoires. On l'a vu contre le Bayern (victoire 2-1), on était menées 1-0 à la mi-temps et les filles ont eu la force mentale d'aller chercher cette victoire. 

Il y a déjà eu d'autres scénarios où on a été menées en cours de match et on a su, à chaque fois renverser la tendance. Dans la préparation du match de ce soir, j'avais aussi dit aux filles que depuis le début de saison, on avait validé des tests déjà très importants. On avait notamment battu le PSG en match de préparation (5-1, Amos French Cup, ndlr). Ce qu'on a vu ce soir, on l'avait déjà retrouvé au mois d'août, sur les matches de préparation, on avait aussi battu Barcelone en match de préparation, aux Etats-Unis (3-2, Women's International Champions Cup, ndlr). C'est quand même des victoires qui sont importantes et qui doivent donner de la confiance au groupe et c'est sur ça qu'on bâtit.

Alors effectivement, on a un modèle de jeu très ambitieux et ce soir, je suis aussi très contente, on avait la meilleure attaque face à la meilleure défense et plus souvent, la défense prend le pas sur les attaquantes. Je suis ravie ce soir que nos attaquantes aient réussi à faire sauter le verrou parisien, parce qu'elles n'avaient pas encaissé de buts jusqu'à maintenant et on avait été capables d'en mettre 6. 

J'avais aussi dit qu'on avait cette capacité au sein du groupe à avoir différentes buteuses et ça a été encore le cas ce soir. C'est des éléments qui sont forts et notre modèle de jeu est fait de risques, parce qu'on décide d'aller chercher les équipes très haut, donc forcément on s'expose et au niveau de l'équipe on peut laisser quelques espaces. C'est aussi pour ça que parfois, on peut encaisser des buts, mais j'assume notre prise de risque. Pour l'instant, ça se passe plutôt bien et on arrive à gagner nos matches.

 

Journaliste - Match particulier pour le PSG, mais belle performance collective pour l'OL

S.B. - On a déjà parlé du fait que le contexte a été pesant pour les deux équipes, mais je pense qu'il ne faut pas sous-estimer la performance de l'OL ce soir. On a vu une équipe qui, mentalement, a pris le dessus sur ce groupe parisien. On a vu des joueuses qui ont proposé dans le contenu du match, des choses intéressantes. 

Ce qui m'a plu, c'est qu'offensivement, on a été capables de mettre en danger le Paris Saint-Germain sur l'intégralité de la rencontre et dès les premières minutes avec cette occasion de Melvine [Malard], mener très rapidement au score (l'action avait été annihilé par la gardien parisienne, ndlr). Il y en a eu sans cesse durant le match, la volonté d'aller marquer et ça je pense que c'est toujours plus intéressant pour les téléspectateurs, pour moi, en tant que coach j'apprécie cette volonté d'avoir un jeu offensif et cette volonté de toujours vouloir marquer un but de plus que l'adversaire.

 

Journaliste - On a l'impression que ce but a été un énormément soulagement pour vous ? Est-ce que ça a été un sujet de conversation avec vos coéquipières ?

A.H. - Non ça n'a pas été un sujet [de discussion avec le groupe]. 

Je ne peux pas dire que c'est un soulagement, mais il y a un choix pur, le fait que tout le monde est content montre aussi l'importance d'avoir inscrit ce but, parce que c'est important pour l'équipe aussi dans la durée, c'est important de mettre [ce but] à un moment donné. 

Mais je n'ai jamais été inquiète sur le sujet. C'était juste une question de temps. C'est aussi par rapport au contexte de marquer à nouveau contre le PSG. On a gagné 6 buts à 1 contre notre plus grand adversaire, ça fait plaisir.

 

Journaliste - Un mot sur le doublé d'Ada Hegerberg

S.B. - Je suis très contente pour l'équipe déjà et pour Ada aussi, personnellement. Elle l'a dit à plusieurs reprises, elle a traversé des moments difficiles. Son retour nous a fait du bien, c'est un leader naturel et c'est très important de l'avoir dans le groupe. 

Quand elle est sur le terrain, c'est une buteuse et ce but, elle en avait envie, elle travaille dur depuis des semaines pour pouvoir le marquer. On a pu voir la réaction collective des filles parce qu'on sait l'investissement, la détermination qu'Ada a au quotidien sur le terrain et on sait que ses buts vont lui donner encore plus de confiance et ça va forcément aider le collectif.

 

Journaliste - Sur Selma Bacha, revenue de blessure

S.B. - L'idée était de faire une prise de risque concernant Selma. Sur le match, en tout cas on avait des garanties sur le fait qu'elle pouvait commencer, on ne savait pas si ça allait tenir, on savait aussi que ça allait être dur pour elle de tenir les 90 minutes, on a réussi à l'emmener jusqu'à 55e minute. Ca a été payant pour nous, il faut voir maintenant si elle est capable d'enchaîner ou pas. On connaît le profil très dynamique de Selma, elle a aussi des qualités athlétiques, même en étant un peu moins entraîné, elle est capable face au Paris Saint-Germain, avec le surplus de motivation, de tenir une heure de jeu.

 

Dounia MESLI & Karim Erradi