Tout juste après la victoire 2-0 contre le GPSO 92 Issy, Solène Durand nouvelle gardienne du DFCO cette saison, et héroïne de la rencontre (aux côtés de Désiré Oparanozie) a répondu à nos questions. Son choix de quitter Guingamp pour poser ses valises en Bourgogne, ses arrêts décisifs qui permettent à son équipe de repartir d'Issy avec un succès précieux et les défis qui attendent encore une fois l'équipe de France, avec en ligne de mire l'Euro 2022 !
Coeurs de Foot - Comment se passe ton adaptation à Dijon ? C'était pour te rapprocher de ta famille ? Ils viennent te voir jouer plus facilement ?
C'est ça, ma famille habite à 45 minutes de Dijon, donc c'était vraiment la première raison, ils viennent me voir oui.
Le premier match, j'ai dit : "Il me faut 36 invitations", ils m'ont regardé et sont restés stupéfaits (lol). C'est bien parce que c'est ce que je cherchais à concilier : ma passion avec ma famille.
"J'avais un peu peur qu'il n'y ait pas
de recrutement adéquat"
CDF - Tu voulais aussi changer d'air ?
Ça faisait 4 ans que j'étais à Guingamp (après avoir été formée et jouée pendant 8 saisons au MHSC, ndlr), ils m'ont demandés de leur donner des réponses et par rapport au nombre de départs, j'avais un peu peur qu'il n'y ait pas de recrutement adéquat, donc je ne pouvais pas leur donner de réponse, je ne pouvais pas dire je pars ou je reste. Je me sentais bien là-bas, mais j'appréhendais le recrutement, par rapport aux nombreux départs (dont celui de Faustine Robert, ndlr), et on a arrêté, parce qu'ils devaient trouver une gardienne, je comprends aussi qu'ils avaient envie d'avancer.
Du coup quand je suis partie de Guingamp, il fallait que je trouve quelque chose d'autre. Il y a eu plusieurs contacts avec d'autres clubs, mais c'est vrai que je cherchais surtout un club où je jouais, pour être sûre de jouer, à moins d'un an de l'Euro, je pense que c'est ce qu'il faut favoriser le plus [le temps de jeu]. J'en avais parlé un petit peu avec le staff de l'équipe de France et ils m'avaient clairement fait comprendre qu'il fallait absolument que je sois titulaire dans mon club.
"C'était aussi intéressant de se mettre
un petit peu en difficulté"
CDF - Sur son choix de venir à Dijon
Je connaissais aussi l'entraineur des gardiennes de Dijon, donc je savais aussi comment il fonctionnait et je pense que pour me remettre un petit peu en question, voir autre chose, parce qu'il n'a pas la même façon de travailler que celle que j'ai apprise jusqu'à présent. Je pense que c'était aussi intéressant de se mettre un petit peu en difficulté et de voir autre chose.
Après ce qui m'a fait signé comme on l'a déjà évoqué, c'est ma famille, au niveau mental quand t'arrives un an avant une grosse compétition, ça a un impact très important. Ensuite le Président de Dijon, Olivier Delcourt, m'a appelé, et il m'a dit qu'ils me voulaient absolument et qu'il allait gérer le dossier. Tu vois aussi l'importance que le club t'attache, et qu'ils comptaient vraiment sur moi. C'est ça aussi que j'aime bien, c'est avoir un club qui me considère autant.
Et puis l'intégration c'est bien passée, je connaissais un peu certaines filles. Les valeurs du club me correspondent aussi. J'ai joué avec Mylaine (Tarrieu) et Léa (Declercq) en sélections jeunes et Dési (Désiré Oparanozie), Kate (Tyrishkina Ekaterina), qui est arrivée en même temps que moi. Après à force de jouer un peu les unes contre les autres, on se connait un petit peu (sourire).
J'avais besoin aussi de trouver encore une fois ce petit côté club familial. Puis le projet du club aussi m'a parlé, surtout au vu de mon parcours [de l'expérience engrangée].
CDF - Sur ce match tu fais 4 arrêts décisifs, sinon il y aurait peut-être eu 4-2 pour le GPSO...
(sourire) J'avoue que je ne les ai pas compté, mais on m'a embauchée aussi pour ça, donc je fais mon travail. Après devant on a marqué des buts, donc elles (ses coéquipières) ont fait le leur aussi.
"Je vais devoir revoir les actions"
CDF - C'est vrai que c'était des arrêts formidables, dont un arrêt d'une de tes coéquipière à bout portant, repoussé de justesse
(sourire gêné) C'est gentil, merci (sourire).
Après je t'avoue que je vais devoir revoir les actions vraiment pour en prendre conscience. Oui celui contre son camp, c'était même l'arrêt le plus compliqué à faire, par rapport aux autres. J'essaye d'apporter mon expérience...
CDF - (Je la coupe) Et ton talent !
Oui (sourire embarrassé) enfin si on peut dire ça comme ça (sourire). Mais en tout cas j'essaye de rassurer un maximum l'équipe, leur dire que : "Je suis derrière et qu'elles peuvent compter sur moi".
Aujourd'hui ça m'a souri, j'espère que ça va me sourire sur d'autres matches, pour que justement l'équipe fonctionne bien et qu'on vise le plus haut possible !
"On avait à coeur de se rattraper, de faire un bon match ici"
CDF - Tu reprends aussi du poil de la bête, par rapport à la semaine dernière, parce que ça devait être dur (défaite 2-1 contre Montpellier à la 92e minute, ndlr) ?
La semaine dernière c'était dur. Après ça restait le premier match aussi, un petit peu frustrant la fin comment ça s'est terminée... Il y avait énormément de frustration dans l'effectif en général, moi aussi, parce que quand tu prends un but à la 92e, ça te fait - en parlant vulgairement - ça te fait chier.
Après on avait à coeur de se rattraper, de faire un bon match ici, le résultat est là, on ne prend pas de buts, on marque des buts, maintenant on va repartir à Dijon tranquillement. On va souffler, on va en profiter aussi parce que je pense aussi que célébrer les victoires - sans être dans l'excès non plus, mais de marquer le coup aussi - c'est important, parce que c'est notre première, après on va se reconcentrer pour la suite.
"C'est cette mentalité-là qui est importante."
CDF - Justement dans votre phase de préparation, vous avez consolidé votre mental, votre jeu, plus que la recherche de résultats et aujourd'hui ça paye ?
Oui c'est sûr, après c'est pour ça [que le mental est primordial]. Ce qui est bien aussi dans cette équipe c'est qu'on a vraiment un groupe et je pense que c'est là aussi où on voit la différence, on se bat les unes pour les autres.
C'est pas forcément individuel, c'est vraiment un collectif, si on peut faire marquer la copine, limite on préfère que marquer soi-même et je pense que c'est cette mentalité-là qui est importante.
"On a deux compétitions en tête [à côté de la D1]"
CDF - Ma dernière question, avant que tu reprennes le car avec tes coéquipières pour Dijon, ça concerne l'équipe de France, vous allez commencer la phase qualificative pour la Coupe du Monde 2023 et la préparation pour l'Euro 2022. C'est une grosse année qui attend les Bleues cette saison aussi ?
Oui ils attendront (sourire), ils ne peuvent pas partir sans moi de toute façon.
C'est ça en fait, cette année c'est un peu une année particulière. On a deux compétitions en tête [à côté de la D1], il y a la qualification pour la Coupe du Monde, mais il y aussi l'Euro à la fin de l'année auquel il faut penser. Maintenant on va prendre stage après stage. On aura hâte surtout de se retrouver - si on est appelée - parce que ça fait quand même un certain temps qu'on ne s'est pas vues, donc avec les changements, les transferts et tout ça, on aura de quoi discuter aussi au stage. On a à coeur de se retrouver, de faire des bons matches.
Après bien sûr chaque stage aura un but en particulier, d'une part obtenir la qualification pour la Coupe du Monde, mais aussi consolider le groupe et vraiment emmener un vrai groupe à l'Euro, avant le mondial.
CDF - Comment tu gères mentalement (elle rigole), tu sais très bien que tu as un poste qui n'est pas évident, tu es souvent à la lutte pour la place de titulaire, tu dois lutter encore plus que les joueuses de champs tous les jours ?
Après c'est le poste qui veut ça, on sait très bien qu'il y en a une qui joue et les autres [gardiennes], qui seront sur le banc.
Moi je pars du principe que si on m'avait dit il y a de cela de nombreuses années, à la petite fille, qui a démarré à Varennes-le-Grand : "Tu seras sur le banc en équipe de France senior..."
"C'est ça aussi qui fait la force de notre mental
et qu'on doit emmener jusqu'à l'Euro"
CDF - (Je la coupe) Tu aurais signé quand même (sourire) ?
J'aurai signé (sourire) ! Je pense que tu demandes à n'importe quelle fille là, qui joue à côté, si elle veut aller en équipe de France, même si c'est pour être sur le banc, elle y va.
Après on s'entend bien entre gardiennes, on va se pousser pour aller le plus haut possible, mais si un jour je dois être titulaire, je le serais, même si j'adore Pauline [Peyraud-Magnin], et c'est ça qui est bien aussi entre nous, c'est qu'on s'apprécie.
Je sais que même si un jour, la coach me met titulaire, elle ne sera pas énervée, elle va être là pour moi, et je pense que c'est ça aussi qui fait notre force, au niveau des gardiennes, on a vraiment des gardiennes qui s'entendent super bien et qui se poussent les unes les autres et qui attendent le meilleur de l'autre.
Je sais que la dernière fois quand j'ai joué le Tournoi de France, Pauline était trop contente pour moi, alors qu'elle n'a pas joué de son côté. C'est ça aussi qui fait la force de notre mental et qu'on doit emmener jusqu'à l'Euro, avoir ce groupe soudé jusqu'au bout, c'est comme ça qu'on aura des résultats !
Photo : Thomas Jobard