Vous l'avez certainement déjà vu jouer avec Lyon, notamment en Ligue des Championnes, ou encore lors du dernier mondial U20 en Bretagne, aujourd'hui Selma Bacha s'apprête à disputer l'Euro U19 en Écosse avec l'équipe de France, avec l'objectif de décrocher la qualification pour le prochain mondial U20 et son premier titre en sélection. Entretien.

 

 

Coeurs de Foot - Pourrais-tu te présenter brièvement à nos lecteurs stp ? Comment tu en es arrivée à jouer à Lyon ? 

Selma Bacha - Je m'appelle Selma Bacha, j'ai 18 ans, je suis née le 9 novembre 2000 à Lyon et je joue latérale gauche au club de l'Olympique Lyonnais, en tant que professionnelle.

Comme je le dis tout le temps, c'est en particulier grâce à mon frère que j'ai commencé. On a joué au foot ensemble à l'âge de 5 ans, et après j'ai été recrutée à Lyon à l'âge de 8 ans et j'ai fait toutes mes gammes au sein du club.

 

CDF - Comment s'est fait le cheminement avec l'équipe senior de Lyon ? Est-ce que ça t'a permis de gagner en maturité, en expérience, en endurance...

S. B. - "J'ai profité" entre guillemets d'une blessure d'une joueuse, le coach [Reynald Pedros] m'a donné cette chance de jouer mon premier match au Groupama Stadium en Ligue des Champions, j'ai saisi cette chance et puis après je lui ai tapé dans l'oeil on va dire, et j'ai tout le temps joué.

Oui exactement parce que c'est vrai qu'entre les U19 et les pros y'a un monde de différence et c'est vrai que j'ai gagné en maturité parce qu'on voit le jeu autrement. J'ai appris de par ses expériences avec les matches de haut niveau et j'ai gagné en endurance également, car ce sont des rencontres très intenses où on court beaucoup, donc ça m'a bien affûté sur ce point.

 

CDF - Comment tu as remonté la pente après la déception de la Coupe du Monde U20 en Bretagne (du 5 au 24 août) ?

S. B. - (rires nerveux) J'y ai beaucoup pensé, et c'est vrai que j'y pense encore un peu à l'heure d'aujourd'hui, mais après il faut savoir tourner la page, il faut savoir se relever [après une déception] et avec mes coéquipières [de club], on a fait le triplé cette année, donc ça m'a soulagé un peu de cette désillusion. Mais c'est vrai que des fois j'y pense encore...

 

CDF - Est ce que vous avez eu l’impression d’être privées en quelque sorte de votre compétition par l’attente du public et l'attente médiatique autour de vous ?

S. B. - Non je ne pense pas. C'est nous dans le jeu, on n'a pas su répondre aux attentes du coach et on n'a pas su écouter certaines consignes, donc il faut s'en prendre qu'à nous-mêmes.

 

CDF - Pour parler d'aujourd'hui, il y a eu un autre mondial qui s'est joué dans toute la France cette fois pour la A. Est-ce que tu as parlé avec des joueuses de l’équipe de France, qui ont participé à la Coupe du Monde, il y’a quelques semaines de cela maintenant ?

S. B. - J'ai beaucoup parlé avec certaines joueuses de l'équipe de France, j'ai envoyé des messages aux filles, à Amandine Henry, Wendie Renard, Amel Majri, Griedge Mbock, un jour ou deux après [leur élimination] parce que je ne voulais pas les "attaquer" [leur parler] direct. C'est vrai qu'elles sont déçues, c'est normal parce que c'est une Coupe du Monde en France, et c'est vrai qu'elles ne sont pas arrivées au bout, mais après encore une fois comme je l'ai dit, il faut savoir se relever et j'espère qu'elles le feront. Mais effectivement elles sont vraiment déçues, dégoûtées, il y a un peu de tout. J'ai vécu ça, donc je sais ce qu'elles vivent.

 

CDF - Lors la Coupe du Monde U20 et chez certaines jeunes joueuses lors de ce mondial en France, on a remarqué que vous gardiez trop longtemps le ballon. Est-ce le défaut quand on est jeune, de vouloir garder trop longtemps le ballon ? Est-ce que parfois il faut jouer plus rapide, plus en équipe selon toi ?

S. B. - Oui exactement, c'est vrai qu'on garde beaucoup trop le ballon, et on ne le lâche pas assez rapidement et de ce fait, les espaces se referment. Pour parer à cela, il faut aller un peu plus vite vers l'avant, mais pas trop, il faut aussi savoir tempérer son jeu, mais effectivement c'est un petit défaut chez nous les jeunes.

Oui il faut savoir lâcher un petit peu plus vite son ballon, et je pense que c'est de cette manière qu'on va créer des décalages et qu'on va se créer plus d'occasions.

 

CDF - Entre vous, vous avez l'objectif de gagner cet Euro, mais selon toi qu’est-ce qui peut faire dévier une joueuse de son objectif de trophée ? Est-ce que c'est mentalement que ça se joue ?

S. B. - Mentalement si on n'est pas concentrées et toutes ensemble, si on n'est pas bien dans nos têtes, on n'ira jamais jusqu'au bout. Il faut toujours être positives si on veut aller chercher un trophée, croire en nous et ne jamais lâcher, parce qu'un match c'est 90 minutes et il y a en a d'autres [derrière], donc il faut être prêtes mentalement et collectivement.

 

CDF - On te suit depuis longtemps, tu as un poste très compliqué. Qu’est-ce que tu aimes le plus faire sur le terrain en tant que latérale ?

S. B. - Ce que j'aime faire le plus sur le terrain, c'est défendre, c'est mouiller le maillot pour mon club ou pour mon pays, de m'arracher jusqu'au bout. En ce qui concerne mon jeu plus précisément, c'est aller de l'avant, faire des passes décisives à mes coéquipières... 

 

CDF - Est-ce qu'il y a un geste technique que tu affectionnes particulièrement, comme les crochets, les centres etc ?

S. B. - (sourire) Je ne suis pas technique de base, donc c'est vite fait bien fait, mais j'aime beaucoup frapper, beaucoup centrer et faire mes crochets [pour entrer plein axe].

 

CDF - Où est-ce que tu dois progresser selon toi ?

S. B. - Je pense que je dois progresser par rapport à mon pied faible et aussi dans la tête, prendre en maturité encore plus, si je veux aller très très loin.

 

CDF - Tu es la seule à avoir joué tous les matches de la Coupe du Monde U20. Tu sais que c’est maintenant qu’il faut faire les efforts pour être à la hauteur si tu es appelée en A ?

S. B. - Voilà exactement, c'est maintenant que je dois faire les efforts aussi, comme je l'ai déjà dit, il ne faut jamais rien lâcher, il faut toujours croire en ses objectifs et on n'a rien sans rien.

 

CDF - Est-ce que pour toi le bon amalgame pour une joueuse, c’est jouer à l’instinct et jouer tactique, c’est à dire ne pas trop réfléchir sur ses mouvements ou intentions, mais en même temps faire preuve d’intelligence sur son jeu, sur ses déplacements ?

S. B. - Oui je suis d'accord avec toi, c'est vrai qu'il ne faut pas se mettre de pression quand on joue, mais il ne faut pas jouer non plus n'importe comment, il faut avoir une certaine stratégie de jeu [mise en place par le coach] et notre tactique à nous les joueuses, de ne pas faire des courses pour rien par exemple. Il faut être intelligente et jouer sans pression.

 

CDF - C'est à Lyon que tu as appris cela j'imagine ?

S. B. - Exactement (sourire). C'est vrai que des courses au début de l'année j'en faisais pas mal et je me fatiguais beaucoup plus, maintenant je sais comment me déplacer et gérer mes efforts physiques.

 

CDF - Le football c’est aussi mental pour toi je pense, surtout avec l'Olympique Lyonnais où il y a beaucoup d'intensité et d'attente autour de l'equipe ?

S. B. - Oui c'est beaucoup le mental, pour moi le football c'est 80% de mental, et 20% du reste. Si tu n'as pas de mental, tu ne vas nulle part.

 

CDF - Certains ne se rendent pas compte du défi à relever sur le terrain parfois, pensant que c'est simple de marquer par exemple. Est ce que tu peux nous expliquer un peu comment tu vis un match sur le terrain ? Est-ce que parfois tu te sens épuisée par l'intensité du match, frustrée par le scénario de la rencontre, angoissée par l'enjeu d'une affiche ?

S. B. - Non ce n'est pas facile sur le terrain, je ne suis pas d'accord avec ces personnes qui pensent cela, parce que c'est vrai qu'à Lyon par exemple on a des objectifs [élevés chaque saison], mais plus les années passent et plus ça devient difficile. Mais certaines personnes pensent que c'est facile, sans se rendre compte du boulot derrière et des efforts fournis sur le terrain, de la difficulté à mettre en place une stratégie face à des adversaires différents à chaque fois...

Avant les matches je suis beaucoup stressée, parce que c'est vrai qu'il faut que je sois au niveau, parce que je joue avec de très grandes joueuses [avec l'Olympique Lyonnais], après sinon, non.

 

CDF - On ne dirait pas que tu es stressée pourtant d'un point de vue extérieur, tu ne laisses rien transparaître.

S. B. - (rires gênés) Si je le suis.

 

CDF - Est-ce qu'il y a des gens qui te disent que tu prends la grosse tête un peu, depuis que de plus en plus de fans te connaissent ?

S. B. - Non pas du tout (sourire). Après il faut rester soi-même et être simple. Parce que du jour au lendemain, tout peut arriver... Il faut garder les pieds sur terre et ne pas aller trop vite.

 

CDF - Comment tu expliques que tu as eu une année 2018/2019 moins prolifique que la saison 2017/2018 ? Est-ce que c'est l'après Coupe du Monde ? 

S. B. - Non, parce que je me suis blessée aussi à la cheville, et j'ai eu du coup un peu moins de temps de jeu, et le coach a dû faire ses choix [en conséquence] également.

 

CDF - Pour ma dernière question, j'aimerai évoquer de nouveau challenge avec l'équipe de France. Comment vous vous sentez entre vous à l'idée de jouer cet Euro ? Tu sais que vous aurez beaucoup d'attente autour de vous et pour vous également, vous devez regagner confiance au sein de votre groupe ?

S. B. - C'est vrai qu'il y a beaucoup d'attente, parce qu'il y a la qualification de la Coupe du Monde [U20] qui est en jeu derrière, mais on est soudés et je pense qu'on peut aller au bout [de cette compétition], en tout cas on va tout faire pour !

Dounia MESLI