Avant ce match face aux Pays-Bas, nous avons voulu nous entretenir avec Sarah Bouhaddi. La gardienne des Bleues qui repousse les critiques aux poings et surtout par ses performances, récemment lors de la She Believes Cup et face à Wolfsburg en Champions League. Une qualité révélée par l'adversité, signe de sa préparation aux grands rendez-vous qui l'attendent en club et avec l'équipe de France.

 

Coeurs de Foot : Pour commencer, on voulait revenir sur votre récent quart-de-finale de Champions League face à Wolfsburg. On vous a vu réaliser une grosse prestation dans les buts lyonnais. Comment vous jugez votre prestation sur cette double-confrontation ?

 

Sarah Bouhaddi - On a joué Wolfsburg, c'était une grosse équipe. On s'attendait à avoir deux belles confrontations et comme vous l'avez souligné, j'ai fait deux gros matches. Je me devais de faire le boulot, j'ai été pas mal sollicitée, j'ai essayé d'être présente un maximum et ça m'a réussi pour ses deux rencontres.

 

CDF – C'est le genre de prestations qui doivent donner de la confiance à quelques semaines de l'Euro ?

 

SB – Oui, c'est des matches de haut niveau. Y'a des gens qui sont assez surpris des prestations que j'ai pu faire ces derniers temps. Moi, je suis pas surprise parce que je connais mes qualités et je sais ce que je suis capable de faire. La seule différence, c'est que aujourd'hui, on a vu une Sarah qui a été sollicitée pendant 90 minutes contrairement à d'habitude où on retient que le négatif et voilà, j'ai fait deux bons matches et oui j'espère que je vais rester sur cette lancée-là avec l'équipe de France et puis mon club jusqu'à l'Euro.

 

CDF – Ces dernières semaines, vous avez aussi connu la victoire avec les Bleues lors de la She Believes Cup. Au-delà de la victoire, un seul but encaissé sur les trois matches donc aussi une belle performance collective sur le plan défensif ?

 

SB – Oui, le tournoi était important parce qu'on rencontrait les meilleures nations mondiales donc c'était important de bien se préparer. Y'avait au sein du staff une volonté que je joue les deux nations européennes [Angleterre et Allemagne] pour me préparer par rapport à l'Euro [Méline Gérard a joué le match face aux États-Unis]. J'ai essayé de rendre une bonne copie. Il y a toujours des choses à corriger et à peaufiner mais c'est vrai que ça reste un bon tournoi et aussi au niveau de l'équipe, on a bien travaillé et pareil il y a toujours des choses à peaufiner mais c'est de bonne augure pour la suite.

 

CDF – Vous avez mentionné les critiques dont vous pouvez être l'objet. Est-ce que ce sont des paroles qui vous atteignent ?

 

SB – Non, après ça fait pas mal de saisons que le poste de gardienne est critiqué. Quand j'étais pas là, il était un peu critiqué. Quand je suis revenue, il était critiqué donc voilà, on essaye de trouver une faille quelque part, on critique le poste de gardienne de but. Après, je suis pas atteinte par ça parce que les critiques, forcément on les lit, on les entend mais si on est atteint par ça, on avancera plus.

 

Donc j'essaye de me construire une carapace, parce que comme vous dîtes je suis pas mal critiquée et c'est désagréable mais le plus important, c'est le retour de mon staff, c'est eux les connaisseurs et c'est avec eux que j'ai eu la consigne d'avant match et qui savent ce qu'ils me demandent aussi donc.

 

CDF – Ces critiques, est-ce que vous arrivez à vous en servir de manière positive ?

 

SB – Je m'en sers pas du tout, quand je sors d'un match je sais ce que j'ai fait de bien et de pas bien. J'ai pas besoin de lire des articles de différents journalistes. Après, le lendemain, j'ai le retour avec le sélectionneur ou avec l'entraîneur des gardiennes de buts donc je me sers pas du tout des critiques de journalistes parce que sincèrement, ils ont jamais joué au poste de gardienne.

 

Ils ne savent pas ce que c'est, ils ne savent pas les consignes qu'on m'a donné donc je pense que de les lire, de les entendre, ça va rien changer. C'est pas le but de se servir de ça parce que justement comme je suis critiquée, si me je me sers de ça, je pense qu'aujourd'hui je serai plus au fond du trou qu'être là encore aujourd'hui.

 

CDF – Dans votre parcours vous n'avez pas commencé au poste de gardienne de but. Aujourd'hui, on vous voit régulièrement avec l'OL participer au jeu, chercher à relancer au pied. Vous aviez dit dans une interview que c'était quelque chose d'important pour vous, que cela vous permettait aussi de garder la concentration dans un match quand vous avez peu d’interventions à faire. C'est un aspect important pour vous, de pouvoir participer au jeu de l'équipe ?

 

SB – Comme vous l'avez dit, j'ai pas commencé gardienne donc ça me facilite un peu la tâche aujourd'hui. Après le poste de gardien de but, il évolue donc il faut aussi évoluer avec le temps. Aujourd'hui on demande aux gardiens d'être présents dans plusieurs domaines que ce soit dans les buts, dans le jeu aérien, dans la gestion de profondeur ou dans le jeu au pied et j'essaye de répondre au maximum à ces critères-là. Après quand vous parlez du jeu au pied, j'essaie d'évoluer là-dessus, de prendre le moins de risques possibles pour ne pas mettre en difficulté l'équipe et voilà, faut essayer de peser toutes ces choses-là pour être efficace.

 

CDF – Et on a pu lire dans une interview que vous aimeriez redevenir joueuse. C'est toujours une envie de pouvoir lâcher les gants à un moment donné ?

 

SB – Forcément, quand il y a un entraînement ludique et qu'il y a pas besoin de gardienne, je suis la plus heureuse. Quand on me met sur le terrain et même faire des frappes et tout, j'adore ça. Je sais pas ce qu'il en sera dans ma fin de carrière mais pourquoi pas finir un peu sur le terrain, histoire de prendre du plaisir différemment de ce que je prend aujourd'hui.

 

CDF – Vous avez évoqué l'évolution du poste de gardienne, sur le jeu aérien, la couverture derrière la défense. On a souvent parlé du poste de gardienne comme celui où il y avait encore le plus de progrès à faire. Est-ce que vous avez l'impression que des caps ont été passés notamment au plus haut niveau ?

 

SB – Oui, on le voit. Quand on joue une compétition internationale, on voit au niveau des derniers carrés de la compétition, les meilleures équipes ont aussi une très bonne gardienne. Après on a des qualités complètement différentes l'une de l'autre mais c'est vrai qu'on voit plus de gardiennes sortir dans les airs, essayer d'avoir un bon jeu au pied et je pense que ça évolue aussi chez les filles. Donc c'est intéressant pour la suite.

 

CDF – Sur ces rôles dont vous parliez, on a l'impression que chez les plus jeunes gardiennes, on pense à Mylène Chavas et au tournoi qu'elle a fait lors de la Coupe du Monde U20, ces choses-là sont désormais des acquis...

 

SB – Comme je l'ai dit, il faut évoluer avec le temps. Dès les entraînements, ces jeunes-là, il faut les mettre dans les conditions de matches et les faire travailler comme en match parce qu'aujourd'hui on demande pas à une gardienne de rester dans son but et de se contenter d'arrêter les ballons. On demande beaucoup de choses parfois peut-être un peu trop, mais voilà les jeunes d'aujourd'hui, elles rentrent dans un système de jeu qui est complètement différent que d'autres gardiennes, qui l'ont pas connu auparavant et on le voit un peu plus aujourd'hui.

 

CDF – Pour finir, est-ce que vous pouvez nous parlez du rôle de Peggy Provost, qui est entraîneure-adjointe de l'équipe de France et que vous avez aussi connu comme coéquipière en Bleue et à Juvisy ?

 

SB – Peggy fait partie du staff, elle est entraîneure-adjointe. Elle a un rôle bien défini, déjà elle fait les échauffements avec le deuxième entraîneur-adjoint qui est Frédéric [Née]. Elle nous fait les retours vidéos de l'adversaire et puis aussi elle fait un retour vidéo au niveau des postes défensifs. Elle s'occupe justement des défenseures pour essayer de peaufiner et d'ajuster notre façon de jouer. Elle et Frédéric ont des rôles complètement différents puisque lui était attaquant donc il s'occupe des attaquants mais Peg, elle s'occupe des défenseures et de la préparation d'avant-entraînement.

Hichem Djemai