Une enquête sur les salaires dans le football a montré que le salaire combiné de toutes les joueuses des sept ligues de football féminin parmi les mieux dotées financièrement dans le monde serait égal à celui d'un seul footballeur masculin, Neymar.

On le sait. Les inégalités salariales entre femmes et hommes sont le problème de beaucoup de domaines dans nos sociétés. Et il est un domaine qui bat tous les autres en ce qui concerne ce genre d'inégalités :  le sport et le football en particulier. C'est en tout cas la conclusion d'une enquête réalisée par Sporting Intelligence relayée par nos confrères britanniques de The Guardian.  

Un chiffre issu de cette enquête est particulièrement éloquent. Les auteurs ont ainsi combiné les salaires de toutes les joueuses (1673 très exactement) évoluant dans sept ligues parmi les plus grandes du monde. A savoir la France, l'Allemagne, l'Angleterre, les Etats-Unis, la Suède, l'Australie et le Mexique. Et il s'avère que la somme de tous ces salaires réunis équivalait au salaire d'un seul joueur masculin : celui de Neymar, la star brésilienne du Paris Saint-Germain... Selon les estimations, Neymar va toucher durant la saison 2017/18 l'équivalent de 36,7 millions d'euros, rien qu'avec son contrat de footballeur.

Des exceptions comme la Norvège

Alors bien sûr, des progrès ont été faits. La fédération norvégienne de football a récemment décidé que les footballeuses de l'équipe nationale recevraient les mêmes indemnités que leurs homologues masculins lors des rassemblements de l'équipe nationale. Ces derniers ont ainsi accepté de baisser leurs indemnités pour multiplier par deux celles des footballeuses et les porter à six millions de couronnes norvégiennes (environ 617 000 euros). Mais cette égalité est toute relative, étant donné que ces primes restent indexées à celles versées par la FIFA, et donc plus favorables aux hommes. De même, l'égalité salariale dans le football n'existe pas en Norvège car les salaires sont versés par les clubs et restent bien inférieurs à ceux des hommes. 

En Angleterre, le club du Lewes FC a lui bel et bien proclamé l'égalité salariale entre footballeuses et footballeurs. Mais là encore tout est relatif. L'équipe féminine joue en troisième division alors que l'équipe masculine joue en septième division. Verser le même salaire aux deux équipes revient donc à mieux payer les hommes. Ces deux exemples, très relatifs font hélas partie des "meilleurs exemples" actuellement disponibles. S'il est vrai que certaines sportives gagnent très bien leur vie, ce n'est rien comparé à ce que gagnent les meilleurs sportifs masculins au sommet de leur art.

Prenons l'exemple de la D1 française. Le record en matière est détenu par la star américaine Alex Morgan. Pendant les six mois qu'elle a effectués la saison dernière à l'Olympique Lyonnais, la joueuse a perçu 30 000 euros par mois. Ce qui a fait d'elle la joueuse la mieux payée d'Europe. Sinon, les meilleures joueuses de D1 française gagnent autour de 15 000 euros par mois. Chez des clubs plus modestes, les salaires oscillent entre 1 500 et 3 000 euros par mois. Alors que chez les hommes, le salaire moyen en Ligue 1 est de 75 000 euros par mois.

Prenons maintenant l'exemple de la masse salariale. Chez les femmes, c'est l'OL qui supporte la masse salariale la plus importante au monde dans le football féminin. Selon l'étude de Sporting Intelligence, elle s'élèverait en moyenne à 162 000 euros par joueuse et par an. C'est à peu près le salaire moyen des joueurs du PSG...par semaine. Sachant que l'OL et le PSG représentent 50 à 60% de la masse salariale en D1 féminine, et donc que les écarts se creusent également à l'intérieur du football féminin de haut niveau.

"Le sport féminin a une énorme valeur commerciale"

Certaines personnes légitiment cet écart de salaires entre femmes et hommes en expliquant que le sport féminin est "moins commercial", moins vendeur que le sport masculin. Mais Ruth Holdaway, la directrice générale de l'organisation caritative Women in sports n'est pas du tout de cet avis.

"Le sport féminin a une énorme valeur commerciale", a t-elle déclaré à nos confrères du Guardian. Il suffit de regarder la Coupe du monde de cricket féminin de cet été où la finale, remportée par l'Angleterre, s'est jouée à guichets fermés au Lord's Cricket Ground à Londres. Il s'agit de faire en sorte que les marques reconnaissent qu'elles peuvent exploiter le pouvoir du sport féminin. Il y a une énorme demande d'un public, mais il s'agit d'exploiter ce marché et de le faire fonctionner pour les deux parties."

Holdaway voudrait également que davantage d'instances dirigeantes suivent l'exemple (relatif) de la fédération norvégienne de football cité plus haut. "Nous aimerions voir davantage d'organes directeurs valoriser leurs athlètes féminines de la même façon qu'ils valorisent leurs athlètes masculins. Ce n'est pas seulement une question d'égalité salariale ; il s'agit du message que l'on envoie sur la valeur des femmes. Au tennis, l'engagement en faveur de l'égalité salariale au tournoi de Wimbledon est un bon exemple d'un corps sportif qui réalise que si le jeu masculin est différent du jeu féminin, les joueurs font autant d'efforts et jouent tous à hauteur de leurs capacités."

En France, des progrès sont envisageables. L'intérêt croissant pour le football féminin et le nombre sans cesse croissant de licenciées (170 000 selon les derniers chiffres) ont poussé les grands médias français à mettre l'argent sur la table pour obtenir les droits de diffusion. Le 14 novembre dernier, M6 et Canal+ se sont partagés les droits TV pour la période 2018-2023. La chaîne cryptée assurera ainsi la diffusion des matches de D1, mais aussi une partie des matches de la prochaine Coupe du Monde. M6 diffusera quant à elle les matches de préparation de l'équipe de France pour la Coupe du monde 2019 (qui aura lieu en France), les matches internationaux et de qualifications de l'Euro 2021, ainsi que les matches internationaux et de qualifications pour la Coupe du monde 2023. Une hypothétique victoire de la France en 2019 sur ses terres doperait encore plus l'intérêt du public. Ce qui se traduira à l'avenir par une montée des droits de diffusion et de possibles retombées économiques pour les actrices de ce sport. Mais de là à atteindre le niveau de rémunération des hommes, il y a un monde...

 

 

Arnaud Le Quéré