Arrivé en juin dernier pour reprendre l'équipe du HAC - après Frédéric Goncalves - maintenue en D1 pour la première fois de son histoire, le coach de 50 ans Romain Djoubri espère perpétuer cette saison la section féminine dans l'élite, avec un niveau d'autant plus relevé. Des matches de préparation à la Aiglonnes Cup avec une victoire de prestige 2-0 face au Paris FC, sa philosophie de jeu ou encore la saison à venir, le technicien se confie. 

 

Journaliste - Avant d'évoquer le résultat du match [victoire 3-1 face à Marseille], vous découvrez le football féminin, c’est votre quatrième match amical, comment se passe votre adaptation ?

Cela se passe bien, je découvre une autre approche, mais c’est le même football, les mêmes règles, je prends beaucoup de plaisir à encadrer et découvrir le football féminin. Je ne peux pas dire que je suis agréablement surpris, car il y a de la qualité, de la compréhension, des valeurs, tout ce que je cherche, je m'y retrouve et je prends beaucoup de plaisir.

 

Journaliste - Justement, la gestion d’un groupe féminin, les filles montrent-elles vraiment de volonté ?

La gestion d'un groupe féminin est la même qu'un groupe masculin, j'oserais dire. Après il y a une pédagogie qu’il faut adapter, des mots à ne pas sortir, à maitriser, il faut arrondir les angles, c’est un petit peu plus fragile. Il y a une méthodologie et une pédagogie à adapter. Il faut être en capacité de se faire aimer et craindre en même temps, c'est toute la difficulté que ça soit des garçons ou des filles. Il faut qu’il y ait une autorité naturelle, le foot reste le foot, les exercices sont les mêmes. C'est juste la relation entre entraineur et joueuse, qui est un peu différente, donc il faut faire très attention parfois à ce qu'on fait et on dit.

 

Coeurs de Foot - Sur ce match - remporté 3-1 face à l'OM - on a vu plusieurs visages chez votre équipe, mais ce sont les quinze dernières minutes que vous voulez voir chez votre équipe ?

Exactement, une équipe conquérante, qui va de l’avant, qui maitrise son sujet et qui n’a pas peur de répondre à un défi athlétique, un combat. Aujourd’hui on a été retranché aussi par moment, on nous a donné du fil à retordre, face à une belle équipe de Marseille, qui nous a posé beaucoup de problèmes dans le jeu, de par son système, et son agressivité dans le bon sens du terme, son intensité, l'impact. Nous ça nous permet aussi de se jauger et de se juger et puis de mixer les équipes et ça nous donne des éléments de réponses, pour constituer un onze de départ à un moment-là.

Dans ce genre de match de préparation, il n’y a pas besoin de parler, les filles savent d’elles-même si elles ont été à la hauteur ou pas, donc c’est bien.

 

Journaliste - Vous avez deux matchs un aujourd’hui (vendredi 25 août) un dimanche (27 août face au Paris FC), comment allez-vous gérer le groupe ?

Tout dépend du style et de la récupération aussi, on avait prévu d'aller au maximum du temps de jeu pour celles qui avaient commencer, on a fait rentrer un petit peu plus tôt celles qui n'étaient pas prévues, car il fallait remettre un peu de sang neuf car les organismes commençaient à fatiguer. J'espère qu’on aura un autre visage, mais peut être qu’en face cela sera un autre adversaire, d’un autre calibre.

 

Coeurs de Foot - Lors du match vous avez replacé Silke Demeyere plus devant, on sent que c’est là qu'elle est plus à l'aise, mais vous avez fait le choix de la jouer en 6. Pourquoi ce choix ? Était-ce une solution de secours pour vous ou une volonté de la voir à plusieurs postes ?

Silke Demeyere ne veut pas jouer sur le côté gauche, elle veut rester dans le milieu de terrain, donc avec la concurrence, et qu'elle est gauchère, j’essaye de lui faire comprendre que j'aimerai l'utiliser à un autre poste, car il y a de l'embouteillage au milieu. Effectivement je suis intimement convaincu, que son meilleur poste est sur le côté. Je ne lui demande pas de prendre la profondeur, car la vitesse ce n'est pas sa qualité première, c'est son pied gauche qui peut être un pied gauche magique pour centrer devant le but. Elle commence un peu à accepter, mais de toute façon elle n’aura pas le choix, elle jouera où je le demande. (sourire)

 

CDF - Comment voyez-vous ce championnat, avec l’arrivée des playoffs, la ligue des nations à gérer peut-être, le manque de matches pour certaines de vos joueuses aussi si elles ne sont pas appelées ? 

C'est bien pour ceux qui ont l’ambition d'aller les chercher, mais en toute humilité, avant de penser aux playoffs, il faut déjà s’éloigner de la zone de relégation, ça va très très vite, de part mon expérience chez les garçons, j'ai eu des groupes où il y a eu des moyens, avec des belles équipes, mais la mayonnaise ne prenait pas, à contrario, tu peux avoir peu de moyen et tu allais avec de vraies valeurs et tu faisais [mieux]. Il n'y a pas de vérité dans le football. Avant de penser au playoffs il faut s’éloigner de cette zone rouge, se placer dans le ventre mou du championnat, et on verra le sprint final comment cela ce passera, on va rester très terre à terre, on ne va pas se prendre pour d'autres.

 

CDF - Cela ne va pas vous faire beaucoup de matches, voire même des matches en moins que d'autres clubs ?

Oui, il faudra colmater comme on peut, mais encore une fois, on ne va pas se mentir on n'est pas taillé pour [les playoffs]. S'il faut le faire, on ira, mais il ne faut pas envoyer de la poudre aux yeux, cela serait mentir aux supporters et aux joueuses de leur faire croire cela. Il y a des groupes bien meilleurs avec d'autres moyens, mais ça ne nous empêchera pas d'aller les titiller et si on peut griller la politesse, on le fera, et avec beaucoup d'humilité et de travail.

 

CDF - C’est deux beaux matches, vous avez su vous réveiller contre l’OM, là vous avez remporté le match contre le Paris FC, même si c’est une équipe un peu remaniée ?

Il y avait peu être un état d'esprit en mode vacances [chez les Parisiennes], je relativise [de cette victoire], je suis content du contenu et du respect du consigne. On avait aussi un match de plus dans les jambes. C’est toujours valorisant de jouer le PFC, pas diminué mais remanié comme vous avez dit. Je ne regarde pas spécifiquement l’adversaire mais ce que les filles ont proposé, et cela à été cohérent, dans la recherche de ce qu’on veut mettre en place, même si on a souffert par moments parce qu’en face il y a des grosses individualités. On finit notre semaine de stage sur deux beaux matches, et le contenu était très intéressant. Je tiens à souligner l'état d’esprit qui règne dans cette équipe, et je tiens à remercier tous les gens du clubs qui ont organisé cet événement. Bravo à tous les bénévoles et organisateurs.

 

CDF - On sent vraiment que vous souhaitez intégrer la confiance à vos joueuses, que vous leur faites confiance, vous essayer de créer un lien et une cohésion ?

C’est important la relation humaine, c’est la base de tout, je suis beaucoup sur cet aspect-là. Quand j'étais joueur et qu'on me valorisait et encourageait, j’étais performant, quand on me criait dessus, on me noyait, donc j’ai gardé cet âme de quand j'étais joueur. Chacun à sa manière de faire, moi c'est un peu mon approche, d'alterner, encore une fois d'être capable de se faire aimer mais d’être craint en même temps, c’est toute la difficulté. Pour l’instant cela se passe bien, on a fait une bonne prépa, attendons de voir quand il y aura un grain de sable qui viendra enraye un peu la machine. Le plus important c'est le championnat et pour l'instant tous les feux sont verts.

 

CDF - Avez-vous un 11 de départ en tête pour votre premier match ou y'a-t-il encore des détails à régler selon vous ?

Non il y a encore des détails, encore des cartes qui peuvent être redistribuées. Aujourd'hui on a une tendance qui se dégage, mais on a une idée, il y a aussi des options de jeu qui seront encore à définir. On a quelques tendances qui se dégagent, un peu de certitudes, mais pour l’instant il n'y a pas un 11, il y a un 6 - 7 oui...

 

CDF - Comment expliquez-vous les deux visages montrées par votre équipe aujourd’hui (dimanche 27 août), où elles mènent 2-0 lors de la première mi-temps, mais n’ont pas su reproduire leur jeu en seconde période ? Pensez-vous aussi que cela n’est pas la grande difficulté des équipes féminines/masculines, qui ont du mal à concrétiser leurs actions ? C’est l’adversaire qui est meilleur ou votre équipe qui a relâché ?

C’est un peu des deux, l’adversaire qui accélère avec des changements, de la fraîcheur pour revenir au score, donc automatiquement [ça complique les choses]. En deuxième mi-temps quand tu es a 2-0 tu n’es plus dans l'obligation d'aller mettre le troisième, mais de bien défendre, et d'attendre peut-être un contre ou un coup de pied arrêté. Celles qui ont commencé, c'est celles qui ont fini contre Marseille la dernière demi-heure, donc les jambes étaient un peu lourdes. Manifestement quand tu gagnes 2-0 en première mi-temps, c’est à l'adversaire de faire le forcing et à toi de bien rester en place et éventuellement d’attendre un contre pour marquer le 3-0.

 

CDF - Avez-vous une hiérarchie chez vos gardiennes entre Laetitia Philippe et Katriina Talaslahti ?

Laetitia Philippe sera numéro un, ça a été fait comme ça. Elle maitrise tous les aspects, elle s'est mis à son vrai niveau, c'est là où je l'attends aussi.

 

CDF - Au sujet de l'affaire Rubiales, qui a secoué le monde du football cet été, lors du sacre de la Roja en Coupe du Monde.

J’en ai entendu parler, c’est des choses sur lesquelles il faut faire très attention dans le football féminin, il y a des dérapages qui peuvent se produire. Aujourd’hui tout est filmé, il y a des affinités plus que de l’amitié mais il ne faut pas que cela arrive, il faut une limite.