En venant en France, Kristina Pantelic savait à quoi s'attendre. Après avoir joué en Serbie à côté de chez elle, puis dans le club masculin de son voisin Aleksandar, elle part à Belgrade et rejoint le ŽFK Crvena zvezda. Tout s'enchaîne pour la jeune joueuse, qui avec son talent et sa ténacité décide de voir plus loin pour sa carrière et de rejoindre le championnat français, à l'ASPTT Albi.

 

Comment se sont passées tes vacances ? Est-ce que tu as été appelée par le nouveau sélectionneur ? 

Je devais rentrer en Serbie mais je n'ai pas pu, parce qu'avant la trêve internationale j'avais une petite blessure et comme je n'avais pas joué depuis quelques journées de championnat, j'ai disputé des matches avec l'équipe B, la DH pour reprendre mon rythme. Donc je suis restée ici à Albi. 

Non je n'ai pas été appelée parce que je n'avais pas joué le match contre Paris et je pense que ça a joué en ma défaveur parce qu'il y a un nouveau coach à la tête de la sélection. Il ne m'a pas appelé cette fois-ci mais j'espère la prochaine fois. 

 

Comment est-ce que tu es arrivée dans le football ? Comment tu as décidé de venir en France de ton côté ?

J'ai commencé à 8 ans, j'avais un voisin à côté de chez moi qui jouait au football et chaque jour il m'appelait pour jouer avec lui. A l'école, je jouais tout le temps avec les garçons, c'était une habitude. Au fil du temps, il m'a proposé de rejoindre son club qui n'avait pas d'équipe féminine. J'y suis restée jusqu'à mes 15 ans avant de partir à Belgrade jouer avec les filles. J'ai fait mes études là-bas pendant quatre ans. Ensuite, quand j'ai terminé mes études, je voulais clarifier mon futur, je souhaitais partir en Allemagne, mais il y a eu quelques complications administratives qui m'ont contrainte d'y renoncer. Mais ma tante connaissait un agent qui travaillait en France, un ancien joueur qui habite à Albi et on est parvenues à arranger ma situation pour que je puisse jouer en D1. 

 

Est-ce que tu as une autre activité à côté ? 

Oui, à coté j'entraîne les petites d'Albi, avec Aïvi Mitchaï notre capitaine. Pour l'instant c'est tout, mais l'année prochaine, je vais faire mes études par correspondance. L'année dernière, j'ai suivi quatre mois de cours de français et je vais y retourner pour améliorer ma compréhension de la langue, pour ainsi pouvoir poursuivre mes études supérieures ici en France.   

 

On sent que tu fais beaucoup d’efforts pour être bien ici, même si j’imagine que ça doit être compliqué à gérer pour toi ? 

Oui au début c'était vraiment compliqué parce que je ne parlais pas un mot de français. A l'école j'avais appris l'anglais et le russe. Quand je suis arrivée à Albi je ne savais dire que "bonjour". Mais les filles étaient gentilles, donc mon intégration s'est bien passée.  

 

Tu es très jeune mais c’est très important de se faire respecter. Comment tu fais pour y arriver de ton côté ? Tes sélections en Serbie t'aident dans ce sens ? 

Oui c'est important de se faire respecter sur le terrain. J'ai acquis ça quand j'étais jeune et surtout en ayant joué avec les garçons, ça t'endurcit physiquement déjà. Mais d'un autre côté je ne suis pas le genre à vouloir trop m'exprimer. 

Mentalement oui aussi, mais ça change selon l'équipe que tu affrontes.  

J'ai été appelée l'année dernière en équipe de Serbie pour la première fois, en juin. On était partis en Russie, pour un match amical. Ensuite l'ancien sélectionneur m'a appelée pour les qualifications à la Coupe du Monde 2019. Mais là avec le changement de sélectionneur, c'est la première fois depuis [un certain temps] que je n'ai pas été appelée.  

 

Quel est ton poste favori sur le terrain ?  

C'est numéro 10, mais on ne joue pas avec ce système-là [à Albi]. On joue avec deux numéro 8, donc j'évolue à ce poste actuellement. Quand je suis arrivée je jouais au milieu sur un côté, comme avec les garçons auparavant.  

 

J'ai remarqué qu'entre Albi et ton précédent club de Belgrade ton jeu avait un peu changé. Tu restes plus dans un jeu plein axe en retrait, alors qu'en Serbie tu aimais bien jouer sur les côtés et animer le jeu de ton équipe. Est-ce que c'est vrai ou ce n'est que mon sentiment ? 

Oui c'est vrai parce que le championnat n'est pas le même. Avec Belgrade je tentais beaucoup de choses parce que je jouais sur le côté, mais avec Albi je joue dans l'axe, et il ne faut pas prendre trop de risques, sinon on peut le payer cash. 

  

A Albi, tu aimes bien avoir un poste plutôt en retrait plein axe, mais tu aimes déborder pour aider tes coéquipières sur les côtés, et tu apprécies aussi de voir le jeu venir pour bloquer ton adversaire. Tu avais plus un rôle de numéro 6 la saison dernière notamment ou je me trompe ? 

Oui parfois j'aime bien prendre la profondeur et essayer de tenter quelque chose. C'est ça, la saison dernière j'étais en numéro 6 avec Laurianne Cervera et il y avait une 10. Et il [Adolphe Ogouyon, l'ancien entraîneur d'Albi ndlr] m'avait dit que je pouvais avoir ces deux rôles là sur le terrain, autant offensif que défensif. 

 
 

Dans quel domaine tu penses devoir progresser encore ? Quels sont tes objectifs personnels aujourd'hui ? Quand on voit l'équipe de Serbie masculine dont certains joueurs jouent à Manchester United, City ou encore Chelsea, est-ce que c'est aussi ton rêve un jour de jouer dans un grand club ? (Aujourd'hui il n'y a que Jovana Damnjanovic qui joue pour un "grand club" allemand, le Bayern). 

Je dois prendre plus de risques. Défensivement, je peux encore progresser parce que ce n'est pas facile dans le championnat français. Parfois je sors du match trop facilement, il faut que je gère mieux mes émotions en fait. Je suis trop à 100% et il faut que j'arrive à gérer cette pression pour être plus importante offensivement. 

Mes objectifs c'est de continuer à jouer ici en D1 parce que pour moi c'est le meilleur championnat du monde et je pense, comme toutes joueuses, de jouer dans un club du top 4. J'aimerais bien essayer l'Angleterre aussi parce que je suis très fan de Liverpool. Oui c'est un de mes rêves mais je suis encore jeune (sourire) j'ai encore le temps j'espère. 

 

On a l'impression que le football féminin n’est pas très développé en Serbie, alors que c’est très important pour la progression de l’équipe nationale féminine. Il y a plus de la moitié des joueuses serbes qui jouent dans le championnat local. 

Oui mais je pense que ça a beaucoup évolué parce que cette saison l'Étoile Rouge le Partizan [Belgrade] ont joué en Europa League [chez les garçons ndlr] et ça faisait cinq ou six ans qu'ils n'avaient pas joué cette compétition. Après c'est difficile de suivre le championnat de Serbie, tout comme chez les filles. 

Oui c'est important de développer le championnat local pour faire progresser l'équipe nationale. Après il y a des joueuses qui jouent au Danemark, en Suède, en Allemagne etc et Milica et moi en France. 

 
 

Justement j'ai demandé à ta coéquipière en sélection et en club, Milica Mijatovic ce qu'elle voyait de toi sur le terrain : "C'est une joueuse combative, agressive défensivement, avec une justesse technique, une bonne lecture de jeu, elle est généreuse dans ses efforts et impliquée dans le jeu de l'équipe." Qu'est-ce que tu penses de ce qu'elle a dit ? 

(Elle en rigole) D'accord. Oui c'est vrai, merci mais je n'aime pas trop parler de moi. 

 
 

Est-ce qu'il y a un joueur Serbe que tu prends en exemple ? 

J'aime bien [NemanjaMatić, il joue à Manchester United et au milieu de terrain. J'aime bien son jeu, il fait vraiment des choix justes dans son jeu et ses déplacements. Il est vraiment très très intelligent et j'aime bien le regarder, parce qu'on joue presque au même poste. 

 

D'accord. Alors j'ai vu que tu avais joué le match contre Israël pour les qualifs de la Coupe du Monde 2019, le seul remporté par ton équipe sur les quatre premiers joués. Ça va être très compliqué de se qualifier mais est-ce que vous y croyez encore ? Vous devez faire face à l'Espagne par exemple. 

Oui je suis rentrée 15/20 minutes, comme au premier match pour les qualifications. Oui c'est le seul qu'on a remporté et on sait que ça va être compliqué parce qu'on est avec l'Espagne, la Finlande, Israël et l'Autriche. Ce sont des nations qui ont un peu plus d'expérience que nous. Ce sont des petites défaites où on n'a pas eu beaucoup de chance. Je pense que les matches retours contre ces nations vont être compliqués pour nous en vue de la qualification. 

Je pense que c'est plus une question de préparation physique, parce que face à ces équipes on n'a jamais joué en bloc bas, on a essayé de jouer notre jeu mais je pense qu'il faut encore un peu plus d'expérience chez certaines filles pour que l'équipe puisse jouer ensemble au niveau international. Dans les efforts des dernières minutes on lâche un peu, parce qu'on n'est pas assez bien préparées mais on a jamais baissé les bras, même contre une équipe comme l'Espagne ou l'Autriche. 

 

Alors quels sont les objectifs futurs de l'équipe féminine de Serbie ? Est-ce que c'est compliqué de développer le football féminin dans ton pays natal ?

Je pense que la Coupe du Monde 2019 ça va être compliqué d'y être, mais que dans deux/trois ans, au prochain Euro ou la prochaine Coupe du Monde, on aura plus de chances de se qualifier, je pense. C'est l'objectif de notre équipe, parce qu'on a déjà été présentes dans les grandes compétitions jeunes. Je pense qu'on a le potentiel, on a les qualités et on a des jeunes joueuses qui arrivent donc je pense qu'on peut le faire lors des prochaines fois. 

Il faut penser à la formation des jeunes joueuses de l'équipe nationale. Ils ont commencé à recruter et à les former dès l'âge de 12/13 ans, de faire des stages et lors de leur cursus en U16/U17/U19. C'est ça aussi qui aide beaucoup l'équipe nationale A pour l'avenir afin de réaliser nos objectifs. 

Je pense pas que ça soit compliqué à se mettre en place parce que je regarde les jeunes U17 et je vois qu'elles ont les qualités pour défier n'importe quelle équipe. Il faut juste le temps pour que tout ça prenne et que les automatismes se créent. 

 

Photo : Mica GBM 

Dounia MESLI