Défaites 3-0 par le DFCO à la Aiglonnes Cup, les Lilloises emmenées par Rachel Saidi étaient en rodage avant de débuter leur retour dans l'élite du foot féminin français. Un retour attendu par les fans et le club, qui voudront se maintenir comme lors de la saison 2017/18 ! Un défi de taille.

 

Coeurs de Foot - Défaite frustrante aujourd'hui, ou c’est plutôt une défaite dans l'apprentissage selon vous ?

Non c'est une défaite dans l'apprentissage. On avait dit avant le match que ça serait un premier bon test, car pour l'instant on avait joué que des clubs de D2 et une équipe belge On a eu confirmation de la causerie, le haut niveau ce sont des détails. Quand on voit qu'on a la possession sur le premier quart d'heure et qu'on se fait punir sur la contre-attaque, sur leur première situation, que la différence entre le championnat de D1 et de D2 est déjà frappant et marquant sur ça. On ne peut pas leurs laisser une miette, parce qu'on est puni dans la foulée, mais cela fait partie de l’apprentissage. Je ne suis pas en colère ou déçue de ce que j’ai vu, au contraire, on aura des belles images pour continuer d’avancer. Maintenant c'est ce qu'on leur a dit, vouloir jouer c'est bien, mais il faut qu'on arrive à être plus dangereuses et plus efficaces dans le déséquilibre. Sur la première mi-temps on à la possession, mais elle est stérile, elle ne sert à rien. Le haut niveau c’est l'efficacité et si on veut se maintenir il faut gagner des matches, remporter des points, et aujourd’hui on a eu plusieurs alertes, mais que l’on avait déjà anticipé dans la causerie et dans le discours, et cela est bien car ça permet à l'ensemble des joueuses qui étaient avec nous en D2 l’an passé, de se remettre vite en question et de voir que le haut niveau et la D1, c'est une autre dimension et qu'il y a plein de petits détails. Je pense en l'occurrence sur le troisième but, il y a une absence sur le second ballon.

Ce sont des petites choses que l'on peut corriger, sinon on va sortir des matches déçues, car on aura encaissé sur des choses qu'on peut maitriser. Il faut mettre les joueuses face à leur responsabilité et on se rend compte qu'on est encore loin de la vérité.

 

CDF - Vous avez tout de même l'absence de Nesryne El Chad en défense, qui revient du mondial. Julie Rabanne, qui a essayé d'aller vers l'avant. Comment vous expliquez que vos joueuses aient eu du mal à se projeter vers l’avant ?

C'est vrai qu'on n'a pas l'effectif au complet, on a fait beaucoup de changements. C'est un match de préparation, comme pour Dijon, qui a fait des changements aussi. On n'a pas réussi à se projeter, à se créer plus d'occasions, car j'ai trouvé mes joueuses beaucoup dans la recherche de jeu négatif. On a eu des difficultés à s'orienter et à trouver le déséquilibre. J’ai eu l’impression que mes joueuses n’ont pas osé, c’est leur premier match face à une D1, il y a peut-être eu complexe mais faut vite sortir de là, car nous aussi nous sommes désormais une équipe de D1, promu, mais il ne faut pas être trop timide sur tout ça. On n'a pas été au niveau qu’on souhaitait, il y a des joueuses qui n’ont pas été au niveau non plus. Ce n’est pas alarmant, mais c'est bien que cela arrive maintenant, car nous permet de pouvoir corriger et de préparer les deux prochains matches avant le début de la saison.

 

Journaliste - Avec le retour en D1, comment allez-vous fait pour faire en sorte de pérenniser cette place en D1, comment avez-vous construit cette équipe avec l'expérience que vous avez ?

On s'appuie sur ce qu'on avait maitrisé en D2, mais en même temps on a fait une autocritique de nos saisons en D1 d'il y a quatre ans, de ce qui nous a coûté la descente, les manques. Et en même temps on a fait le parallèle avec le suivi qu'on réalise depuis quatre ans sur la D1, à distance. On a aussi essayé de bonifier la base de la structure, tout en y ajoutant un peu d'expérience, des joueuses qui étaient déjà en activité dans la saison passée, Roux et Laplacette notamment. On a aussi intégré des joueuses confirmées de D2, qui avaient fait une bonne saison, je pense à Marjorie Boilesen, à Taylor Beitz aussi, et en même temps on a apporté un peu de fraîcheur avec Johnson dans l'impact, qui a un profil américain, qui nous manquait aussi, car les profils de latérale gauche chez les féminines se font très rares, (sourire) avec un pied gauche, donc on a travaillé sur plusieurs aspects et on a regardé beaucoup de matches de la saison passée, on a suivi aussi l'actualité des équipes dans leurs changements. On s'appuie aussi sur les staffs qui restent en place, en terme d'idées de jeu etc on ne révolutionne pas tout, quand on est coach d'une saison à une autre, mais on a essayé de travailler sur certains points, maintenant on verra ce que ça donnera le 16 septembre mais en tout cas, on a travaillé dessus.

 

Journaliste - Vous ressentez vous un vrai soutien de la part de la direction concernant la section féminine, avec les moyens mis à disposition ?  

Pour prendre mon exemple, je devais arrêter en fin de saison dernière, et j'ai senti une direction - dans le discours - dans l'échange, avec une volonté de mettre des moyens, d'accompagner, de ne pas brûler les étapes par contre, on ne va pas jouer la qualification pour la Ligue des Champions, mais il y a une réelle volonté de continuer à structurer et cela passe par l’équipe première en terme de moyens, on a eu des moyens, on a un peu plus de joueuses sous contrat fédéral, et ça c'est top. On a pu aussi avoir des conditions de travail qui ont évolué. Les filles s'entraînent aussi à Luchin. Au-delà de ça, on a staff qui à été aussi professionnalisé, on a aussi un centre de formation qui va arriver. On sent qu’il y a une volonté d’accompagner, c'est important, quand on voit la licence qui est entrain d'arriver, et avec le niveau du foot féminin qui évolue, on est obligé de le faire.

 

CDF - Justement, vous dites que vous vouliez arrêter, pourrait-on connaître la raison ?

Je voulais partir sur une note positive. J’avais mal vécu la descente en 2019, je m'étais dit : "Peut-être qu'à un moment donné c'est la fin d’un cycle aussi, que les joueuses ont besoin d'un autre discours, d'une autre présence aussi". Je me suis posée beaucoup de questions. J’ai beaucoup échangé avec ma direction, j'étais dans la volonté de quitter le club en fin de saison [avec la montée en D1], mais au final ils ont réussi à trouver les arguments pour que je reste (sourire). C’est un nouveau challenge, c'est à moi justement d'effacer ce qu’il s’est passé en 2019, sur les trois mois, juste avant le covid, exactement. La D2 a été un cauchemar après pour nous, deux saisons où on n'a pas pu jouer vraiment.

 

"Il va falloir se montrer créatif et imprévisible

dans ce que l'on va proposer"

 

CDF - Comment sentez-vous cette saison ? Vous avez appris de cette mésaventure là de la descente, vous avez gagné en expérience aussi, mais d'un autre côté, le niveau à évolué dans cette D1, c'est plus dur ? La professionnalisation qui arrive...

Exactement. Le niveau à évolué dans tous les domaines, même dans l'analyse des adversaires. En D2 on avait réussi à avoir une plateforme pour regarder les matches, mais tous les staffs ne faisaient pas de retour sur l’adversaire. En D1 cela n’existe plus, tout le monde va nous analyser, maîtriser nos idées de jeu, voir les qualités et les défauts des joueuses. C'est là où il va falloir se montrer créatif et imprévisible dans ce que l'on va proposer, tout en gardant une structure, mais c'est là où c'est encore plus riche et c'est pour cela que j'ai aussi poursuivi l'aventure. Ça m'oblige aussi de sortir de ma zone de confort, à continuer du coup d'évoluer dans la réflexion du jeu et en fait c'est excitant.

 

CDF - Avez-vous eu des difficultés à recruter des joueuses d'expérience ?

Oui, complètement. On a eu des difficultés, car on est un club promu, on attire moins, on a eu des discussions avec des joueuses, qui ont signé dans d’autres clubs de D1 et l'argument c’est de nous dire : "Vous venez de monter en D1". Cela à été l’un des points difficile à contredire, car elles avaient raison. 

Nous au club il y avait une volonté de signer deux ans aussi les joueuses, c’était une réelle volonté dans le projet et cela à aussi freiner certaines joueuses. On a eu un mercato difficile, alors qu'on pourrait croire que lorsque qu’on monte en D1 cela est plus facile, mais ce n’est pas encore le cas, il faut arriver à faire une bonne saison pour attirer différent profil de joueuses.

 

CDF - Il y a aussi le nouveau format, trouvez-vous cela bien, la D1 - D2 - D3, avec les playoffs même si vous allez peut-être moins jouer du coup, en fin de saison ?

On va jouer autant de matches que la saison passée, sauf que les équipes de haut de tableau, vont pouvoir bénéficier de matches supplémentaires. Je trouve que c’est top car les équipes de D2 vont désormais se retrouver à disputer un championnat plus serré, plus difficile. On faisait le constat la saison passée déjà que le groupe A était très relevé. Les joueuses de D2 seront désormais confrontées aux mêmes difficultés que celles de D1, un championnat relevé, des conditions de voyages, transports dans toute la France. Du coup la passerelle vers la D1 sera peut-être aussi moins compliquée pour ces clubs-là, et comme vous le disiez, il y a de moins en moins de clubs amateurs, donc les joueuses sont dans de vraies conditions de travail, il n'y a aucune excuse, il y a une réelle volonté de les voir évoluer, donc forcément ça va élever le niveau de pratique du championnat et cela est bien pour tout le monde.

 

Journaliste - Pensez-vous que 22 matchs dans une ligue professionnelle cela est assez ?

Non, non non (elle répète trois fois). On aurait aimé voir monter la D1 à au moins quatorze équipes, j'aimerai bien. Car les matches de la Coupe de France c'est aléatoire, d'une saison à une autre, on ne sait jamais combien de matches on va jouer. Et en même temps les clubs comme nous, on avance dans le bon timing, on n'a pas encore l’objectif de jouer ce top trois, top quatre, donc on reste un peu sur notre faim. L’avantage de cette année c'est qu'ils ont réussi à mieux quantifier le calendrier, il y a moins de trou, mais on finit très tôt, il y a quatre mois, et derrière la reprise du championnat [pour la saison 2024/25]... Déjà cette saison, ça a été une saison où les filles, ont eu beaucoup de temps de vacances, ça a été difficile aussi à gérer, les programmes individuels, pour celles qui ne sont pas internationales, elles ont eu une longue période de vacances, c'est même perturbant pour elles. Moi j’aimerais bien voir ce groupe de D1 évoluer avec minimum quatorze équipes, ça serait bien. Nous on est toujours en retard dans la réflexion et le plan de développement [du foot féminin].

 

CDF - Il y a eu le mondial aussi même si on a été un peu déçu du mondial des Bleues, faire match nul contre la Jamaïque pour l'entrée en lice, et être éliminée à la suite d'un match nul face à l'Australie, ça reste frustrant ? Avez-vous eu peut-être des contacts avec des joueuses de l’équipe de France ? 

Non en toute sincérité non. Concernant le match de la Jamaïque, j’ai trouvé qu'on avait mis dans le confort la Jamaïque, qui est une équipe très athlétique comme l’Australie, à vouloir tamponner, à vouloir créer ce contact physique-là. Nous c'est pas notre culture, ce n’est pas notre jeu et je pense qu'on aurait dû être en capacité, à l'image du [match contre le] Brésil, de chercher à les mettre en difficulté, dans l'intensité relationnelle plutôt que de chercher à répondre par l’impact, ce n’est pas notre jeu, on a perdu de l'énergie à force de répondre dans l’impact. On aurait du être dans l'évitement, avec nos qualités techniques.

Il y a aussi le contexte de l'événement, quand vous jouez face à autant de personnes [dans le stade]. Pour les Françaises - dans le championnat - il n’y a pas autant de monde présent le week-end, même si certaines ont déjà joué la Ligue des Champions devant autant de monde... Je pense qu'il y a cet aspect et aussi l’envie de bien faire, de trop faire parfois, de vouloir aller chercher ce carré final qu'on s'est fixé et en même temps ça rejoint le match de la Jamaïque, où on a voulu répondre dans l’impact, alors que ce n’est pas ça notre force. C’est dommage, mais les choses que le sélectionneur a mis en place, dans le retour qu’on a des filles, il a gagné la confiance du vestiaire et ça c'est bien. Maintenant il aura un peu plus de temps pour préparer les JO, donc on aura peut-être une autre finalité. On a envie de voir cette équipe de France gagner.

 

CDF - Cela vous plairait-il de faire partie d'un staff d'une sélection ou devenir sélectionneure ? 

Oui complètement. (sourire humble) Je viens d'arriver (sourire). Mais comme les joueuses, on a des envies, des objectifs et des rêves, donc on verra bien.