Par la rédaction
Malgré une domination de bout en bout, une supériorité numérique pendant 105 minutes et un avantage au score, les Bleues se sont inclinées samedi soir face à l’Allemagne aux tirs au but (1-1, 5-6 tab), en quart de finale de l’Euro 2025, organisé en Suisse. Une fois de plus, l’équipe de France féminine échoue aux portes du dernier carré. Pour la journaliste Dounia Mesli, spécialiste du football féminin, cette incapacité à franchir un cap s’explique avant tout par des choix structurels et humains défaillants au sein du football français.
Un retard que la FFF peine à combler
« On l’avait déjà dit après l’Euro 2022, mais au lieu de remettre les choses à plat et de relancer la machine après le départ de Corinne Diacre, on a empiré la situation », déplore Dounia Mesli. Pour elle, le vrai problème ne se limite pas aux joueuses ou au terrain. Il s’agit surtout de décisions stratégiques prises en amont. Elle pointe du doigt l’absence de vision à long terme et de sélection de profils compétents : « On n’a pas fait appel à de vrais experts du football féminin ou même simplement du football local. »
Elle cite l’exemple de l’Allemagne, qui a confié les rênes de sa sélection à Christian Wück après les Jeux olympiques. Ce dernier a plus de 12 ans d’expérience dans les sélections jeunes allemandes et une connaissance intime du système fédéral. En quelques mois, il a su imprimer une dynamique claire, une discipline collective, la rigueur d’antan, qui a fait la gloire de l’Allemagne et a qualifié son équipe pour les demi-finales malgré une infériorité numérique quasi-totale contre la France. Un succès construit sur des bases solides, et surtout, sur une décision cohérente : mettre les bonnes personnes aux bonnes places. Une leçon de stratégie et de stabilité.
Une D1 Arkema fragile, loin des standards européens
Autre faiblesse pointée par Dounia Mesli : l’état du championnat français. La PL Arkema, bien que prestigieuse sur le papier, reste en réalité un championnat fragile, peu professionnalisé et peu médiatisé. « Ce n’est pas normal qu’en 2025, certaines joueuses ne soient toujours pas pleinement professionnelles. Le problème, c’est qu’on ne construit rien de solide. » Le championnat reste sous-structuré, peu compétitif et peu attractif.
À titre de comparaison, l’Angleterre, l’Espagne et même l’Italie ont investi massivement dans leurs ligues, professionnalisé les structures, et fait du football féminin une vitrine nationale. En France, les droits TV restent faibles, les clubs mal équipés, et les conditions offertes aux joueuses sont loin d’être optimales. Et même les Pays-Bas, avec des moyens plus limités, ont développé une structure fédérale solide, misé sur la formation et stabilisé leur championnat. « Ils construisent quelque chose de cohérent, étape par étape. En France, on empile sans penser à long terme », regrette la journaliste.
Des échecs qui n’éveillent rien
Éliminée en quart de finale du Mondial 2023, des Jeux Olympiques de Paris en 2024, puis à nouveau en quart de l’Euro 2025, l’équipe de France semble enfermée dans une boucle d’échecs sans réaction institutionnelle. « Les éliminations se suivent, mais elles ne provoquent aucune remise en question profonde. C’est toujours un replâtrage, jamais une reconstruction », regrette Dounia Mesli. Le plus inquiétant est cette forme de résignation institutionnelle. Comme si perdre en quart était devenu la norme, sans chercher à comprendre pourquoi ni comment dépasser ce palier.
Ce qu’il faudrait pour gagner enfin
Pour espérer remporter une grande compétition, il ne suffit plus de compter sur le talent individuel ou l’enthousiasme collectif. Selon Mesli, la France doit engager une refonte en profondeur de sa politique de développement du football féminin. Cela passe par la professionnalisation intégrale du championnat, un soutien accru aux clubs formateurs, un travail sur les infrastructures, une médiatisation renforcée — et surtout, une gouvernance compétente et lucide.
« Une refonte complète du système. Il faut structurer, professionnaliser, former, investir, mais aussi responsabiliser. Il faut aussi mettre les bonnes personnes aux bonnes places. Pas des profils parachutés, pas des figures d’affichage, mais des gens qui connaissent le terrain, les joueuses, et la réalité du football féminin. »
Cela passe notamment par :
- La professionnalisation réelle de la PL Arkema
- Des investissements durables dans les clubs et la formation
- Une stratégie de développement à long terme
- Une médiatisation accrue du football féminin
- Et surtout, la nomination de profils qualifiés aux postes clés : sélectionneur, cadres techniques, DTN, cellule de performance.
Un rendez-vous manqué de plus
Le scénario de samedi soir est une répétition amère. Les Bleues avaient tout : l’ouverture du score, l’avantage numérique, la possession. Mais elles n’ont jamais su tuer le match. L’Allemagne, bien qu’en infériorité dès la 14e minute, a tenu, égalisé, puis triomphé aux tirs au but. Et ce sont encore les Françaises qui sortent la tête basse.
Ce nouveau revers illustre, une fois encore, les lacunes d’un projet qui manque de vision. Pendant que l’Allemagne s’appuie sur ses fondamentaux pour avancer, la France continue de chercher un déclic qu’elle ne provoque jamais.
In fine l’Allemagne trace sa route avec un projet clair, pendant que les Pays-Bas montent en puissance avec une stratégie fédérale cohérente, la France, elle, piétine. Non pas faute de talents, mais faute de vision.
Conclusion
Pour Dounia Mesli, il ne s’agit plus de malchance ni de détails. Cette situation ne laisse que peu de place à l’optimisme tant que les fondations ne seront pas revues. C’est un modèle tout entier qui montre ses limites.
Tant que la FFF ne s’engagera pas dans une refonte ambitieuse — en mettant les bonnes personnes aux bonnes places, en structurant sérieusement le championnat, en investissant dans les clubs, en valorisant la formation, en construisant autour d'une stratégie de long terme et que la professionnalisation ne sera pas prise au sérieux — l’équipe de France féminine continuera à tourner autour de son potentiel, et restera une belle promesse inaboutie… sans jamais le transformer en titre. Une puissance sans couronne.
Photo : UEFA