Le maintien miraculeux en D2 aux dépens de Soyaux, une équipe à reconstruire et le rêve de la montée, le coach nantais, Nicolas Chabot s'est confié à coeur ouvert lors de la Aiglonnes Cup, tout juste après le match de préparation remporté 11-0 face à Troyes.
Journaliste - Quelle analyse tirez-vous de cette rencontre coach ? Vous qui étiez censé descendre en D3, quand vous avez choisi la programmation de vos matches ?
On voulait une équipe de troisième division car on était censé jouer en D3 cette saison. Après ça tombait nickel aujourd'hui parce qu'on avait quelques absences notamment sur le milieu de terrain, on avait deux filles qui étaient malades, deux filles qu'on a aménagé normalement sont des milieux qui peuvent être titulaires. Puis ça tombait très bien, on voulait changer de système, travailler sur autre chose donc, donc l'adversité nous a permis de le faire et changer aussi de système, donc on a trouvé d'autres intérêts même si on pensait pas que l'opposition ce serait si déséquilibrée [face à Troyes].
Journaliste - On a vu que l’équipe a toujours essayé de construire, de poser le jeu, l'objectif n'était pas de marqué pour marquer mais vraiment de construire le jeu ?
On attendait des choses à travers le contenu. C'est la première fois qu'on était dans un système de 4-3-3, l’idée c'était de rester dans la construction, dans un jeu où il va avoir des relations collectives, où il va y avoir pas mal de fluidité, c'est ce qu'on recherche, peu importe le système utilisé, ce sont un peu les animations qu'on cherche à trouver [entre les joueuses].
Coeurs de Foot - Il y a eu à un certain moment un manque d'application de certaines de vos joueuses. Est-ce que c'est quelque chose où il va falloir travailler ?
Oui, c’est ce que je leur ai dit, a un certain moment on s’est endormi, après la vingtième minute effectivement, on a baissé le pied, on a baissé l'intensité, c'est ce que je leur ai dit à la mi-temps : "À partir du moment où tu baisses l'intensité dans la gestuelle dans le rythme que tu vas mettre, tu vas baisser ton intensité sur le plan cognitif et en fait quand tu baisses sur ton intensité sur cet aspect, tu n'es plus concentré à 100% dans ta gestuelle et le contrôle que tu vas faire qui va être bien tu vas le louper à ce moment-là, il va partir à 3 mètres, et la passe que tu vas mettre dans le bon tempo dans le bon espace, là tu vas la mettre à côté". On s'est endormi pendant un quart d'heure, vingt minutes et c'est pour ça que j'ai redynamisé [l'équipe] aussi sur la mi-temps, que les changements ont apporté aussi autres choses, mais oui c'est toujours le risque quand on joue une équipe équipe où c'est déséquilibré, c'est de s'endormir sur le rythme et donc d'avoir du déchet.
CDF - Il y a eu aussi un manque de réalisme face au but de la part ?
Non mais le plus important ça reste de ce créé les occasions. Aujourd'hui si tu en mets 11 et tu en crées 20, bon ça va. Si demain on s'en crée trois et on en met une, le rapport il est bon. Même si demain tu t'en crées 10 et que tu en mets une et que tu gagnes 1-0, on dira que c'est bien joué.
Mais non évidemment on aimerait tous se dire qu'on se créé cinq occasions et on met cinq buts. L’important c’est de se créer des occasions. Une fois par semaine, on travaille sur les postes, on travaille la finition, devant le but, les centres et frappes, les combinaisons entrée de surface...
Journaliste - Par rapport à l'effectif, pas mal de filles sont arrivées, des U19 intègrent l'effectif, arrivez-vous à créer de l'harmonie dans ce groupe ?
C'était une volonté qu'on puisse avoir des passerelles entre les U19 et la R1, notamment pour qu'à terme on puisse en fait, faire en sorte qu'il y a l'équipe première, l'équipe réserve l'équipe U19, donc on a fait monter U19 et R1 compris, une dizaine de joueuses en séance, notamment sur la pré-saison. Ensuite on leur fait un planning individualisé, ça veut dire que d'une semaine à l'autre je leur envoie des messages, et des fois vont faire les cinq séances sur six avec nous, parfois 2 sur 3, parce qu'en fait on estime que des fois elles ont besoin aussi de se redévelopper dans leur groupe, en ayant confiance en faisant partie des meilleures, en ayant envie d'entreprendre parce que c'est pas tout le temps facile pour elles d'arriver dans un groupe, et finalement des fois d'être on va dire la plus faible ou la plus jeune parmi les meilleures, donc des fois tu as besoin de retourner parmi les plus jeunes et te rendre compte que tu n'as pas perdu ton football, que tu sais faire des choses et en fait on essaie de flotter là-dessus dans le développement. Il y a des filles qui ont réussi à s'installer [dans le groupe D2].
La petite centrale [Juliette Mossard] qui rentre gauchère en deuxième mi-temps c'est une U19, elle à 17 ans, donc ça reste intéressant. Il y avait Mathilde [La Posta] qui joue à l'intérieur qui était avec la réserve l'année dernière, qui est en train de grappiller sa place dans le groupe d'entraînement. Là elle a bénéficié aujourd'hui du fait qu'il y avait 4 absentes au milieu pour prendre son temps de jeu, c'est important. On est autant dans l'aspect de fonctionner avec un groupe qui est prêt à l'instant T pour performer, que aussi être dans une dynamique de formation parce que ça fait partie notre ADN, ça fait partie aussi de dire que si aujourd'hui on ouvre la porte aux jeunes joueuses, on estime que peut-être dans un ou deux ans, ce seront elles qui nous feront performer. Une fille comme Romane Renier, qui rentre latérale droit à la fin du match, c'est une fille qui était en U19 l'année dernière etc etc Les passerelles s'organisent bien.
Après on a juste des temps où je referme un peu le groupe dans la semaine, des temps ou je le réouvre, parce qu'on a besoin aussi nous le groupe D2 des fois de refermer un peu pour créer des relations, pour créer du lien. Donc la difficulté c'est de flotter vraiment dans cette organisation. Il y a des séances où on est 32/33, mais on fait trois groupes de dix, une équipe dans un jeu etc on trouve des combinaisons.
CDF - Vous avez dans votre effectif Lalia Storti qui est votre joueuse la plus expérimentée j'imagine ?
Oui il y a Lalia, Silya Koui, Emilie Burns qui était l'année dernière en D1 avec Dijon, on a Christabel Oduro qui a joué un peu en D1 Turque. On a quelques filles de D2 aussi, Maureen Cosson, Eva Fremaux...
CDF - Au final il y a peu de joueuses, qui ont une grosse expérience. Pensez-vous que le manque de joueuses d'expériences, pas que dans votre équipe, mais aussi chez d'autres équipes de D2 cette saison, va jouer pour la montée ?
Je ne sais pas, parfois il y a des équipes avec beaucoup de joueuses expérimentées, mais le club ne monte pas. Il y a beaucoup de critères qui rentrent en compte. Expérimentée ou pas, pour moi souvent on lit l'expérience à l'âge, et en fait parfois il y a des joueuses qui ont 18/19 ans et qui sont prêtes, aujourd'hui moi j'ai 28 ans et je vais être sur un banc de D2, je pense que vais être le plus jeune en France. (sourire)
Souvent on associe la maturité à l'âge, moi je veux juste des filles performantes, le plus important sera la dynamique qu’on réussira a créé dans le groupe. On a quand même essayé d'équilibrer les profils.
CDF - Vous avez eu beaucoup de départs lors de ce mercato, vous avez aussi appris que finalement vous n'étiez pas relégué, comment avez-vous réagi à cela ?
(sourire) Je ne te cache pas qu'on a tout fait pour les garder. Beaucoup de joueuses voulaient rester, notre contexte c’était la D3, et à partir du moment où tu a des offres de D1, tu ne peux pas t'aligner, c’est normal que les joueuses partent là-bas. On a cinq/six filles qui sont parties en D1. Certaines sont parties pour des gros projets de D2. À partir du moment où ses offres-là sortent, on ne peut pas s’aligner.
Les joueuses qui ont signé chez nous sont venues pour le projet D3, on n’a signé personnes depuis, je pense que ce recrutement était solide pour la D3, il convenait et c'était intéressant. Maintenant pour la D2 va falloir optimiser les profils, on va prendre chaque potentiel et essayer de l'optimiser. C'est ce que j'ai dit aux filles, on ne se fixe ni l'objectif de monter ou de maintien, on cherche à gagner le plusse match possible et on fera les calculs dans 10 moins et on verra bien.
CDF - Comment avez-vous appris justement votre maintien en D2 finalement ?
(sourire) J’étais en vacances avec ma copine en Sicile, et on était au resto, l'info est sorti en fait sur les réseaux sociaux, et là je commence à avoir mon téléphone qui sonnait et en fait tous les agents m'appelaient pour me proposer tel et tel profil. Le problème c'est que nous on avait déjà tout bouclé, car je savais qu'on allait avoir beaucoup de départs, donc très vite je voulais avoir mon groupe pour bosser dès la reprise. Je ne voulais pas qu'on attende fin août, avoir seulement cinq ou six joueuses qui reviennent, qui auraient finalement fait la moitié de la prépa. Si on voulait créer un groupe, si on voulait créer une entente collective, si on voulait créer un projet collectif, créer du lien, pour moi il fallait qu'on ai très vite le groupe, très tôt.
Après il y a plusieurs stratégies pour le mercato, soit je laissais ouverte certaines portes pour le maintien en disant : "Il y a certains profils qui peuvent rentrer, et puis finalement si tu restes en D3 c'est profil-là tu les as pas, mais les bons profils que tu cibles pour la D3, tu ne les as pas non plus, car ils ont signé ailleurs" donc c'est toujours un risque. Moi j'ai choisi d'avancer avec ces profils-là, pour la D3 et la pour la D2 on fera le maximum et on verra où on sera.
Journaliste - Les joueuses espagnoles, comment avez-vous pu juger leur potentiel ?
On a deux joueuses qu'on a mis avec la réserve pour deux raisons différentes. On en a une qui n'est pas encore prête sur le plan physique, elle a eu une grosse blessure de avril à juin donc c'est celle qui a le plus gros CV, qui a joué en Liga avec Alavès, qui a fait les sélections avec l'Espagne U17/19, qui joue derrière, on attend vraiment de lui refaire une santé sur le plan athlétique pour qu'elle puisse réintégrer le groupe. Ensuite on a une fille qui jouait au milieu en 3e division espagnole, donc c'est pareil elles avaient été recrutées dans ses profils-là. Elle va rentrer dans la concurrence au milieu tranquillement et puis il y a Maria [Cortes] qui était là aujourd'hui - qui était à Malaga, formée au Betis Seville en deuxième division - au milieu de terrain, qui a un bon pied, même si aujourd'hui elle ne fait pas son meilleur match, mais elle est intéressante quand même.
Ce sont des profils qu’on avait besoin aussi, car je voulais qu'on crée un melting-pot de cultures, on à trois Espagnoles, on a une Américaine, deux Canadiennes, une Togolaise, une Camerounaise qui devrait arriver, une Portugaise, et avec les Françaises, cela crée une culture de travail différente aussi.
CDF - Cela va créer un dynamisme ?
Ecoutez j'espère. Pour l'instant c'est le cas. De nouvelles méthodes de travail, les communications se font dans toutes les langues, ce que j'aime bien c'est que chacun fait un pas vers l’autre, il y a un beau mélange de culture, c'est ce qui fait qu'on se trouve bien sur le terrain, on sent qu'il y quelque chose qui se passe.
CDF - Même les joueuses, j'imagine étaient contentes finalement de rester en D2 ?
L'année dernière c'était pareil, Soyaux ça faisait plusieurs années qu'ils sont sur la select et même si on ne leur souhaitait pas ça, je m'en réjouis pas du tout. Nous on avait aucune idée [de ce qu'il allait se passer]. Avec les dirigeants tant qu'on n'était pas officiellement maintenu, on partait du principe qu'on jouerait en D3.
CDF - Est-ce que la diffusion de la D2, c'est un autre combat aussi à mener selon vous ?
Nous on essaye de faire de plus en plus de choses au niveau de la communication, il y a des gens qui bossent dessus, qui bossent bien et qui donnent de leur temps. Je suis hyper content sur ça, que l'engouement a pris sur la Coupe du Monde. Maintenant il faut que la Fédération nous aide aussi, je sens en tout cas qu'ils sont sur cette dynamique-là, à vouloir investir sur le football féminin, car on a un petit train de retard par rapport à l'Espagne et l'Angleterre notamment.
Pour la diffusion de la D2, nous n'avons pas forcément une bonne connexion internet pour permettre la diffusion des matches. Je sais qu’en Espagne ils utilisent DAZN pour la diffusion des matches, je sais que cela fonctionne bien, j'espère qu’en France il partiront sur cela, l’OM diffuse leur match sur Twitch, mais en terme de budget cela doit couter chère. Ça va être un beau championnat, on fera le maximum [pour la montée].