A l'occasion de la journée du Judo pour Elles, nous sommes allés à la rencontre de plusieurs judokates de haut niveau, ayant évolué en sélections françaises. Pour ce premier entretien, nous avons échangé avec Martine Dupond, qui fut l'entraineur de l'équipe féminine de Judo entre 2009 et 2016.

 

Coeurs de Foot - Pourriez-vous nous évoquer votre parcours ? Vous avez débuté le judo au moment même où il a commencé à prendre de l'ampleur ?

Martine Dupond - Je suis arrivée à la Ligue Ile-de-France en septembre. J'ai eu de nombreuses missions auparavant (sourire).

J'ai commencé le judo à l'âge de 6/7ans, ensuite j'ai été athlète de haut niveau dans les années 80/90. Oui le judo féminin a commencé à gagner en visibilité lors du premier championnat du monde, où Jocelyne Triadou a été championne du monde, c'était en 1981 à New York. La première fois où les féminines ont été aux Jeux Olympiques c'était à Séoul en 1988, où il y avait d'ailleurs Cathy Arnaud qui a obtenu une médaille. Officiellement en 1992 à Barcelone, où il y a eu deux titres pour les féminines.

J'ai été professeure de sport au ministère des sports, aujourd'hui éducation nationale. J'ai été prof à l'INSEP pendant de nombreuses années où j'ai formé les entraineurs dans différentes disciplines BE1/BE2 à l'époque. J'ai été entraîneure nationale (de 2009 à 2016), responsable du haut niveau pour les Jeux de 2012/2016. Depuis 2012, j'ai fait la campagne des Jeux de Londres avec les féminines et ceux de 2016 à Rio avec les féminines et les masculins. Ensuite j'ai été DTN en charge de la formation à la Fédération.

Aujourd'hui, j'ai plus des orientations sur le développement, nous travaillons sur l'inclusion, l'insertion, c'est dans l'air du temps, j'accompagne des clubs sur les projets qui sont financés par le Ministère du travail, pour mettre en place des situations, qui permettent aux jeunes qui sont sans emploi ou sans formation, de pouvoir retrouver un chemin on va dire vertueux, un chemin vers l'emploi grâce à une implication des clubs sportifs. 

 

CDF - On a le sentiment que toute votre carrière est basée sur l'humain ?

M. D. - Oui c'est sur, quand on est professeur on côtoie de l'humain.

 

CDF - Il y a 26% de filles/femmes licenciées, qui font du judo aujourd'hui, ce sont des chiffres satisfaisants selon vous ?

M. D. - Ce qu'il faut savoir, dans certains départements ou régions, c'est que nous sommes plus vers les 30% et puis ça dépend de l'âge. Par exemple chez les plus jeunes, les enfants, on a des catégories d'âge où on est quasiment à 50/50. 

 

CDF - Depuis quelques semaines maintenant l'équipe de France féminine de football a exprimé son mécontentement sur plusieurs points, dont le management, est-ce que vous en tant que DTN et ancienne entraineure, vous trouvez que c'est vertueux dans ce cas précis ?

M. D. - Je ne connais pas vraiment le sujet, mais bien sûr je suis au courant, c'est un peu problématique.

Ce qu'il faut bien mesurer c'est qu'on a ces athlètes tous les jours quasiment, en tout cas nous au judo, pendant de nombreuses années et c'est vrai que c'est parfois difficile, car le haut niveau il y a beaucoup de contraintes et bien sûr nous les entraineurs ou les responsables d'équipes, nous sommes les personnes qui imposons ou mettons en place les contraintes et la ligne directrice, donc c'est sur que c'est vécu difficilement par certains athlètes. Je crois que le nombre d'années, que ça soit visiblement de grandes championnes qui visiblement s'expriment aujourd'hui, c'est sur que si ça fait de nombreuses années que ça ne fonctionnent pas, il y a des espoirs ou des espérances d'un fonctionnement différent, et qui parfois ne se fait pas. Mais très honnêtement je ne suis pas suffisamment armée pour dire quoi que ce soit sur ce qui se passe en équipe de France féminine de foot. 

 

CDF - Au judo vous avez réussi à remporter des titres, et c'est la frustration qui a pris le dessus chez les joueuses de foot ?

M. D. - Oui après très honnêtement je pense que "la chance" entre guillemets pour le judo féminin c'est que depuis de nombreuses années, les élus ou les personnes qui étaient en place à ce moment-là, ont très vite compris qu'il fallait mettre les féminines au même niveau que les masculins, c'est à dire même type d'entrainements, mêmes primes etc etc quasiment même budget qui est investi pour la réussite, et quand ça se passe comme ça, en général ça fonctionne.

 

Photo : © Corine Taine / FFJudo

Dounia MESLI