Deuxième partie de notre entretien avec Marion Torrent, joueuse de Montpellier (MHSC). Ici, on parle du foot féminin, de son évolution, passée présente et future. Des questions compliquées parce que sans réponse simple, mais qui nous permettent de comprendre les changements rapides qui touchent le football féminin et qui permettent aux meilleures joueuses de vivre (un peu mieux) de leur sport.

 

CDF : Vous avez fait des vidéos en 2012, diffusées sur Youtube en réalisant des gestes techniques réputés difficiles. Vous aviez dit à l'époque vouloir montrer que les filles savent jouer au foot et méritent d'être médiatisées. Est-ce que vous avez l'impression que le regard a changé depuis 2012 ou même vos débuts, sur les filles qui jouent au foot ?

Marion Torrent : Je ne pense pas que ce soit mes vidéos qui ont fait évoluer et plus médiatiser le football féminin. Ce qui est certain, c'est que depuis que j'ai commencé le football, les mentalités des gens ont changé et beaucoup suivent désormais le football féminin.

Quand je vois le nombre de spectateurs qui viennent voir l'équipe de France féminine dans les stades, je me dis : « c'est énorme ». Je n’aurais pas pu imaginer ça dix ans en arrière. Avant au bord des terrains, il y avait papa, maman, deux ou trois amis peut-être et c’est tout.

Maintenant, ça a pris une plus grande ampleur grâce notamment aux retransmissions de matches à la télé, grâce également à de grands clubs comme Lyon qui ont réussi à faire de belles choses en Champions League, à l'équipe de France qui a produit des matchs de grande qualité. Et si jamais la France ramenait un titre des JO, cela boosterait encore plus le foot féminin…

CDF : Dans une interview, vous aviez parlé du foot féminin en disant qu'il n'était pas encore gangrené par les logique du « foot-business » qu'on peut retrouver chez les garçons. Est-ce que pour vous, avancer vers l'égalité que ce soit dans le traitement médiatique, dans le fait que les joueuses de foot puissent gagner leur vie avec leur sport, cela veut dire que le foot féminin devienne comme le foot masculin avec certaines de ses dérives, ou justement peut-être une autre voie ?

M.T : Chez les filles, des clubs pros , il n’y en avait pas beaucoup. Un peu plus maintenant. Les filles pour la plupart sont des amatrices. Cela veut dire qu’elles s’entraînent 2 à 3 fois par semaine avec des études ou un travail en plus.

Si elles pouvaient avoir un salaire décent pour jouer au football, elles pourraient s’entraîner tous les jours et progresser encore plus. Ce qui amènerait une meilleure qualité de matches, des scores plus serrés et un attrait encore plus important pour le spectateur. Ainsi, les télévisions et les sponsors s’y intéresseraient encore plus et un peu plus d’argent serait injecté dans le foot féminin.

Mais on est encore loin des garçons , de leurs dérives et de leurs histoires de « millions d’euros ». Nous, les filles, nous savons d’où nous venons, donc je ne pense pas, que si un jour nous vivons toutes du foot, que les choses en arrivent au même stade que les garçons.

CDF : A Montpellier, les joueuses, vous arrivez à vivre du football ?

Il y a 4 ou 5 ans, on avait des petits contrats mais qui ne permettaient pas d’en vivre. Certaines suivaient des cours, d’autres travaillaient. Les horaires d’entraînements étaient plutôt le soir. Cela dépendait des planning de toutes les joueuses. On essayait d’équilibrer au mieux pour s’entraîner toutes ensembles.

Désormais, depuis que le nouveau coach, Jean-Louis Saez, est arrivé, il a voulu n’avoir que des joueuses sous contrat pour pouvoir s’entraîner dans les meilleures conditions et tous les jours.

Donc, nous sommes passées toutes « pros ». Après cela n’empêche pas de suivre des formations à côté. C’est mon cas. Le club a un partenariat avec le CREPS [Centres de ressources, d’expertise et de performances sportives] et je suis une formation avec horaires aménagés sur deux ans.

CDF : Et vous sentez déjà la différence entre l'ancien système et maintenant ?

M.T : Oui…. Nous avons par jour 1h30/2h consacrées au football, mais nous pouvons rester un peu plus si nous voulons travailler un point précis. Ensuite cela nous laisse pas mal de temps pour les soins ou d’autres formations ou loisirs.

Auparavant, on s’entraînait en soirée après la journée d’études ou de travail, donc nous étions plus fatiguées et nous n’avions pas trop envie de rester un peu plus. Désormais, l’entraînement principal est le matin ce qui nous laisse quand même du temps pour le restant de la journée.

 

Pour lire la première partie de l'interview, c'est ici, la suite (troisième partie) c'est par là !

Hichem Djemai