Marie Schepers : "J’avais peur pour l’avenir de mon club de cœur"

Marie Schepers a quitté l'équipe du FCF Hénin-Beaumont (ci-dessus avec le brassard de capitaine) pour évoluer à partir du 1er janvier à la Gantoise (Belgique). Actuellement mise à pied par le club nordiste, elle se confie à Coeurs de foot pour faire le point sur sa situation. La milieu de terrain de 25 ans veut retrouver le plaisir sur le terrain et que la situation de son club de cœur s'arrange, non sans quelques changements internes. Extraits choisis.

Pour commencer Marie, quelle est ta situation actuelle ?
"Je suis désormais une joueuse de la Gantoise, et mise à pied au FCF Hénin-Beaumont en temps qu’éducatrice, je continuais à travailler pour le club, à entrainer les jeunes mais je ne jouais plus. Comme je n’en pouvais plus de toute cette situation avec les dirigeants qui se répercutait sur le terrain, j’ai pris mes affaires et je suis partie. J’ai pris la décision d’arrêter de jouer lors du déplacement à Vendenheim, en rentrant de Corée où l’on fait match nul. Avant le match, j’ai appris par les parents de mes joueuses qu’un des membres de la direction avait l’intention de me virer de mon travail tout ça parce que j’avais oublié des paires de chaussettes dans le sac à maillot de mes jeunes alors que j’étais à peine rentré de Corée depuis 2 jours et qu’il n’y avait plus de chaussettes au club. Ça a été la goutte d’eau de trop surtout que j’ai toujours tout donné pour mes jeunes, c’était sans arrêt me chercher des problèmes, j’étais à bout et du coup je ne prenais plus de plaisir à jouer. Il fallait que je dissocie mon travail du terrain pour jouer libérée, sereinement et peut être aussi éviter les blessures."

Quel est le point de départ de vos différents ?
"Au départ il y avait un président qui était très bien (Stéphane Pérrot), il était là pour faire avancer le club, et surtout là pour ses joueuses. Il a bénéficié d’une mutation professionnelle en juin et depuis ce sont les membres de son bureau qui ont repris les rênes. Les différents ont commencé avant la reprise car une grande majorité de l’équipe et moi-même n’étions pas d’accord avec leur décision qui se répercutait sur le groupe et sur notre avenir dans l’élite. En tant que capitaine j’ai pris mes responsabilités auprès des dirigeants du club en remontant ce qu’on pensait car avec les six descentes, ce n'était pas cette année qu’il fallait tout enlever, c’est cette année qu’il fallait mettre le paquet pour survivre. Je me suis toujours battu pour ce club depuis 10ans et je ne voulais pas que tout s’écroule lors de cette année charnière. Le stage de préparation en début de saison a été enlevé, ils n’ont pas renouvelé les deux contrats d’avenir que l’ancien président avait validé, on s’est d'ailleurs retrouvé sans attaquantes avec aucun moyen de recrutement (les quatre étant parties cet été : Branquart, Julian, Lewandowski, Banner). Après on apprend qu’ils veulent virer le coach pendant le mercato à 15 jours de la reprise et qu’ils n’avaient pas renouvelé non plus le préparateur physique qui nous apportait énormément. Apparemment il n’y avait plus d’argent pour tout ça : OK pas de problème mais dans ce cas là il fallait nous prévenir en fin de saison, être transparent dès les début et ne pas faire tout ça à deux semaines de la reprise. Il fallait nous permettre de prendre notre décision dans le choix de  notre club et éviter de subir tous ces changements spontanés. Voilà on s’est demandé où on allait quand on a apprit tout ça avant même la reprise du championnat, j’avais peur pour l’avenir de mon club de cœur, de l’équipe, pour moi c’était le début de la fin. J’ai pris mes responsabilités mais depuis c’est la guerre…"

Que penses-tu de la situation actuelle de l’équipe ?
"Honnêtement on n'a pas de bol depuis le début de saison. On n'a jamais l’équipe entière sur cette première partie, pas toujours notre gardienne, les U17 qui n’avait pas le droit de jouer au début, beaucoup de blessées, des suspendues et des sélectionnées dans les équipes de France. Tu joues de ce fait avec une équipe qui change sans arrêt en fonction des absentes avec des jeunes lancées dans le grand bain. On a vraiment eu beaucoup de poisse. Le club n’a pas pu ou pas voulu mettre les moyens pour combler les départs donc dès qu’il y avait une blessée, il y avait une grosse répercussion sur l’équipe. Je leur souhaite de se maintenir. Elles se maintiendront si l’équipe revient au complet. Ça dépendra aussi des résultats des équipes au dessus d’elle mais moi je crois en elles."

"Reprendre du plaisir sur le terrain
et de gagner ma place à Gent"

Hénin a vécu quelques belles années dans l’élite, qu’est-ce qu’il manquait pour se maintenir et garder ce leadership régional ?
"Un manque de maturité, mais on a toujours eu un effectif assez jeune donc à la rigueur ce n’est pas surprenant chez nous. Pour la deuxième saison quand on descend, on n’est pas une seule fois dans la zone rouge. Il faut un match nul tombé du ciel pour Saint-Étienne contre Montpellier lors de la dernière journée (1-1). Inutile de revenir là-dessus... Autant sur la première année on avait très mal démarré, on fait sept défaites consécutives après un match nul contre Yzeure sur la première journée. Par la suite on ne s’était pris que des valises pendant six matchs. De là on gagne 6-1 contre Guingamp «sorti de je ne sais où» et on se relève en faisant une superbe deuxième partie de championnat. On descend avec 44 points dont six victoires et quatre nuls, le record pour un relégué… Après, ces dernières années, les autres clubs grandissent, ont plus de moyens et viennent donc chercher nos meilleures joueuses et souvent des jeunes prometteuses que le club a lancé mais qui n’a pas les moyens de retenir."

Tu te vois rester salariée du club dans les conditions actuelles ?
"J’aimerais y rester même si je dois encore prendre sur moi, au moins jusqu'à la fin de saison pour continuer avec mes jeunes (contrat jusqu’en août 2016, ndlr). Elles ont pleuré et fait grève de l’entraînement quand elles ont su que je serais peut être licenciée. Ça me fait mal au coeur, et c’est très difficile pour moi qui les ai depuis cinq ans de ne plus pouvoir les suivre."

Comment s’est fait ce rapprochement avec la Gantoise ?
"On a fait un match de préparation contre leur équipe B cet été et j’avais déjà trouvé que c’était une belle équipe. Ils perdent également une joueuse au milieu de terrain (sur blessure), et moi je voulais garder mon travail tout en continuant à jouer à un bon niveau. De ce fait je devais rester dans la région mais impossible de jouer en D2 (le règlement l’en empêche, ndlr), j’ai pris contact avec eux et on a déjeuné ensemble. Après c’était parti !"

Les objectifs du club ?
"L’objectif principal est de jouer les Playoffs1. En Belgique il s’agit d’une SuperLeague fermée avec des PO à la fin pour les quatre premiers. Ils font un mini-championnat à quatre dont les deux premiers sont qualifiés pour la ligue des champions et le premier est champion.
L’objectif est donc d’être quatrième et sur le long terme dans les deux meilleurs. Par rapport à la France ça n’a rien à voir, il y a beaucoup plus d’intensité et de rythme, c’est très athlétique et très puissant : tu ne t’arrêtes jamais !
Le plus dur pour moi reste la barrière de la langue, personne ne parle français à part un peu une joueuse. Le coach aussi mais il donne ses consignes en néerlandais donc de temps en temps je suis un peu perdu. Il faut le temps que je m’adapte mais c’est un groupe sympa et qui m’a très bien accueilli."

"Si Hénin descend
ça risque de mourir"

Niveau structures ?
"Déjà chacun est à sa place là-bas, par rapport à ce que j’ai pu vivre ces derniers temps c’est déjà quelque chose qui diffère. Il y a beaucoup de monde qui travaille autour et il y a un vrai suivi. J’ai dû passer à l’hôpital pour passer une batterie d’examens, en fonction de ça la cardiologue me fait un programme spécial selon les résultats. Avant même de signer j’avais également déjà tout un paquetage d’affaires du club sans rien me demander alors qu’à Hénin on avait toujours rien eu. Tout est fait pour le bien des joueuses. Niveau structures physiques il y a un terrain d’entraînement synthétique dernière génération avec tout ce qu’il faut, simple mais il n’y a pas besoin de plus et puis un très bon stade pour les matchs, très accueillant. En tout cas c’est très pro et il y a un vrai suivi dans chaque domaine ( physique, technique, mentale, soins)."

Quelle(s) grosse(s) différence(s) avec la France ?
"Il y a cinq bonnes équipes, le reste c’est moyen. Pour moi c’est plus fort que la D2 d'après ce que je sais, mais après c’est milieu de tableau/maintien D1. Des équipes comme Anderlecht ou le Standard c’est clairement milieu de tableau."

Est-ce que tu sens que tu as une expérience supplémentaire avec l’équipe de France ?
"C’est toujours quelque chose d’important, un vécu plus intéressant mais rien de spécial. En plus là-bas il n’y a que des Internationales, une dizaine sont Internationales belges jeunes et A."

Tu vois encore un avenir pour toi en équipe de France ?
"Je ne sais pas, déjà ce qui m’importe pour le moment c’est de reprendre du plaisir sur le terrain et de gagner ma place à Gent. Forcément je serai moins visible mais ce n’est pas l’objectif. J’avoue honnêtement je ne sais pas si j’y retournerai ..."

Crédit Photo: LLDLM.

Propos recueillis par Adrien Bray