Dans une équipe de foot, les avant-centres sont souvent les premières à récolter les lauriers ou les critiques. Comme les gardiennes à l'autre du bout du terrain, on attend des attaquantes de pointe qu'elles se montrent décisives à chaque match. Marie-Laure Delie connaît ce rôle qu'elle accepte et assume. Après deux saisons compliquées, les cartes semblent rebattues aussi bien en club qu'avec les Bleues, une occasion en or pour s'illustrer, devant le but bien sûr...

 

Coeurs de Foot – Sur ce début de saison, aussi bien en club qu'en équipe de France, vous n'avez pas joué tous les matches mais à chaque fois que vous étiez sur le terrain, les buts et les résultats ont suivi. Comment vous voyez votre début de saison ?

Marie-Laure Delie – J'ai été gênée par une blessure, du coup je n'ai pas pu participer à tous les matches. A chaque fois que je suis revenue, j'ai essayé d'être vraiment performante et de donner le meilleur de moi-même pour l'équipe, et en sélection et au PSG. Donc, voilà, j'essaye de marquer à chaque match, ce que j'ai, à peu près fait depuis le début de saison. Pour l'instant, on va dire que c'est positif. Après, avec le PSG et en équipe de France, on repart avec un nouveau staff donc tout est un peu nouveau et ça fait du bien aussi.

 

« Un nouveau souffle »

CDF – Et justement cette nouvelle donne, en club, en sélection, qu'est-ce que ça change ?

MLD – Au PSG, on a un nouveau staff, un nouvel entraîneur qui croît vraiment en moi. On s'entend toutes bien en plus. On a un groupe qui est soudé entre les jeunes et les moins jeunes, les plus expérimentées. On a un bon mélange, et ça se ressent sur le terrain. On arrive à des bons résultats. En équipe de France aussi, on a un nouveau souffle, on a des jeunes qui sont intégrées, j'espère qu'on va enfin arriver à gagner quelque chose.

CDF – Vous parlez des jeunes qui arrivent. Qu'est ce que cette nouvelle génération apporte avec elle ?

MLD – Elles arrivent déjà avec beaucoup de talent et après c'est un peu la fougue de la jeunesse qui manque parfois dans le groupe. Elles se posent pas de questions, elles jouent pour leur maillot, et voilà il n'y a pas de calcul. Vraiment, c'est très plaisant de jouer avec des jeunes comme ça.

CDF – On parle beaucoup de l'évolution rapide du football féminin. Est-ce que vous voyez une différence entre votre vécu à vos débuts en sélection et celle de la génération qui commence à arriver en Bleue ?

MLD – Moi déjà, quand je suis arrivée en équipe de France, j'étais la petite jeune, il n'y avait pas beaucoup de jeunes intégrées. On est arrivées un petit peu en même temps avec Eugénie. C'était un groupe avec des forts caractères et des joueuses avec beaucoup de talent et qui ont prouvé, qui ont eu une super belle carrière. Du coup, on se retrouvait un peu petites. Beaucoup d'envie, et on essayait d'apporter notre pâte.

Maintenant, on est dans une autre situation, on est un petit peu plus ces joueuses d'expérience, et au final maintenant c'est à nous d'intégrer les petites jeunes. Mais elles ont prouvé qu'elles ont et les qualités et le talent pour apporter beaucoup à l'équipe de France et au PSG aussi d'ailleurs. Elles ont gagné des titres avec les jeunes, ça prouve qu'il y a une grosse qualité.

 

« On a envie de concrétiser ça par un beau titre »

CDF – Vous faites partie d'une génération qui a joué un rôle important dans la progression du foot féminin en France. Maintenant on a vu le départ de Louisa Nécib, d'autres joueuses pourraient arrêter prochainement. Est-ce qu'on commence à compter le temps en se disant qu'il n'en reste plus beaucoup pour justement gagner quelque chose ensemble ?

MLD – Forcément, plus on prend de l'âge, plus on compte les années. Après, je pense qu'on a des belles perspectives en vue et nous, on a envie de gagner avec cette génération qui est là. On a vraiment envie de gagner quelque chose. Ce serait vraiment dommage, on a un peu fait décoller le foot féminin, on a envie de concrétiser ça par un beau titre. On a pas envie de terminer notre carrière en équipe nationale sur un manque de titres.

 

CDF – Et vous personnellement, vous vous voyez continuer encore longtemps ?

MLD– Oui. J'aimerais bien aller au moins jusqu'à la Coupe du Monde [2019] en France. Ce serait bien. Il y a beaucoup de choses, c'est proche et en même temps c'est encore loin. On va prendre étape par étape et avancer tranquillement, sereinement et après on verra.

 

CDF – Pour revenir un peu sur ces grandes compétitions qui échappent pour l'instant à l'équipe de France. Vous avez vécu les deux tournois olympiques, 2012 et 2016, quelle différence vous voyez entre les deux tournois et surtout votre vécu personnel, face à la déception et le fait de ne pas pouvoir décrocher une médaille ?

MLD – On avait une autre génération encore il y a quatre ans. Et vraiment on était à deux doigts de faire quelque chose d'énorme. On avait aussi perdu la Coupe du Monde [2011] juste avant. On perd, on termine quatrièmes mais au final c'est une autre compétition, parce qu'à la Coupe du Monde personne ne nous voyait dans le dernier carré. On était complètement outsiders. Et après il y a eu les JO derrière, où on était limite favorites donc voilà, pour nous c'était vraiment un gros coup de massue de terminer quatrièmes, au pied du podium sans médaille, sans rien. Donc voilà je pense que c'était une des plus grosses déceptions de ma carrière.

Après là, quatre ans plus tard contre le Canada, on a pas fait vraiment un beau jeu. On a pas produit grand chose. Je pense que l'élimination n'était pas imméritée alors que quatre ans avant avec toutes les occasions, c'était un match de folie donc voilà c'était deux déceptions différentes.

 

« Quand on marque pas, c'est toujours compliqué, mais on assume »

 

CDF – En vue de l'Euro, on a l'impression que pour vous, cela va être important d'arriver à vivre une saison pleine, en club et avec l'équipe de France, ce qui n'était pas forcément le cas ces deux dernières années, pour des raisons différentes. Est-ce que c'est aussi votre sentiment ?

MLD – C'est sur que ça aide et dans sa tête et sur le terrain et physiquement et avec les personnes avec qui on travaille. Forcément ça aide si j'arrive à faire une belle saison. Là pour l'instant en club, franchement tout va bien, hormis la blessure que j'ai eu mais avec le nouveau staff, avec les joueuses pour moi c'est un bonheur d'être au PSG à l'heure actuelle. Ça va m'aider à être bien le jour J, surtout à l'Euro. On va essayer de continuer comme ça, c'est sur que c'était deux saisons très difficiles et j'espère ne plus jamais revivre ce genre de saisons.

 

CDF – Et même, on pouvait avoir parfois l'impression que ça se passait mieux pour vous en équipe de France, et un cadre plus favorable pour vous qu'en club...

MLD – Oui, avec mon ancien coach, ça se passait pas forcément très bien. C'était un peu compliqué alors qu'en général en équipe de France, j'étais un peu mieux. Ne pas être titulaire en club, voire être hors du groupe en club, voilà, c'était compliqué pour moi. Là, sur les deux tableaux et en équipe de France et au PSG tout va bien, j'espère que ça va continuer comme ça.

 

CDF – A l'heure actuelle vous êtes la meilleure buteuse tricolore en activité. Est-ce que c'est un statut particulier ? Par exemple, j'imagine que le record de Marinette Pichon, on doit vous en parler. Est-ce que ça vous intéresse ?

MLD – Ça, on me le fait ressentir, Marinette Pichon, son record, on m'en a parlé pratiquement depuis que je suis arrivée en équipe de France. Dès que j'ai commencé à marquer un but par match, ça a été ça. Après moi, c'est vraiment pas une pression que je me mets. Moi, je suis attaquante, mon objectif premier, c'est de marquer des buts donc forcément ça trotte dans ma tête, c'est toujours ça qui revient. Après si l'équipe gagne, si on avait gagné, je sais pas, une compétition et que j'avais pas marqué de buts du tout je rejouerais directement. Donc voilà, je me focalise pas que sur ça, mais c'est mon rôle en tant qu'avant centre de marquer des buts.

 

CDF – Ces derniers temps, vous avez été moins souvent associée en attaque avec Eugénie Le Sommer en attaque, avec régulièrement une organisation à une seule pointe. Et pourtant, on a l'impression que les attentes et les critiques sont plus fortes autour de vous. Comment vous vivez ça ?

MLD – Après c'est normal, c'est notre rôle. C'est sur qu'après, même une défenseure peut marquer, Wendie, Laura, elles marquent régulièrement sur les corners, les choses comme ça. Donc après c'est sur que c'est notre rôle, donc moi personnellement je l'accepte. Après je sais que mon objectif personnel c'est d'apporter le maximum à l'équipe de France et ça passe par des buts forcément.

Donc quand on marque pas, c'est toujours compliqué, mais après on assume. Et nous, on a juste envie d'un jour faire une compétition et de tout arracher. Si on marque chacune six buts dans la compétition, on sait que ce sera plié. Nous, on va continuer à travailler, on va surtout rien lâcher parce que je pense qu'on a les qualités pour amener cette équipe de France à décrocher un titre.

 

« Elles sont très sereines sur le terrain »

 

CDF – Pour finir sur ce match face à l'Espagne. Vous avez deux internationales espagnoles avec vous au PSG. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur vos deux coéquipières ?

MLD – Techniquement, c'est propre, elles sont très pros. Ce sont souvent les dernières dans le vestiaire. Elles restent [à la fin de l'entraînement] et techniquement, c'est au-dessus. L'Espagne c'est un peu la marque de fabrique [la technique]. Après, elles ont beaucoup d'expérience, elles sont très sereines sur le terrain, donc ça nous aide aussi. Beaucoup de choses, des joueuses complètes, ça fait du bien d'avoir ce genre de joueuses dans notre effectif. Et là samedi, ce sera un autre contexte, parce qu'on sera contre elles donc voilà, on a hâte de jouer ce match-là. C'est des beaux matches et de retrouver des coéquipières de club face-à-face, c'est toujours bien, c'est toujours motivant.

Hichem Djemai