De nature discrète, Margaux Le Mouel s'est prêtée à l’exercice des questions-réponses avec beaucoup d'aisance et de maturité. La Bretonne qui ne manque pas d'humilité, sait depuis toute petite qu'elle sera footballeuse et malgré une grave blessure, la Guingampaise a puisé dans son mental pour gagner sa place en D1 et pour aller décrocher le titre à l'Euro U19 avec l'équipe de France de Gilles Eyquem. Entretien.

 

Coeurs de Foot - Tu as toujours évolué en Bretagne. Peut-on dire que tu es une vraie bretonne? 

Margaux Le Mouel - Oui effectivement. Même si je suis née dans le Morbihan, mais j'ai toujours vécu en Côtes d'Armor.

 

CDF - Tu débutes à l'école de football du Loudéac OSC, à l'âge de 6 ans. En parallèle du Pôle espoirs de Rennes, tu rejoins en 2016 le centre de formation de l’En Avant Guingamp. Comment as-tu géré ton début de carrière ?

M. L. M. - Oui c'est ça, j'ai joué à Loudéac de 6 à 15 ans en club, et juste avant le Pôle Espoir j'étais au collège Jules Simon pendant deux ans. C’était une section 4e/3e. Ensuite j’ai intégré le  Pôle Espoirs en parallèle du Lycée, et le week-end je jouais avec Guingamp. Donc depuis que j'ai 16 ans je joue avec Guingamp. Je ne connais pas trop le centre de formation, car j'étais au Pôle mis en place par la Fédération. Moi aussi je préférais prendre le cursus du Pôle, et je trouvais ça plus structuré aussi.

Mon début de carrière s'est très bien passé, grâce à un coach qui a su me faire confiance assez vite, et qui m'a mis dans le bain au fur et à mesure, donc franchement ça s'est très bien passé.

 

"J’ai cherché à aller au plus haut

niveau depuis toute petite"

 

CDF - Était-ce tracé dans ta tête d’être footballeuse professionnelle ? Avais-tu des modèles quand tu as débuté ou quand tu étais enfant ?

M. L. M. - Oui bah moi quand j'ai commencé à jouer au foot, je jouais au foot car j'ai toujours adoré le foot, et ça a toujours été que ce sport. J’ai cherché à aller au plus haut niveau depuis toute petite, donc ce n'est pas une surprise pour moi d'être arrivée à ce niveau-là [en D1], même si je ne suis pas encore à 100% à mon niveau.

Oui j'aime bien Amandine Henry, et aussi Grace Geyoro aujourd'hui.

 

CDF - Tu préfères jouer plus milieu offensive ?

M. L. M. - Oui je suis plus offensive, mais il faut que je travaille l'aspect défensif de mon jeu, surtout dans mes duels et mon agressivité et puis offensivement aussi mes passes clés [l'avant dernière passe]. Maintenant je dois être plus décisive devant le but.

 

CDF - Vous êtes l’un des plus jeunes effectifs de D1, si ce n’est le plus jeune. Comment vit le groupe aujourd’hui depuis le début de cet exercice ? Une leader ou plusieurs se sont-elles dégagées sur la saison, pour atteindre l’objectif du maintien ? 

M. L. M. - Oui je crois, moi je suis une 2001. 

Ce groupe vit très bien. Après c'est sûr que le fait d'avoir perdu des points bêtement, notamment contre Issy et Soyaux, match où nous ratons deux penalties, c'est compliqué [mentalement]. On s'est mises un peu en difficulté, mais maintenant le groupe vit très bien. Il est jeune, mais il y a aussi des joueuses comme Sarah Cambot, Louise Fleury et Héloise Mansuy, qui connaissent la D1 et qui nous font comprendre aussi qu’en D1 il faut être régulière.

Oui on a des cadres, ce sont les plus âgées, mais c'est vrai qu’on m'a demandé d'élever mon niveau pour passer cadre aussi au fur et à mesure.

 

CDF - L’année a été compliquée, difficile et âpre pour le maintien justement avec toujours plus de concurrence en D1 ?

M. L. M. - Oui c'était compliqué car on avait fait une superbe saison dernière, ponctuée par une cinquième place. Connaître une année comme ça, pour moi comme pour la plupart des joueuses de l'effectif, on n'a jamais connu ça. Donc le fait d'avoir des joueuses comme Sarah Cambot, qui ont déjà connu cette situation, ça nous a fait aussi mûrir et grandir, ce sont des situations qui sont compliquées c'est sûr.

Après ça a été un soulagement, surtout quand on a joué contre Dijon au Roudourou, un match que nous gagnons 4-0. Cette saison a été une année compliquée, mais après comme on dit, ça fait grandir. Et puis il faut tout connaître dans une carrière, pour progresser.

 

"Jouer contre des gros clubs, aide au niveau

de l’exigence du haut niveau."

 

CDF - On a le sentiment que vous devez être mature à un âge où on doit encore apprendre et faire des erreurs ? Comment gérez-vous cet aspect et comment compenser ce déficit d’expérience par rapport aux ténors de la D1 Arkema, que sont Lyon et Paris ?

M. L. M. - Oui c'est ça, c'est exactement ça (sourire). Mais on grandit encore plus vite que les autres et c'est vrai qu'on nous demande des choses que d'autres n'ont pas à faire dans certains clubs. Ça nous fait grandir plus vite, on grandit deux fois plus comme on dit, et puis c'est comme ça, [on n'a pas le choix].

Mais on voit la différence avec l'expérience. C'est ma troisième année en D1 et au fur et à mesure à Guingamp j'ai gagné en temps de jeu, et même en titularisations. Je suis contente aussi, car à mon âge j'ai déjà plus d'expérience que d’autres à âge équivalent. Ensuite c'est vrai que le fait de jouer contre des gros clubs, aide au niveau de l’exigence du haut niveau. La moindre erreur se voit.

 

CDF - Même si tu n'es pas capitaine, on a le sentiment que tu as un côté leader sur le terrain ? Lors des matches, on a l'impression que tu es une joueuse qui aime avoir le ballon, jouer rapidement en avant, réaliser l’avant-dernière passe ou la passe pour le but, avec une vision du jeu et l’envie d’apporter vraiment offensivement, même par tes déplacements. Est-ce une bonne description de ton jeu ?

M. L. M. - Au milieu c'est à nous de placer notre attaquante, à lui dire s'il faut qu'elle monte ou pas. C’est à nous de décider et c'est vrai qu'au milieu j'aime bien m’exprimer pour savoir, quelle joueuse doit prendre quelle adversaire, pour être organisée, donc c'est important aussi de parler et de communiquer sur le terrain, et ça j'aime bien.

Après moi, j'aime bien le box-to-box (milieu de terrain complet, hybride, qui peut récupérer les ballons, comme faire remonter le bloc, ndlr) et surtout quand je récupère le ballon, mon premier objectif c'est de jouer vers l’avant. Ma vision de jeu c'est aussi un de mes points forts. Après c'est vrai que dans l’enchaînement [des actions] je dois m'améliorer un peu plus. Mais milieu de terrain, c'est vraiment mon profil en tant que joueuse. Je suis très généreuse également dans mes courses pour mes coéquipières, pour les aider.

 

"C'est là que je me suis vraiment

fait plaisir"

 

CDF - Tu fais tes débuts professionnels avec l'équipe première le 4 mai 2019, remplaçant Ekaterina Tyryshkina lors du match nul 1-1 contre le Paris Saint-Germain. Que gardes-tu de cette première fois ?

M. L. M. - Ça a été très spécial parce que cette année-là je revenais de ma blessure des ligaments croisés. J’attendais ce moment depuis longtemps et le coach avait été en contact avec Sonia Haziraj, ma coach du Pôle qui m’avait annoncé qu'un jour j'allais venir dans le groupe D1. L’équipe n’était pas encore maintenue donc il préférait me laisser jouer en U19 pour que je gagne en temps de jeu. Et un jour il m'a dit : "Je te prends contre le PSG" et je me suis dit : "Le PSG, je serais sûrement sur le banc, peut-être que je vais jouer un peu." En fait il y a Kate Tyryshkina qui se blesse, et c'est là qu'il me fait rentrer, et juste au moment où je rentre le coach me dit: "C'est ton moment, t'attends ça depuis longtemps, donc fais toi plaisir". C'est là que je me suis vraiment fait plaisir, je ne me suis pas prise la tête, et tout s'est enchaîné par la suite, j'ai signé mon premier contrat professionnel, et j'ai été à l'Euro [U19]. Ça a été vraiment le début de ma carrière professionnelle.

 

CDF - Vous avez joué votre dernier match au Roudourou, c’est une « récompense » de votre saison qui peut vous mettre dans un bon mood pour la fin de saison, voir pour la saison à venir ?

M. L. M. - Oui, on devait déjà jouer contre Saint-Etienne au Roudourou, sauf que ça n'a pas pu se faire.

Mais ils nous ont promis qu'on allait faire un match chez nous, et c'est vrai qu’on est toujours contentes de jouer dans ce stade, car c'est vraiment une antre dotée d’une pelouse parfaite.. Donc nous, on s'est dit qu’on ne pouvait pas perdre ce match, surtout contre Dijon, pour le maintien qui plus est à domicile, au Roudourou. En plus avec le public qui était là aussi c'était vraiment parfait.

 

"Ça a vraiment lancé mon

début de carrière"

 

CDF - Ton titre à l’Euro U19 t’ouvre vraiment les portes de la D1 et un an après aux U23, avec la Coupe du Monde U20 ratée à cause du Covid. Que peux-tu nous dire de cette période de 3 ans ? L'épopée que vous avez vécu avec les U19, t'a fait beaucoup de bien pour la D1 ?

M. L. M. - Comme on n'a pas eu l'occasion de faire les U20, je suis passée directement avec les U23. Ça se passe très bien avec cette catégorie d’âge. Maintenant il faut que [je fasse ma place], il y a beaucoup de concurrence en équipe de France et il faut en passer par ça aussi. Et pourquoi pas après aller en A.

Oui c'est ça parce que c'est vrai que ça m'a fait un nom un peu [l'Euro U19] car être Championne d'Europe U19, tout le monde ne l'est pas. Je revenais quand même d'une grosse blessure. Quand à 17 ans on se fait les ligaments croisés, plus personne ne s'intéresse à toi à vrai dire. C’était très compliqué quand j'ai eu cette blessure et le fait d'avoir eu tout ça après, que ça s'est très bien passé, l'Euro U19 et le match contre le PSG avant, ça a vraiment lancé mon début de carrière. On avait une équipe et une ambiance au top, tout le monde s'entendait, c'est ça qui nous a fait gagner l'Euro. 

Mais nous sommes tristes de ne pas disputer la Coupe du Monde U20, surtout après avoir gagné l'Euro. On s'est dit qu'on aurait pu faire quelque chose aussi au mondial, les filles comme Selma [Bacha], Maelle [Lakrar] etc elles avaient déjà vécu une Coupe du Monde, mais quand elles ont parlé, c'est sur que nous aussi on avait envie d'en disputer une à notre tour.

 

Interview réalisée mercredi 18 mai

Photo : EA Guingamp

Dounia MESLI