Vous ne la connaissez sûrement que depuis cette saison. Arrivée en provenance de Suède, Linda Sällström s'est rapidement intégrée au sein de l'équipe du Paris FC, pour devenir un élément offensif prépondérant du club francilien. A Bondoufle, on a profité de son temps pour évoquer son intégration au club, son jeu, ses moments compliqués qu'elle a dû gérer dans sa carrière, sa reconversion après le terrain et le foot féminin en Finlande.
Coeurs de Foot - Quelles sont tes impressions sur votre dernier match de championnat contre Metz (2-2) ?
Linda Sällström - Nous n'avons pas joué au niveau auquel nous aurions dû jouer et nous avons commis de nombreuses erreurs techniques. Nous avons eu l'occasion de marquer plus de buts que ceux que nous avons inscrits. C'est donc très frustrant de ne pas avoir obtenu les trois points souhaités. Personnellement, je ne suis pas contente de ma performance non plus. Je dois être meilleure.
CDF - Mais tu as inscrit un but...
L. S. - Oui, mais c'était la seule chose que j'ai faite correctement aujourd'hui (dimanche 18 novembre ndlr). Une seule chose est positive, parce que je dois faire mieux que ça.
CDF - Comment tu te sens aujourd'hui dans cette ville, à Paris ?
L. S. - J'aime la ville et les coéquipières ont été vraiment très gentilles avec moi. J'aime la vie à Paris. Je suis tellement contente d'être venue ici (sourire).
CDF - C'est une bonne équipe pour toi le Paris FC ? Tu as l'impression d'être à ton meilleur niveau aujourd'hui ?
L. S. - Je pense aussi que le moment était venu pour moi d'être ici. Si j'étais venue il y a dix ans, je n'aurais pas été assez mûre pour être apte dans ce championnat. Donc aujourd'hui c'est le moment idéal pour moi d'être ici [en France].
CDF - Tu te sens bien au Paris FC ?
L. S. - Je suis très heureuse d'être ici. Tout le monde a été si gentil avec moi. Je veux bien jouer pour pouvoir redonner quelque chose à l’équipe. Je veux marquer pour rendre ce que l'équipe me donne, parce qu'elle a été très accueillante avec moi.
CDF - On a l'impression que tu t'es bien intégrée au sein du groupe, au vu de tes prestations ? Les filles et le staff sont sympas avec toi ?
L. S. - Je les aime, ils ont été très gentils avec moi. Ils sont fous mais je les aime. (sourire) Ils sont très amusants. (rires)
CDF - Comment tu juges le jeu ici au Paris FC, par rapport à ce que tu as connu précédemment ?
L. S. - Eh bien ici, le jeu est plus technique et nous aimons jouer avec des passes courtes et garder le ballon en notre possession. C'est plus technique. En Suède, c'est plus direct, un jeu avec de long ballons et il faut courir, courir, courir.
CDF - Il y a plus de jeu ici dans le championnat de France selon toi ?
L. S. - C'est physique, les tacles sont plus difficiles ici. En Suède, c'est peut-être un peu plus axé sur la course vers le but.
CDF - C'est important pour toi d'être décisive pour ton équipe ?
L. S. - Même si vous marquez un but, cela reste un effort d'équipe et l'équipe passe toujours en premier.
CDF - Le Paris FC a recruté quelques joueuses étrangères cette saison dont toi. Comment se passe votre intégration ?
L. S. - Oui je suis arrivée, en même temps que deux autres étrangères au sein du club (Aigbogun et Abam). Je suis heureuse de ne pas être la seule étrangère (sourire) car tout est en français et je me dis "Quoi, qu'est-ce que tu as dit ?" (rires)
Au final, nous sommes toutes déconcertées par rapport à la langue. J'essaie vraiment [de parler français]. Je progresse mais pas aussi vite que je le voudrais. Je suis très impatiente, je veux déjà parler couramment le français et communiquer avec tout le monde en français. Par contre, je peux commander de la nourriture en français, c'est un début. (sourire, rires)
CDF - Tu parlais l'Anglais en Suède ou alors tu avais appris le suédois ?
L. S. - En fait, le suédois est ma langue maternelle. En Finlande, 6% de la population parle le suédois comme première langue. Je parle suédois avec mes parents. Je parle aussi bien le finnois que le suédois. Pour moi, c'était facile d'aller en Suède, car je parlais déjà la langue. Maintenant je suis venue ici et je suis un peu perdue, je me demande toujours : "Qu'est-ce que tout le monde dit?" (sourire) Mais je suis en train d'apprendre.
CDF - Tu as un jeu très percutant et réaliste. Est-ce que c'est typique des joueuses des pays scandinaves ?
L. S. - Sofia Jakobsson et Stina Blackstenius ressemblent au même type d'attaquantes que moi, mais tout le monde en Suède ou en Finlande ne jouent pas comme cela. Nous venons à peine d'arriver en France. Tout le monde n'est pas comme ça.
CDF - Tu es une joueuse très athlétique et endurante également. Comment tu l'expliques ?
L. S. - Je faisais de l'athlétisme quand j'étais plus jeune, je faisais du saut à la perche comme Renaud Lavillenie. (sourire) Je l'ai fait. J'ai été championne de Finlande des moins de 15 ans. (rires)
CDF - Dans quels domaines tu penses devoir t'améliorer selon toi ?
L. S. - Mes capacités techniques, ma première touche et mes passes. Je suis bonne quand j'attaque, mais quand je suis tournée dans la mauvaise direction. Je dois améliorer mon jeu là-dessus et je pense que je vais l'améliorer beaucoup ici en France, donc je pense que c'est un bon environnement pour moi.
CDF - On le voit aussi avec certaines de tes coéquipières comme Tinja-Riikka Korpela.
L. S. - Korpela est comme une gardienne de but, elle est donc un type de joueuse un peu différent. Elle ne court pas pour le ballon comme ça. Nous avons des joueurs de bonne qualité dans l'équipe nationale.
CDF - Est-ce que tu penses avoir perdu du temps dans certains clubs ou à certains moments de ta carrière ?
L. S. - Non, je me sens très satisfaite des choix de clubs que j'ai fait jusqu'à présent. Il y a une raison à chaque fois que j'ai dû changer d'équipe. Je suis contente de ma carrière.
Bien sûr, j'ai eu trois blessures au genou très graves. Elles ont presque mis un terme à ma carrière, donc je ne sais pas où je serais maintenant sans ça. À cause des blessures au genou, j'ai dû commencer à penser à la vie après le football, alors j'ai commencé à étudier. Je suis maintenant très reconnaissante d'avoir autre chose que le football. Je sais ce que je vais faire après ma carrière de footballeuse, car on ne sait jamais quand cela va se terminer. J'étudie la médecine, je vais donc être médecin dans quelques années. C'est très difficile et le combiner avec le football, c'est presque impossible. Cela me prend beaucoup longtemps pour arriver au bout [de ces études]. J'aurai peut-être 40 ans quand j'aurai mon diplôme, mais au moins j'ai un plan. C'est la chose la plus importante. Maintenant, je prends une pause de mon école en Suède, parce que j'étudie en Suède. À un moment donné, je devrai rentrer et finir mon école, mais nous verrons après quand ce sera.
CDF - Il y a de la concurrence en plus donc tu dois gérer cela aussi ?
L. S. - Oui, mais j'essaie de ne pas me comparer avec quelqu'un d'autre ou d'avoir trop d'attentes. Je vais juste sur le terrain et je fais de mon mieux en espérant que cela suffira. Dernièrement, j'ai marqué beaucoup de buts (7 buts depuis le début de saison), donc je suis contente de cela.
CDF - Comment tu vois ta nouvelle aventure avec le club ?
L. S. - Avant de venir ici, les gens me demandaient : "Alors, quels sont tes objectifs pour la saison?" Non, je ne peux pas me fixer des objectifs comme ça, car tout peut arriver et on ne sait jamais ce à quoi s'attendre finalement. Des choses que vous ne pouvez pas prévoir peuvent arriver. Je suis juste venue [au Paris FC] avec un esprit ouvert. Je vais simplement faire de mon mieux et ils verront où cela me mène et ce qui se passe. Ma seule espérance était que je ne sois pas une "énorme déception". Ils se demanderaient après la fin de saison, "oh mince, pourquoi l'avons-nous signé?" C'est mon but [leur prouver que j'ai ma place] !
Je commence à me sentir de plus en plus à l'aise aussi avec l'équipe. Le jeu est plus fluide et je commence à comprendre comment mes coéquipières jouent, comment elles jouent dans différentes situations, différents systèmes de jeu. Nous avons un nouvel entraîneur (Sandrine Soubeyrand ndlr), et je commence à assimiler ce qu’elle attend et comment elle veut que je joue. Ça va aller mieux.
CDF - C'est un club qui se professionnalise de plus en plus. C'est quelque chose que tu apprécies ?
L. S. - Je pense que c’est une bonne chose qu’ils veuillent faire preuve de professionnalisme et passer à l’étape suivante. Je pense que les progrès sont une bonne chose [pour le football féminin].
CDF - Comment on explique qu'il soit aussi difficile de développer le foot féminin en Finlande ? J'ai peut être mon avis, mais quelle est la raison selon toi ?
L. S. - Ouais, dis-moi, je ne sais pas! J'y ai beaucoup pensé aussi. Qu'est-ce que tout le monde fait "mieux" que nous ? Parce que nous étions bien en place et d'autres équipes étaient au coude à coude avec nous, avant de nous dépasser et je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas pourquoi tout le monde va mieux et nous n'avons pas pris le coche également. Si vous le savez, dites-le moi! (sourire)
CDF - Est-ce que c'est peut être à cause du climat, qui ne facilite pas la pratique du football comme en France par exemple (et que le fait que le football soit plus ancré dan les pays scandinaves par le passé) ?
L. S. - Il a toujours fait froid en Finlande, alors ce n'est pas ça. En Finlande et en Suède, la saison commence en avril et se termine en octobre. Nous jouons donc en été lorsqu'il ne fait pas si froid. Je ne pense pas que nous pouvons blâmer la météo. Il a toujours fait froid et avant notre équipe nationale était bonne, même s'il faisait froid et il fait encore froid et maintenant nous ne gagnons plus aucun match [international].
Les sports d'hiver sont importants, je pense que le hockey sur glace est très populaire en Finlande, et en été, c'est plutôt le football.
CDF - Tu rêves que la Finlande renoue avec son histoire, de rejouer un Euro ou une Coupe du monde ?
L. S. - Je veux jouer un autre Euro. J'ai raté l'Euro 2013 parce que je me suis fracturée le genou, donc je veux vraiment jouer un autre Euro. J'ai joué en Finlande en 2009 lorsque nous avons organisé les Championnats d'Europe, mais j'étais très jeune à l'époque et peut-être que si maintenant, en tant que joueuse plus âgée, je disputais un championnat d'Europe, je pourrais en profiter davantage. Je pourrais l'apprécier d'une autre manière.
Quand tu es jeune, tu penses toujours au futur et à la prochaine étape, et tu ne vis pas vraiment le moment présent. Vous avancez toujours, avancez, avancez. Maintenant, comme je suis vieille (sourire), je pense que je pourrais être plus présente dans le moment, l'apprécier vraiment et profiter du moment d'une autre manière.
CDF - Est-ce que les médias finlandais accordent de l'importance au foot féminin ?
L. S. - En Finlande, les médias ont commencé à couvrir de plus en plus le sport féminin et ça progresse. Je suis triste parce que quand notre équipe nationale était vraiment bonne et que nous avions gagné des matches, personnes ne le savaient. Maintenant que nous sommes "mauvaises", ils s'intéressent plus à nous. J'aurais aimé qu'il soit là quand nous avions gagné des matches.
Actuellement, ils couvrent les matches de l’équipe nationale à la télévision à chaque fois et ils montrent la Coupe du monde des moins de 17 ans. Ils diffusent tous les matches finlandais à la télévision en Finlande. C'est un très bon pas en avant, pour rendre le sport féminin plus populaire parce que les femmes font du sport aussi, pas seulement les hommes.
Crédit : Julien Guichard/Paris FC