Passée par le PSG ou encore Juvisy/Paris FC, et les sélections jeunes, Léa Declercq a emmagasiné énormément d'expériences tout au long de sa jeune carrière, qui ont été un véritable atout pour la première saison du DFCO dans l'élite du football français. Après déjà trois saisons au club, la milieu de terrain formée à Hénin-Beaumont, se livre sur ses débuts de footballeuse, son parcours, son jeu et son détachement avec la visibilité. 

 

Coeurs de Foot - Tu as débuté ta carrière professionnelle il y a 12 ans - à l’âge de 14ans - avec Hénin Beaumont alors en D1, tu connais la descente puis la remontée du club dans l’élite. On a le sentiment que c’était un club formateur et qui forge le mental surtout ? 

Léa Declercq - Oui c'est vrai que le club d'Hénin Beaumont a formé beaucoup de joueuses, il y a encore beaucoup de joueuses en activité qui sont passées par Hénin. Après on connaît la mentalité du nord et forcément c'est un club qui forge le caractère dès le plus jeune âge. C'est jamais évident à vivre une descente... Et c'est plus dur de remonter que de descendre [de la D1].

 

"Quand c'est ta passion, tu fonces, tu ne réfléchis pas trop"

 

CDF - Quand tu débutes le football n'est pas aussi professionnel si on peut dire. Est-ce qu’on avait le moral tous les jours à aller s’entraîner, dans le froid, la pluie souvent ?

L. D. - Pour moi c'était différent parce que la semaine j'étais en Pôle à Liévin, donc je ne faisais que les matches avec Hénin-Beaumont et l'entraînement du vendredi.

Quand c'est ta passion, tu fonces, tu ne réfléchis pas trop, surtout à cet âge-là. Nous le principal c'était de jouer, et avec certaines joueuses on a eu la chance de débuter très vite avec la D1, donc c'était une très bonne chose déjà. Après forcément tu prends du plaisir quand tu joues dans un club en première division, surtout qu'Hénin-Beaumont était un bon club quand j'y étais.

 

CDF - Comment tu analyses tes premières années de carrière ? Avec ces années peut-être un peu difficile mentalement j’imagine ?

L. D. - J'ai eu la chance d'intégrer le Pôle espoir, ça m'a donné un peu de visibilité aussi pour faire l'équipe de France jeune. Mais il fallait aussi que je trouve un club assez proche justement du Pôle, donc c'était soit Arras ou Hénin dans la région, mon choix s'est porté sur Hénin, parce que justement c'était le club phare du secteur, étant donné qu'Arras était en Division 2, et voilà ça s'est fait naturellement.

C'est toujours dur forcément [mentalement], parce que tu quittes ta famille assez tôt, je ne l'ai voyais pas souvent. La semaine j'étais en Pôle et les week-ends tu n'as pas forcément le temps de les voir, car tu joues samedi ou dimanche, donc oui ce n'est pas facile, mais on sait qu'à côté ce sont des sacrifices pour réussir au plus haut niveau.

 

CDF - Pendant ces 3 saisons avec Hénin, tu joues également 3 finales en sélections jeunes, et tu en remportes 2, la Coupe du Monde U17 et l’Euro U19. Qu’est-ce que tu gardes de ces moments avec le temps ? Comment on fait avec la concurrence justement à cet âge-là ? Est-ce qu'il y en avait moins avant qu'aujourd'hui ?

L. D. - Oui (sourire), ce sont de beaux souvenirs forcément. On avait aussi une excellente génération, donc ça aide aussi à remporter des titres. La Coupe du Monde c'est spéciale, même si c'est en jeune, ça reste gravée à jamais, le Championnat d'Europe qui a suivi c'est pareil, c'est un titre et c'était une fierté, ce sont des souvenirs qu'on oubliera jamais.

Il y en avait déjà, mais la concurrence elle reste saine et on sait que c'est un sport collectif donc forcément qu'il y a de la concurrence, si on n'est pas habituée à cela et si on n'en veut pas, on fait un sport individuel.

 

"C'est là où tu apprends le plus."

 

CDF - Tu as saisi l’opportunité de signer avec le PSG juste après cela, est-ce que ça marqué pour toi un nouveau départ ou le challenge que tu attendais ? Tu te disais que le métier de footballeuse c’était enfin « d’actualité », possible à ce moment là ?

L. D. - Justement c'est après la Coupe du Monde que Farid Benstiti (ex-coach du PSG, ndlr) me contacte et me dit qu'il est intéressé [par mon profil], donc forcément le PSG ça ne se refuse pas, et je savais déjà fin décembre que j'allais signer au PSG l'année d'après. Forcément on arrive dans un club avec des grandes joueuses, j'ai 18 ans, je me dis que c'est un apprentissage qui va continuer avec des joueuses expérimentées et c'est là où tu apprends le plus.

Oui évidemment parce qu'on intègre une structure professionnelle, et j'ai eu mon premier salaire au PSG aussi, parce qu'à Hénin-Beaumont on n'avait que des primes, donc forcément on se dit qu'on est dans un autre monde et qu'on peut en vivre.

 

CDF - Tu joues ensuite à Juvisy et jusqu’à la fusion avec le Paris FC la saison d’après, comment s'est passé ce passage d'un club francilien à un autre club francilien ?

L. D. - Juvisy c'était un très bon club également, moi je savais qu'à la fin de la 3e année avec le PSG j'allais partir, donc je voulais retrouver un challenge intéressant. J'ai eu l'opportunité de signer à Juvisy, j'ai saisi l'occasion parce que c'est un bon club et ça l'était déjà à cette époque-là justement.

 

CDF - Entre le PSG qui a le budget et Juvisy qui avait l'histoire, ça se valait au final ?

L. D. - Oui c'est ça, et puis au Paris Saint-Germain il y avait déjà des grandes joueuses, je me suis dit qu'en signant à Juvisy (devenu le Paris FC la saison d'après, ndlr), j'allais avoir peut-être un peu plus de temps de jeu, puis ça restait en région parisienne et j'avais le souhait d'y rester à ce moment-là.

 

"Ca m'a permis de bien jouer au foot et de retrouver les sensations que

j'avais un peu perdues sur mes précédentes saisons justement."

 

CDF - Tu relèves un nouveau défi avec Dijon en 2018, lors de leur montée en D1 et on a le sentiment que tu prends de nouvelles responsabilités à ce moment-là, sans pour autant prendre la lumière qui va avec. Comment ça se fait ? Car on a l'impression que la visibilité fait partie intégrante d'une carrière de joueuse, pour avoir peut-être de meilleurs contrats etc ?

L. D. - A Dijon, j'arrive avec un nouveau statut, le club montait de Division 2, moi j'avais déjà l'expérience de la première division, donc forcément on a déjà une certaine position, et c'est vrai que dès ma première saison je me suis sentie bien directement. Ca m'a permis de bien jouer au foot et de retrouver les sensations que j'avais un peu perdues sur mes précédentes saisons justement.

Moi je ne vis pas pour ça [la visibilité], c'est vrai que j'ai fait une belle première saison, après qu'on entende parler de moi, ça peu m'importe, moi j'ai juste envie d'être performante et d'aider mon club, la visibilité c'est autre chose...

Oui je suis d'accord que ça peut jouer [d'avoir de la visibilité], c'est dommage, mais moi je ne peux rien faire de plus, sauf jouer au football et la visibilité je ne peux rien y faire (sourire gêné).

 

CDF - Cette saison avec Dijon, on a l’impression que c’est un peu une saison de transition, avec un nouveau coach et de nouvelles joueuses. Comment est-ce qu’on s’adapte à tous ces changements ? Est-ce que pour ta part ça t’a un peu affecté dans ta vision du football ou de la saison qui arrivait ?

L. D. - Ça s'est fait naturellement, on l'a su assez tôt que Yannick (Chandioux, désormais au MHSC, ndlr) allait partir l'année suivante. On a su également assez vite que Christophe (Forest, ex-Stade Brestois, ndlr) allait le remplacer. Forcément c'est tout nouveau, avec de nouveaux entraînements, de nouvelles tactiques, il y a tout à revoir. Après on a quand même la chance que le staff soit resté le même - hormis le coach - donc il nous connaissait déjà.

On a bien débuté la saison et là on a une petite période de moins bien, parce qu'on a perdu quelques joueuses qui faisaient du bien, comme Elodie Nakkach (Servette FC aujourd'hui, ndlr) au milieu, on a perdu Dési (Désiré Oparanozie, ndlr) en milieu de saison à cause d'une blessure, ça nous a fait du mal aussi. C'est toutes ces petites choses là [qui nous ont impacté], et on a enchaîné des défaites qui peuvent parfois mettre dans le doute.

Moi j'étais repartie pour continuer à Dijon dès l'année dernière, et je savais qu'il allait y avoir tous ces changements. Mais je savais aussi que de nouvelles filles allaient arriver, donc non ça ne m'a pas perturbé et puis je me suis toujours très bien sentie à Dijon, donc vis à vis de ça tout allait bien.

 

CDF - On a le sentiment que tu es une joueuse en te voyant jouer ou en te parlant aujourd'hui, qui s'adapte très vite aux autres, aux exigences, mais qui ne parle pas beaucoup et qui est un peu en retrait ? Tu n’aimes pas trop l’exercice médiatique ou celui de se mettre en avant via les réseaux sociaux également on dirait ?

L. D. - Oui (sourire en coin) c'est vrai que je suis pas mal en retrait, c'est ma personnalité qui veut ça, chacun vit sa carrière selon son caractère, mais l'exercice médiatique ou via les réseaux sociaux, ce n'est pas mon point fort et je préfère le laisser aux autres. Je suis un peu en retrait et ça me va.

 

CDF - On a le sentiment également qu'après ta grosse première saison en 2018, que tu n'as pas voulu capitaliser sur ta visibilité par rapport à cela ?

L. D. - C'est vrai que la première année à Dijon a été très bonne (6 buts inscrits et titulaires à tous les matches, ndlr).

Après j'ai eu un nouveau poste aussi, la première saison je jouais milieu gauche, maintenant je joue en 6, donc c'est un tout autre poste [où j'ai peut-être moins de visibilité].

 

"Ce que j'aime le plus c'est être dans

le coeur du jeu et distribuer"

 

CDF - Tu es une joueuse on a l’impression qui aime créer, être dans l’entrejeu, apporter la solution, et pas forcément ce côté serial-buteuse. Est-ce que c’est ta philosophie de jeu ou elle est tout autre ? 

L. D. - Non [je n'ai pas ce côté serial-buteuse], moi j'aime bien être au coeur du jeu, j'aime bien créer, j'aime bien donner les ballons dans les espaces notamment, après forcément si je peux marquer, je vais marquer, mais ce que j'aime le plus c'est être dans le coeur du jeu et distribuer.

 

CDF - Pour avoir connu l’équipe de France jeune, puis l’équipe de France B, est-ce que le manque de visibilité ne t’a pas porté préjudice selon toi ? Est-ce que la sélection A reste dans un coin de ta tête ?

L. D. - Je ne sais pas si ça peut jouer ou pas [le manque de visibilité], mais je pense que c'est aussi les performances qui vont avec.

Corinne Diacre je pense qu'elle connaît toutes les joueuses du championnat et elle doit faire ses choix, je ne pense pas que ça soit une question de visibilité ou pas. Il y a des joueuses qui sont devant moi pour elle, et c'est à moi de travailler pour faire en sorte d'y aller à un moment donné.

Oui forcément quand tu es joueuse de foot, c'est obligatoirement dans un coin de ta tête [l'équipe de France].

 

Photo : Vincent Poyer / DFCO

Dounia MESLI