Au club depuis 2005, et seule joueuse encore présente dans l’effectif parisien depuis la victoire de 2010 en Challenge de France, Laure Boulleau avait annoncé ce mardi que cette finale de coupe de France serait son dernier match en tant que joueuse. Si la Parisienne de coeur, n’a pas été épargnée par les blessures ces dernières années, elle avait prolongé l’été dernier, dans l’espoir d’avoir une meilleure fin. Un souhait devenu réalité avec cette victoire face à Lyon (1-0). C’est en chantant « la dernière séance » d’Eddy Mitchell, un sourire radieux et les larmes aux yeux que la néo-retraitée s’est présentée devant les journalistes. 

 

 

Pour terminer une carrière, cette médaille elle a une valeur exceptionnelle ? 

Oui, c’est sûr que ce soir je suis très heureuse. Je me disais que ça pouvait arriver mais en même temps je ne voulais pas mettre une pression aux filles, parce qu’elles savaient que je m’arrêtais. Je n'ai pas eu besoin de leur dire de gagner pour moi, elles l’ont fait. Elles m’offrent ce cadeau pour terminer et c’est la plus belle chose qu’elles pouvaient faire [pour ma dernière]. 

 

Tu as connu le Challenge de France.. 

Oui, mais là, ça a un peu plus de « gueule » (termine-t-elle). La Coupe... de France (sourire) ! 

 

Après toutes ces finales perdues, ces larmes, là de voir des sourires ça fait du bien ? 

Oui, pour une fois ça se termine bien. On a vécu des finales de Champions League et de Coupe de France contre Lyon, et pas que Lyon, mais l’histoire se répétait. Et au moins, la dernière, de la gagner, c’est la cerise sur le gâteau. 

 

Il a fallu tout donner dans des conditions très compliquées au niveau de la météo surtout. C'était de l’héroïsme même. 

Elles ont été hyper-courageuses, mais je pense que la victoire est méritée sur l’ensemble du match. Et puis, les conditions [météorologiques], de toute façon, c’est pour les deux équipes. On savait que ça allait être mental, on se l’est dit dans le vestiaire quand on a attendu. C’était difficile. On se disait: « C’est pas possible, on ne va pas reporter le match ». On entendait même que ça pouvait être reporté à la saison prochaine. Je me suis dit: « mais attendez, ça veut dire que moi il faut que je m’entraîne encore tout l’été ? » (rires). C’était le petit stress, mais je suis contente que le match ait repris. Franchement, on le sentait dans le vestiaire. Il y avait une telle envie, je n’ai jamais vu ça. 

 

« Je savais que j’allais autant kiffer que si je rentrais. »

 

Justement est-ce que tout ce qui s’est passé. Le coach qui claque la porte, le train manqué la veille de match, puis les orages pendant le match… 

Nan, mais on le sentait qu’il se passait un truc bizarre. Ça fait deux jours on les enchaîne [les problèmes]. On est arrivées, les chambres n’étaient pas prêtes. Il y a des signes qui ne trompent pas, vraiment en fait. 

 

Il ne faut pas ça quand même pour gagner une finale ? 

Nan ! Mais c’était bizarre. Ça fait vraiment deux jours qu’il y a des énergies bizarre. On évite de dire que c’est des signes, mais c’est vrai qu’on y a un petit peu pensé. 

  

Comment tu caractérises ce groupe, qui a du se battre toute la saison pour cette place en Ligue des Champions jusque la dernière journée ?

On est épuisées. Physiquement, mais surtout mentalement. [La saison] a été longue et c’est vrai que là sur la fin, on enchaîne les péripéties. Mentalement il fallait être costaud. Je suis super fière des filles, c’est des soeurs en fait. Hier (mercredi) Formiga à l’hôtel elle m’a dit que la Coupe elle la gagnerait pour moi et… (toute émue). Franchement je les aime trop. Formiga c’est une guerrière, elle a tenu jusqu’au bout du bout, et je sais qu’elle l’a fait en partie pour moi. 

 

On t’a vu sur le bord du terrain très nerveuse et euphorique à la fin. Bernard Mendy voulait te faire rentrer et toi tu lui as dit non ? 

J’ai senti qu’il voulait me faire rentrer pour me faire plaisir et pour moi, ce n’était pas les bonnes raisons. Il restait pas longtemps. Avec le but annulé aussi, c’était hyper tendu. Donc pour moi ce n’était ni le moment ni l’instant. Et je savais que j’allais autant kiffer que si je rentrais. Pour moi ça revient au même. C’est comme ça qu’on voit les choses dans notre équipe. Qu’on soit sur le terrain, sur le banc ou en tribune, on est ensemble, on est une famille. De vivre ça, c’est plus important que le foot. 

 

« On a aidé un petit peu notre sport à émerger. »

 

Tu termines sur une bonne note alors ?

Oui, oui, je suis heureuse. Les titres c’est important, c’est quelque chose qu’on me reprochera toute ma vie, de ne pas avoir gagné beaucoup de trucs. Mais je suis restée fidèle [au club] et je suis restée aussi parce que je me laisse guider par les émotions. J’aime bien vivre à haute intensité et parfois ça paie, parfois ça paie moins. Ce soir ça paie et j’ai vécu un moment magique avec des filles que j’aime. C’est parfait !

 

Même sans gagner de titres comme tu dis, tu es consciente que tu fais partie de celles qui ont aidé à populariser le football féminin ?

Oui, c’est un titre un peu différent, mais toute notre génération on a aidé un petit peu notre sport à émerger. Et ça, on nous l’enlèvera jamais. A jamais les premières (rires).

 

Et pour la suite ? 

Alors là il va y avoir la fête, et encore la fête. Puis pour la suite, j’ai des discussions avec le club pour une éventuelle collaboration. J’ai plusieurs projets, dans d’autres domaines également. Dès que c’est officiel, je vous en dirais plus. 

 

Est-ce que tu peux nous parler du but de Katoto ? Puisque je sais que tu la prends beaucoup sous ton aile. 

Oui c’est ma petite. Enfin ma petite .. [Katoto mesure 1m76 ndlr]. Je l’ai vu éclore en fait. C’est un jeune talent et je sais qu’elle a toute une carrière à faire. Et ce sera la meilleure joueuse du monde, je le sais. 

 

C’est un symbole aussi qu’une joueuse formée au club marque le but de la victoire ?

Oui, en plus elle me l’a dédicacé. C’est des moments forts qu’on a vécu ce soir. Vraiment, c'était une galère. Ces semaines à se dire qu’on jouerait pas l’Europe l’année prochaine, on était usées, c’était le suspens jusqu’au bout du bout. Je suis fière aussi des petites qui aujourd’hui montent en puissance. J’ai essayé de leur apporter un maximum avant de partir. Parce que quand on vieillit, on se rend compte que c’est important de transmettre. Je me suis éclatée à faire ça. J’ai pris autant de plaisir que si j’étais encore physiquement à 100% de mes moyens.

Morgane Huguen