A 26 ans, la joueuse du Paris FC a connu sa première sélection avec l’équipe de France le mois dernier, lors du match amical contre l’Angleterre (victoire 1-0). La milieu de terrain francilienne profite de ce nouveau rassemblement à Clairefontaine pour évoquer avec nous son début de saison au Paris FC, les Bleues mais aussi son activité de journaliste. Interview.
Coeurs de Foot — Avant ton arrivée à Juvisy où ton entraîneur Pascal Gouzenes te fixe au milieu et principalement en numéro 6, tu as joué de nombreux postes : latérale, défenseure centrale voir même attaquante avec le FF Issy à ton retour des USA. Avec du recul, est-ce que tu considères cette polyvalence comme un atout ou est-ce qu’au contraire ça ne t’a pas un peu ralenti dans ta progression ?
Inès Jaurena — La polyvalence c’est toujours un atout surtout quand on est jeune, car plus on est polyvalent plus on joue puisqu’il y a toujours des trous à boucher. Après c’est vrai qu’on peut le voir différemment aussi car si on est à un poste spécifique, on va plus progresser et plus connaître les spécificités du poste.
Je pense qu’à chaque poste que j’ai pu occuper, j’ai joué sur des longues périodes. Quand j’étais arrière droite j’y suis restée longtemps, quand j’étais numéro six j’y suis restée longtemps également et j’ai pris du plaisir à chaque fois. Aujourd’hui je sais que j’aime bien jouer en milieu, mais d’avoir connu d’autres postes c’est bien aussi.
CDF — Tu as quand même gardé des petits restes d’attaquante car sur le premier match de la saison tu te retrouves devant les buts à conclure un centre de Julie Soyer, et de la tête. Ça ne doit pas t’arriver si souvent ?
I.J — C’est vrai que je n’ai pas un profil où je marque beaucoup de buts, après si en début de saison j’ai marqué (deux buts en deux matches) c’était parce que je jouais plus haut sur le terrain. Donc, c’était vraiment de par mon positionnement que je me suis retrouvée dans cette situation, [marquer] ce n’est pas quelque chose auquel je pense en premier.
CDF — Tu as un jeu dynamique et on dirait que tu aimes bien frapper au but, tu prends ta chance. On l’a encore vu le week-end dernier contre Soyaux.
I.J — Non pas forcément, je ne me concentre vraiment pas sur le fait de marquer. Je ne rentre pas dans le match en me disant « il faut que je marque ». Après oui, dans mon positionnement j’essaie d’être toujours là où il faut, et s’il faut finir, j’essaie de finir même si je suis consciente que ce n’est pas ma qualité première. Personnellement je pense être meilleure pour récupérer un ballon que pour le mettre au fond. Après si je suis dans les six mètres et qu’il faut marquer, c’est un plaisir de marquer.
« On reprend plaisir à jouer ensemble, (…) et oui il y a des choses qui se créent »
CDF — Sur quels points alors, selon toi, il faut que tu travailles encore ?
I.J — Plutôt sur l’orientation du jeu. J’ai tendance à rester un peu du même côté et à jouer court. Puis justement, être un peu plus offensive et portée vers le but.
CDF — Est-ce que ton petit gabarit c’est un atout pour toi ou un handicap au milieu de terrain ?
I.J — J’ai un petit gabarit oui mais je fais avec. J’ai du mal à analyser si ça peut être un avantage ou non, parce que j’ai toujours été petite. Après je trouve que j’ai plutôt un bon timing pour la tête, ça va, je n’en souffre pas trop au niveau des duels aériens. J’essaie d’être au maximum dans l’anticipation et de sortir sur le porteur de balle. Donc je n’ai pas l’impression que ce soit un grand désavantage mais c’est sûr qu’avoir de la taille, physiquement ça doit bien aider. Moi, je fais sans (sourire).
CDF — On voit cette année que le Paris FC commence vraiment à construire son jeu, c’est plaisant à voir, et même pour vous en tant que joueuses vous devez prendre plus de plaisir à jouer ?
I.J — Oui, les saisons précédentes étaient assez compliquées avec Juvisy, on n’avait pas d’identité de jeu et du mal à jouer ensemble. On avait l’impression qu’on pouvait faire que mieux que l’année dernière sur le terrain. Du coup on reprend plaisir à jouer ensemble, à jouer au foot, à tenir le ballon, et oui il y a des choses qui se créent. Maintenant je pense qu’on peut faire encore mieux avec le ballon et dans la gestion des matches.
CDF — Vous êtes en train de reprendre un peu votre retard par rapport à Montpellier, Paris Saint-Germain et peut être même Lyon ?
I.J — Oui, après on sait qu’avec l’effectif qu’on a, la qualité elle est là, ça passe par l’entraînement, retrouver les automatismes et être sur une dynamique positive. Mais on ne doute pas que par rapport à une équipe comme Montpellier, en termes de qualité, on est très proche. On a une équipe jeune avec souvent des jeunes dans le onze de départ et ça donne envie aussi de se donner du temps pour mieux faire. Même s’il faut être performantes sur la saison actuelle.
CDF — Lors des matches du Paris FC face à Montpellier ou le PSG, Pascal Gouzenes t’a associé à Anissa Lahmari et après le match contre Paris justement, Anissa évoquait en conférence de presse que tu lui apprenais beaucoup sur ce poste. Ressens-tu toi aussi ce rôle de « conseillère » que tu pourrais avoir ?
I.J — Je savais qu’Anissa était une joueuse qui a l’habitude de jouer plus haut, donc je savais très bien que je devrais la guider en tant que numéro 6. Après ça me parait juste normal. Quand j’avais moins d’expérience à ce poste là, notamment ma première année à Juvisy (désormais Paris FC), je jouais avec Sandrine Soubeyrand et elle me guidait. Pour moi, c’est juste normal d’aider quelqu’un qui se sent moins à l’aise au poste. La clé c’est la communication. Quand on se guide, avec de la communication, c’est nettement plus facile. Mais ça me vient de plus en plus naturellement avec l’expérience que j’ai engrangé.
Après, avec Anissa on s’entend bien dans le jeu naturellement. Il y a des joueuses comme ça, avec qui le feeling passe bien d’entrée.
CDF — Qu’est-ce que tu peux nous dire sur le retour de Charlotte Bilbault, qui faisait son retour sur le terrain le week-end dernier lors du match contre Soyaux, qui avait été victime d’une commotion cérébrale le 24 septembre dernier lors du match à Lyon ?
I.J — On était toutes très contentes qu’elle revienne. Déjà qu’elle n’ai rien de grave et que ça se soit bien passé. C’était un plaisir de l’intégrer de nouveau dans le onze, on sait que c’est une joueuse importante de l’équipe et elle s’est très bien débrouillée. A la fois on était conscientes qu’elle n’avait pas été là pendant un moment, mais en même temps c’était comme si elle avait toujours été là parce que c’était naturel de la voir parmi nous.
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CDF — En avril 2014, tu es convoquée pour la première fois en équipe de France A par Philippe Bergeroo. A cet instant tu sais que prendre une place pour la Coupe du Monde va être compliqué, d’autant plus qu’une blessure à la cheville va t’éloigner quelques temps des terrains. Cela n’a pas été trop dur à vivre, surtout sur le plan émotionnel, ces hauts et ces bas en l’espace de quelques mois ?
I.J — Non, mentalement, ce n’était pas tant compliqué d’être appelée, ne pas être appelée. Il faut toujours croire en sa chance, et puis, ça peut paraître bateau mais le principal c’est de s’épanouir en club et de bien jouer en club. Après advient ce qu’il advient.
« Oui, [Corinne Diacre] me donne ma chance, maintenant il ne faut pas décevoir »
CDF — Depuis la nomination de Corinne Diacre tu as été appelée dans chaque liste, même si la première fois tu as dû renoncer à cause d’une blessure. Tu n’as pas eu une petit appréhension de te dire décidément…
I.J — C’est pas pour moi (termine-t-telle la phrase en rigolant). Non pas forcément, je me suis dit que dans un premier temps j’allais guérir. Et puis que si déjà je suis appelée une première fois et que je reperforme en club, j’espérais avoir une seconde chance pour montrer ce que je n’avais pas pu montrer la première fois.
CDF — Au final, tu l’as eu cette seconde chance, puisque le mois suivant tu es de nouveau appelée et tu vas même connaître ta première sélection en étant titularisée contre l’Angleterre. Tu en retiens quoi de cette première ?
I.J — J’en retiens beaucoup de positif même si ça aurait pu être mieux dans le jeu, notamment par rapport à l’entente avec les coéquipières. J’estime que c’est peut être un peu normal aussi parce qu’on se découvre, du moins je les découvre. Mais j’ai vu ce que c’était, j’ai vu l’intensité et j’ai essayé de prendre un maximum de plaisir sur ce match.
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CDF — Question d’intensité tu l’as bien ressentie, puisque dès la 11e minute de jeu, tu te fais une belle bosse sur le haut du front après un choc avec Fara Williams.
I.J — (rires) Oui ce sont des matches intenses. Un peu comme les gros matches de Division 1. Il y a de l’intensité du début à la fin car on sait que si on lève un peu le pied, en l’espace de quelques secondes, on peut se prendre un but ou mettre les coéquipières en difficulté. Il faut toujours être à fond !
CDF — Il n'y a pas si longtemps, tu jouais en équipe de France B avec de nombreuses joueuses qui sont maintenant en A également : Marion Torrent, Hawa Cissoko, Aminata Diallo, Viviane Asseyi. Ça facilite l’intégration ?
I.J — Finalement, j’ai l’impression de connaître un peu tout le monde parce qu’on se côtoie toutes un peu, de près, de loin, on se croise, en sélections jeunes, en sélection B, en club. Je pense qu’on se connaît toutes un peu et l’intégration, elle s’est faite facilement.
CDF — Et l’adaptation avec Corinne Diacre ? Elle te fait confiance on a l’impression, elle te donne vraiment ta chance ?
I.J — Oui elle me donne ma chance, ça je ne peux pas dire le contraire. Maintenant il ne faut pas décevoir.
CDF — On se replonge dans le passé, en 2010 tu es championne d’Europe U19, c’est ton seul titre majeur à ce jour ?
I.J — Il y a eu ce titre en championnat d’Europe moins de 19 ans, et j’ai fait les universiades avec Jeff [Jean-François] Niemezcki où on a été championnes du monde universitaires en 2015. D’ailleurs, parmi les filles ici [en équipe de France], il y avait Aminata Diallo aussi. Ce sont des supers souvenirs. C’était vraiment une super aventure. La sélection B, d’une manière générale, c’est un bon tremplin. Ça donne de l’expérience internationale quand même et ça permet de rester un petit peu impliqué.
CDF — Lors de ce championnat d’Europe, la co-meilleure buteuse (avec l’allemande Turid Knaak) n’est autre que Lieke Martens. D’ailleurs vous perdez contre les Pays-Bas et Martens met un but. Tu t’en rappelles ?
I.J — (cherchant dans sa mémoire) Je ne m’en souviens pas du tout. Je ne savais même pas qu’on avait joué les Pays-Bas…
CDF — C’était votre premier match, votre seule défaite du tournoi d’ailleurs
I.J — Ah ouais ? Je ne me souviens même pas du parcours. On avait perdu quoi 2-0 ? (c’est ça). Pour les Universiades on avait perdu 2-0 aussi notre premier match contre le Canada. Comme quoi faut perdre le premier match (rires). Ça remet en question.
« J’ai eu mon diplôme [en journalisme] »
CDF — Sinon, à côté du football tu fais des études de journalisme c’est ça ?
I.J — Oui, j’ai eu mon diplôme. J’ai fait une formation de journalisme à l’INSEP. C’est l’INSEP qui propose ça avec une école de journalisme de Paris pour les sportifs de haut niveau. Donc les cours sont principalement à l’INSEP et quelques uns au CFJ (Centre de Formation des Journalistes).
CDF — Maintenant que tu as ton diplôme, tu fais quoi exactement ?
I.J — Là, je travaille avec le club du Paris FC. J’aide Clément Gervais à la communication et on développe le côté vidéo, image. L’an dernier, je faisais le résumé de la rencontre après les matches mais maintenant c’est la fédération qui le fait. Du coup on fait les réactions de match, la présentation du match avec les coéquipières et les interviews, portraits de joueuses. On essaie de faire des vidéos un peu décalées aussi.
CDF — Ce n’est pas trop compliqué d’interviewer ses propres coéquipières ? Tu arrives à avoir le recul nécessaire ?
I.J — Oui, après on essaie toujours de me laisser dans mon rôle de joueuse avant tout. Quand ce sont des choses que je peux me permettre de faire, je le fais. Mais, par exemple les jours de match on m’évite d’avoir des tâches. Sinon j’arrive à interviewer les coéquipières en ayant un peu de recul. C’est plutôt pour elles parfois que c’est compliqué de répondre, mais en règle générale, ça fonctionne bien.
Pour finir, on suppose tout de même que la Coupe du Monde 2019 en France, à choisir tu préférais la vivre sur le terrain qu’en tribune de presse ?
I.J — Oui c’est sûr ! (avec un hochement de tête et sourire aux lèvres). De toute façon, ouais. Je ne me vois pas couvrir la coupe du monde 2019, je me vois plus la jouer c’est sûr. Après le chemin est encore long.
Morgane Huguen