En conférence d'après-match France-Canada - remporté 2-1 grâce à des buts de Grace Geyoro et Léa Le Garrec - le sélectionneur de l'équipe de France, Hervé Renard a donné ses premières impressions. Une deuxième victoire en deux matches joués, depuis qu'il a pris la tête des Bleues il y a deux semaines de cela, mais le coach veut garder les pieds sur terre et ne pas s'enflammer, à trois mois du mondial. 

 

Journaliste - Une victoire face à une équipe du top mondial, ce sont les débuts parfaits pour vous ?

Tout a été parfait cette semaine, notre accueil, l'enthousiasme mis par les joueuses et le staff en place et le nouveau, conclu par deux belles victoires, même si y'a toujours des choses à redire, c'est source de progression, mais très content et je félicite les joueuses car comme je l'ai dit dans le vestiaire, elles ont été presque parfaites.

 

Journaliste - Quelle analyse faites-vous du contenu de cette rencontre, dominée par l'équipe de France, qui a eu plusieurs occasions, malgré ce but encaissé ?

Très satisfait du contenu, surtout de la rectification en deuxième mi-temps en montant d'un cran, et en mettant un petit peu plus de pression et ça a payé, on les a poussé à la faute, et c'est ce qui nous permet de marquer le deuxième but. Dans un match où on est n'est pas trop en danger, où on maitrise tout il ne faut pas se mettre en danger toute seule (sur la réduction du score de Constance Picaud, ndlr), mais ça fait partie de l'apprentissage. Ce soir ça n'a pas de conséquence, mais il faut s'en servir, car c'est dommage qu'un match qui aurait pu être très très abouti, finisse avec seulement un match aboutit. Félicitations aux joueuses, elles ont été parfaites. Elles ont un potentiel elles le savent, maintenant il faut qu'elles en prennent conscience et qu'elles fassent les efforts ensemble. Si elles font les efforts ensemble, elles seront capable de belles choses.

 

Coeurs de Foot - Encore une première période plus poussive, vos joueuses ont souvent eu du mal à se trouver sur le terrain, avec plus de vitesse retrouvée en seconde, notamment encore avec Delphine Cascarino, il y a eu beaucoup d'autorité aussi de votre part, on sent la patte prendre petit à petit quand même ? Comment expliquez-vous ces premières périodes où les Bleues ont un peu de mal à trouver la faille adverse ?

On était juste un tout petit peu plus bas, un match de football c'est 90 minutes et plus, il faut aussi user l'adversaire, car en première mi-temps on a aussi des occasions. Il fallait juste rectifier cette petite notion tactique d'être un tout petit peu plus haut, pour mettre un peu plus de pression et ça a fonctionné.

Maintenant ça demande beaucoup d'efforts de presser sans arrêt, donc parfois il faut savoir ajuster tactiquement, mais moi je suis satisfait du match en entier, car ce n'est pas un bilan par mi-temps, ou par séquence de jeu, c'est un bilan global qu'on doit faire et c'est très satisfaisant.

 

Journaliste - L'erreur c'est Constance Picaud qui l'a fait. Avez-vous déjà établi une hiérarchie pour les gardiennes ?

C'est vrai que c'est mon premier stage, c'est important de donner la chance à Constance aussi, qui n'a pas beaucoup d'expériences. Elle a fait un match assez bon, c'est dommage de commettre une erreur mais ça arrive même au plus grande gardienne. Il faut simplement qu'elle s'en serve, non pas comme une sanction, mais comme une source de progression et parfois on fait des erreurs, qui n'ont aucune conséquence, comme celle-ci, donc ça permet de grandir un peu plus vite.

 

Journaliste - Quel bilan faites-vous après ce premier stage à la tête des Bleues et à trois mois de la Coupe du Monde ?

C'était des jours fantastiques, quand vous avez des joueuses qui sont disciplinées, attentives, très rigoureuses dans le travail, c'est que du bonheur pour un entraineur et elles ont démontré en plus qu'elles étaient capables fasse à un adversaire de grande qualité d'être au niveau, même plus. C'était neuf jours très très bons, maintenant il va falloir bien suivre la fin du championnat, car la concurrence va être rude. La liste des 23 ne va pas être facile. Il y aura des revenantes également, vous le savez, des joueuses qui sont blessées et qui vont revenir avant le stage de préparation, donc ça va faire une compétition assez importante [entre les joueuses], mais c'est le football, c'est comme ça, et il faut aller vers l'avant.

 

Journaliste - Delphine Cascarino a encore fait un gros match ce soir, vous a-t-elle impressionné dans ce qu'elle est capable de faire ?

Elle a fait déjà la même chose sur 45 minutes face à la Colombie et aujourd'hui elle a eu la bonne idée de le refaire pendant 93 minutes, donc félicitations à elle. Elle a fait la différence, c'est une joueuse qui est capable de jouer dans le registre qu'on demande, c'est important de rester bien sur la ligne pour faire des différences sur les côtés, donc elle a appliqué cela à la perfection. L'équipe a travaillé, a pressé ensemble, a fait beaucoup de bonnes choses dans la récupération, maintenant tout n'a pas été bien sur parfait mais il y a eu beaucoup de bonnes choses, donc c'est ça le plus positif.

 

Journaliste - Vous avez modifié votre défense, vous avez décalé Elisa De Almeida sur la droite et essayé Estelle Cascarino dans l'axe avec Wendie Renard, pourquoi prendre cette option aujourd'hui ?

Car je cherche une joueuse qui soit capable aussi de jouer côté droit, puisque Eve [Perisset] se sentait un peu toute seule, donc elle était peut-être un peu trop tranquille, donc il faut mettre un peu de concurrence. Puis je pense que vu les neuf jours qu'avait fait Estelle, elle méritait de démarrer un match, elle a été très bien également. Qui plus est Eve a enchainé beaucoup beaucoup de matches, elle doit aussi se concentrer sur la Champions League avec son club de Chelsea, donc elle était un peu fatiguée. C'était pour moi la parfaite occasion de pouvoir essayer quelque chose, et Elisa a été également je pense une des meilleures joueuses aujourd'hui, elle a vraiment été impressionnante, donc félicitations à elle, de s'être autant adaptée rapidement. Ça permet un peu de bousculer les hiérarchies, c'est bien, c'est ce qu'il faut.

 

Journaliste - Qu'avez-vous pensé de la performance, qui a sans doute été plus à son avantage que vendredi dernier ?

Elle a été parfaite. Wendie c'est la capitaine de cette équipe, c'est celle qui dirige le bateau. Ce soir elle a été très très efficace, notamment dans sa communication, le respect du bloc équipe et individuellement, elle a aussi été parfaite. Quand on est une grande joueuse et parmi les meilleures mondiales, forcément on est un peu plus regardé, mais là je suis entièrement satisfait et il faut aller vers l'avant, il faut garder cet état d'esprit, c'est celle qui doit avec son expérience emmener tout ce groupe le plus loin possible.

 

Journaliste - À quel point avez-vous l’impression d’avoir dégagé une équipe type sur le match qu’on a vu ce soir ?

Il y a toujours des individualités qui ressortent mais l’important, c’est le collectif, notamment dans l’organisation, dans la façon dont on a pressé en seconde mi-temps, même quand Oriane est sortie parce qu’elle avait un adducteur qui tirait un petit peu. Léa est bien entrée, malgré une longue absence en sélection. Il faut compter sur toutes les joueuses et pas seulement les 11 titulaires. Laurina Fazer est une joueuse de grande qualité et promise à un grand avenir. 

C’est bien, ça donne beaucoup de solutions et c’est important pour le staff technique d’en avoir autant.

 

Journaliste - Sur l’affluence et la programmation des matches durant la Champions League

Oui, je pense qu’on peut faire mieux de ce côté là. C’est difficile d’être en concurrence avec un match de Champions League, qui plus est entre le Bayern Munich et Manchester City, le top niveau européen. Il faut réfléchir à ça, le football féminin veut aller de l’avant. Chaque détail sera important pour ce football - que je suis depuis pas longtemps - qui le mérite. On a vu une équipe du Canada avec une grande qualité. 

On a un mois de préparation. On a une équipe qui est en place, qui a gagné beaucoup de matches donc on ne part pas de zéro. Il faut lui apporter de petites touches personnelles, des aspects différents. Essayer d’apporter des convictions avec le staff technique. Les joueuses ont les caractéristiques pour les appliquer.

L’objectif est de faire mieux qu’en 2019. Il y a eu, par le passé, une demi-finale en 2011. Premier objectif, c’est de se donner des objectifs progressifs, c’est à dire aller dans le dernier carré. On aura le temps d’en reparler si ça arrive.

 

Journaliste - Sur l'ambiance au stade du Mans

Oui, c’est un très beau stade. Je souhaite que le football de haut niveau revienne très vite au Mans parce que ce stade le mérite. Je dirais que je suis quelqu’un d’exigeant et je le dis quand c’est pas assez. C’est à nous de faire en sorte que les gens s’intéressent de plus en plus à cette Équipe de France féminine. C’est un travail collectif, un travail de la Fédération, un travail des joueuses, un travail du staff technique. On doit tous aller dans cet élan pour permettre au football féminin français de progresser, d’avoir  une affluence supérieure parce qu’il y a eu des turbulences qui ne sont pas très bonnes pour l’image. Il faut que cette image soit parfaite, plus que parfaite si ce football féminin veut grandir, comme l’a fait l’Angleterre. Il fait toujours être ambitieux. 

 

 

Photo : Dounia Mesli / Coeurs de Foot

Dounia MESLI