Pour sa première liste post-Coupe du Monde, Hervé Renard a retenu de nombreuses mondialistes, mais appelé également des joueuses - peu habituées à la sélection - comme Jade Le Guilly ou encore Julie Dufour, sans oublier les retours également de Griedge Mbock et Amandine Henry. Le coach est longuement revenu sur la déception du mondial et se projette sur le travail qui l'attend avec ses joueuses, pour conquérir enfin un titre pour l'équipe de France.

 

Journaliste - Il y a quelques nouveautés dans cette liste par rapport au mondial, notamment la sélection de Julie Dufour, avez-vous envie de la récompenser de son très bon début de saison avec le Paris FC, l'aviez-vous déjà en tête avant le mondial ?

H.R. - C’est une jeune joueuse qui avait réalisé de bonnes performances avec son club précédent (le FCG Bordeaux, ndlr), j’ai suivi attentivement les joueuses du Paris FC pendant les deux matchs du tour préliminaire de la Champions League, le faite qu’elle était avec les U23, donc c’est une joueuses qui connait bien les sélections nationales. C’est une liste élargie de 25 joueuses, qui nous permettra de gagner un peu de temps pour voir un peu plus de joueuses. Sans perdre de vue que les deux matches sont le plus importants, ça n'empêche pas de voir quelques nouvelles joueuses dans ce groupe pour cette nouvelle saison.

 

Journaliste - Pouvez-vous nous parler de Griedge Mbock, qui a eu une année très difficile et qui doit être heureuse de faire son retour dans cette liste ?

H.R. - Tout d’abord c’est un grand plaisir pour moi de la revoir en sélection, j’ai suivi son évolution, j’ai communiqué avec elle et l’Olympique Lyonnais sur la marche à suivre donc aujourd’hui elle n'est pas capable de jouer des matches entiers, il va falloir être très prudent, mais pour moi c'était important qu'elle soit avec nous. C’était une joueuse cadre et ça restera une joueuse cadre, c'est bien qu'elle revienne et qu'on lui laisse le temps petit à petit de revenir à son meilleur niveau à travers la compétition avec son club.

 

Journaliste - Vous avez retenu Jade Le Guilly qui est une jeune joueuse du PSG, c’est aussi une jeune joueuse en pleine progression, pourquoi aviez-vous envie de la voir sur ce rassemblement ?

H.R. - Elle est déjà venue avec nous lors du premier rassemblement, elle avait déjà fait une bonne prestation, on avait continué de la suivre avec la Real Sociedad et puis le fait qu'elle revienne au Paris Saint-Germain, et qu’elle gagne sa place de titulaire pour le Trophée des Championnes c’est un bon signe. C'est une jeune joueuse, qui a la particularité de pouvoir évoluer à tous les postes de la défense, c’est aussi bien pour moi, c'est intéressant pour elle qu’elle puisse montrer toutes ses qualités.

 

Journaliste - Une question sur Griedge, elle fait son grand retour, vous la voyez en défenseure centrale ou à un autre poste car elle a repris côté droit de la défense, et concernant Katoto qui n’a pas repris la compétition mais qui s'entraîne, avez-vous des nouvelles, avez-vous échangé avec elle, évidemment le Paris Saint Germain attend un peu pour la reprise de la compétition ?

H.R. - Griedge j’attends d’elle qu'elle revienne comme défenseure centrale, mais cela ne l'a pas empêché de gagner quelques minutes de jeu au poste de latérale droit, mais c’est certainement pour gagner du temps de jeu et ne pas déstabiliser la défense et le plan de jeu de la coach de l’Olympique Lyonnais [lors du Trophée des Championnes contre le PSG]. C'est très bien qu'elle soit là et j'ai expliqué la raison pour laquelle j'ai voulu absolument la sélectionner.

Concernant Marie, j'ai des très bonnes nouvelles. Mais ce n'est pas à moi de vous en dire plus. J'espère que d'ici le prochain stage elle sera avec nous et je lui souhaite, ça va nous permettre d'étoffer ce groupe en qualité, en expérience, et ce qui ne sera pas négligeable pour bien préparer d'abord la Ligue des Nations et ensuite les Jeux Olympiques.

 

Journaliste - Une petite question sur les absentes, on note l’absence de Kenza Dali et de Maelle Lakrar, on a entendu Laurent Nicollin qui n'était pas très content qu'elle soit rentrée blessée, que pouvez-vous nous dire sur Maelle et pourquoi l’absence de Kenza ?

H.R. - Maelle Lakrar et Kenza Dali sont blessées, donc elles ne sont pas opérationnelles pour ce stage. Concernant les commentaires qui ont pu être faits, je n’ai pas pour habitude de répondre à des commentaires dans une conférence de presse, par contre j’ai un téléphone, je pense qu’il n'est pas très difficile d’obtenir mon numéro quand on a envie de l’obtenir, donc forcément c’est qu'on n'a pas désiré avoir des explications, ou me parler. 

Quand Wendie Renard dans la même situation a joué et qu'elle a continué la compétition, sans blessure (la capitaine des Bleues étaient blessées durant le mondial, ndlr), ça aurait pu se passer autrement. Je peux me mettre à la place du club et de son président très respectable, j'en suis navré, mais ce n'était pas le but, tout était clair entre la joueuse, le staff médical et moi-même. On espère qu’elle va revenir le plus rapidement possible, d’abord avec son club et ensuite l’équipe de France, parce qu’on a besoin de Maelle qui a - il faut le souligner - fait une remarquable Coupe du Monde et on la félicite.

 

Journaliste - Vous avez beaucoup de choix en défense, notamment sur le côté gauche avec Sakina [Karchaoui] et Selma [Bacha], à long terme vous voyez plus Selma ou Sakina pour le poste d’arrière gauche ?

H.R. - Moi j’ai trouvé la bonne solution, je l’ai fait jouer toutes les deux (rires). On s'adaptera au fil des mois, au fil des rencontres et des performances, formes et méformes de ces deux joueuses. Il faut au passage les féliciter pour leur Coupe du Monde et ces deux joueuses très très importantes pour cette équipe de France, c'est pour ça que j'ai du mal à m'en passer.

 

Journaliste - Question sur le tirage de la Ligue des Champions, qui est tombé à 13h. Le PSG affronte Manchester United, et le Paris FC contre Wolfsburg, ça ne sera pas facile pour les clubs Français, j’imagine que vous avez quand même envie que les joueuses disputent la Ligue des Nations, et qu’il y ait trois clubs en Ligue des Champions, c’est toujours mieux pour l’équipe de France qu'elles jouent des matchs de très haut niveau ?

H.R : Oui. Je tiens une nouvelle fois à féliciter le Paris FC qui à réussi à éliminer Arsenal, c’est un très grand exploit. C’est bien que les trois meilleurs clubs français de la saison dernière, soient exposés dans cette Ligue des Champions. Wolfsburg c'est un habitué, l'une des meilleures équipes, mais c’est une bonne expérience. On va pouvoir jauger exactement du niveau de cette équipe du Paris FC et puis quand on est capable d'éliminer Arsenal, on est capable de réaliser d’autres exploits. Pour le Paris Saint-Germain, je pense que la tache est possible, c’est une grande équipe Paris, donc elles sont capables de passer ce tour, même si cela ne sera pas facile. 

C'est important d'être exposé au plus haut niveau, c’est dans ce genre de match qu’on acquiert de l’expérience, le fait d'aborder ces moments aident à faire une grande carrière en sélection et en club. J'ai senti [lors du mondial] un peu trop d'émotions par rapport à l'évènement, et ce qui fait la force d'une joueuse avec beaucoup d'expérience et une longue carrière en sélection et en club, c'est le fait d'aborder ces moments importants d'une compétition de la meilleure des façons. Ça s'apprend, et le fait de jouer des matches de haut niveau dans cette Coupe d'Europe c'est très important.

 

Sur le mondial

Journaliste - Que retenez-vous de cette Coupe du Monde, disputée avec les Bleues ? Il y a eu beaucoup de changements sur les joueuses appelées. Est-ce que parmi les axes a améliorer vous envisagez un entraînement spécifique notamment pour les séances de tirs au but ?

H.R. - (rires) Merci pour le petit tacle appuyé. (sourire) Ça fait partie du jeu [ces questions]. 

Je vais répondre à la première partie de votre question, cette Coupe du Monde a été une grande réussite au niveau de ce groupe, de ce qu'il a dégagé. 52 jours de vie commune avec le staff, dans une ambiance particulièrement appréciable et fantastique je dirais. On avait bien sûr en tête d'éliminer cette équipe d'Australie. Je vais vous faire une petite confidence lors de mon premier discours à Clairefontaine juste pour la préparation j'ai parlé des tirs au buts, j'avais ce pressentiment que ça allait se passer, par contre j'avais rêvé d'une issue beaucoup plus favorable.

Quand on rate quatre pénaltys, voir cinq car il a été a retiré, la faute nous revient, donc c'est certainement qu'on n' a pas été assez performant sur cette séance de tirs aux buts. Il y a plein de chose à dire, les filles et le staff ont fait un travail exceptionnel, le staff dans son intégralité à travaillé d'une façon [exceptionnel]. J'ai rarement vu un staff travailler comme ça, et je les en félicite. Malheureusement je n’ai pas su les récompenser à leur juste valeur, donc on dira que cette élimination aux tirs au but j’en prend les responsabilités, car il faut assumer. Il faut se servir de cette belle Coupe du Monde pour aller de l’avant. Pour finir, je vais un petit loin, je pense que l'image de l'équipe de France a été parfaite, au niveau des audiences, au niveau du public, au niveau du suivi, je pense qu'on a gagné quelque chose, c'est à garder et à cultiver, bien sûr à améliorer, puisque l'année prochaine on sera sur notre territoire, pour les Jeux Olympique. A nous, et je l'avais dit dans des précédents interviews, de garder ceux qui nous ont suivi jusqu'à présent et d'en gagner un peu plus pour que le football français féminin, soit encore mieux reconnu.

 

Journaliste - On sort d’une Coupe du Monde et les championnats français et étrangers vont bientôt reprendre, les internationales ont eu très peu de repos, comment envisagez-vous ce stage avec la reprise de la sélection même si cela reste une nouvelle compétition avec ce stage qui arrive très vite ?

H.R. - Je pense que les joueuses ont eu de la part de leurs clubs respectifs des vacances, que ça soit peut-être sept jours ou huit jours, cela leur a permis de couper un peu, de se régénérer, et [j'espère] qu’elles ont fait une bonne préparation. À part le Paris FC, le PSG et l’Olympique Lyonnais qui ont joué en compétitions officielles, je pense qu'on est tous logé à la même enseigne en Europe. Je suis persuadé que les joueuses vont revenir avec un superbe état d'esprit, et avec l’envie de démarrer une nouvelle compétition, qui est importante pour le foot féminin avec des adversaires de qualité, dans une compétition qui est aussi très intéressante, et qui permettra de se préparer tout au long de cette saison, jusqu’au prochain très très grand rendez-vous qui aura lieu l’année prochaine en 2024.

 

Journaliste - Comment avez-vous vécu la fin de ce mondial, notamment avec ce qui s'est passé en Espagne ? On a parlé plusieurs fois de votre nouveau rôle d'ambassadeur du sport féminin en France, cela vous a-t-il choqué ? Quels mots pouvez-vous avoir pour les Espagnoles ? 

H.R : Pour êtres franc avec vous, j’ai laissé un peu de côté toutes ses histoires extra-sportives (blanc) qui me dérangent un peu. Je peux comprendre que cela fasse polémique, c'est certainement quelque chose qui ne doit pas arriver, c'est arriver... Mais il doit y avoir certains règlements de compte derrière, je prend un peu de recul, chaque situation est complètement différente selon le pays. Ça a été un été très agité pour l'Espagne, mais elles sont championnes du monde c’est ce sur quoi il faut surtout noter [s'arrêter], et surtout féliciter cette équipe d'Espagne, qui a été dans le jeu la meilleure équipe de ce mondial, qui mérite d’être championne du monde.

 

Journaliste - Vous avez parlé plusieurs fois des Jeux Olympiques, comment prévoyez-vous de travailler sur les mois qui viennent, avec la Ligue des Nations avant, avec la réintégration de joueuses blessées, comme Delphine Cascarino ou encore Marie-Antoinette Katoto ?

H.R. - On a une compétition importante a bien gérer, vous connaissez le principe, quatre poules de quatre équipes, les premiers sont qualifiées pour les demi-finales, les derniers sont rétrogradés. C’est une compétition avec des enjeux importants, ce qui va nous permettre aussi de découvrir beaucoup de choses, de travailler un peu plus dans la durée pour bien préparer cette future échéance [des JO]. On aura un petit plus de temps, on sera peut-être amené à voir d’autres noms dans les prochaines listes qui vont arriver. Cela fait partie de l'évolution du football, l'important c'est qu'on continue sur la base de ce qu'on a fait lors de cette Coupe du Monde, bien sûr en améliorant tout ce qu'on peut améliorer, car tout n'a pas été parfait.

 

Journaliste - Justement vous parliez de l'effectif et de sa gestion, avez-vous des enseignements sportifs sur certaines joueuses qui ne vous ont pas forcément donné satisfaction durant ce mondial, est-ce que c'est quelque chose que vous ressentez et que vous allez tirer sur ces prochains mois ?

H.R : On tire toujours des enseignements d'une grande compétition. Il y a des joueuses, qui avaient l'expérience de cette Coupe du Monde, d’autres en avaient pas du tout, il faut prendre cela en considération. Il reste des choses à apprendre, des événements importants à bien et mieux aborder, que ce qu'on a pu faire. On va gagner en expérience et les mois à travailler ensemble, c'est quelque chose de précieux dans le football. On espère que tous ces ingrédients en plus pourront nous permettre d’être meilleur que ce qu’on a été lors de cette Coupe du Monde.

 

Coeurs de Foot - Vous êtes arrivé dans un contexte assez complexe et inédit dans le football féminin français, le moral des joueuses n'était pas au top, pensez-vous avoir trouvé la clef pour faire basculer cela dans le positif, et vers un titre pour les Bleues, notamment lors les Jeux Olympiques de Paris ?

H.R. - Je félicite encore une fois à travers votre question, tout le monde. Tout le monde y a mis du sien. C’était ma première mission [de remotiver l’équipe], (blanc) et je pense qu’elle est réussie grâce aux joueuses, leur état d'esprit, le staff, leur façon de se comporter. Le staff dans son intégralité [a été à la hauteur] et je ne suis pas là pour passer la pommade. Je pense que de toute façon vous avez suffisamment de renseignements quand vous êtes journaliste, pour savoir si je vous mentirais ou pas. 

Je vous parle franchement, on a bâti des bases sereines, importantes pour aller beaucoup plus loin. Il faut maintenant que ces filles deviennent plus conquérantes, se servent de cette déception d’avoir perdu face à l’Australie aux tirs au but. On va pouvoir reparler du but qu'on a marqué et qui a été refusé, de la main qui n'a pas été sifflée, mais au final c'est l'Australie qui s'est qualifiée pour les demi-finales. Il faut être plus fort que ces aléas et que de ces faits de jeu, pour grandir, pour progresser encore, et je suis sûr que ce groupe à une marge de progression encore importante et que cette Coupe du Monde va vraiment nous servir pour le futur.

 

Journaliste - Cet été vous avez joué dans des ambiances assez volcaniques notamment à Brisbane, vous avez peut être pris un coup de froid dimanche à Troyes avec une affluence difficile, pour ne pas dire très faible (5000 spectateurs environ, ndlr). Qu'est-ce que vous attendez des affluences sur les deux prochains matches des Bleues, on à l’impression que la machine est à nouveau dure à relancer ?

H.R. - On a plutôt des bons renseignements sur ce qui peut se passer à Valenciennes pour le prochain match. Grâce à vous je vais lancer un appel (rires). Si vous pouviez venir supporter l’équipe de France féminine à Valenciennes le 22 septembre cela serait un grand honneur pour elles, afin de vous montrer le meilleur des spectacle contre une très belle équipe du Portugal, en progression constante. On a besoin de beaucoup plus de soutien, d'un stade qui soit plein, je ne désespère pas qu'il le soit, grâce à votre question je peux en parler, je fais un peu du Guy Roux 20 ans après (sourire). Malheureusement c’est là où en est le football féminin en France, donc il faut être réaliste et que les gens gardent de ces joueuses la bonne impression qu'elles ont laissé durant cette Coupe du Monde et qu'ils viennent de nouveau les soutenir.

 

Journaliste - Qu’avez-vous pu apprendre du sacre de l’Espagne, malgré la rupture entre les joueuses et le sélectionneur (Jorge Vilda, ndlr), elles ont été au bout. Vous aviez érigé comme valeur la solidarité entre vous et vos joueuses, mais l'équipe de France n'est pas allée au bout. Quels sont les enseignements que vous a appris cette équipe, même l'Angleterre, qui était également en finale ?

H.R. - La première chose - qu'elles peuvent nous apprendre - c’est la qualité de jeu, en repartant de derrière notamment pour l'Espagne. La rigueur, les quantités de courses pour l'Angleterre, l'impression d'aller beaucoup plus vite vers l’avant. Il y a beaucoup de choses, mais c'est ce que nous ont montré ces deux équipes, qui ont fait une superbe Coupe du Monde. Et si on n' a pas été capables de battre l’Australie avant ces tirs au but c’est aussi parce qu'il nous a manqué quelques uns de ces ingrédients dont je viens de parler, et c’est sur quoi il faut progresser.

 

Photo : Coeurs de Foot 



 

Dounia MESLI