Avant le premier match de l'équipe de France U19 face à l'Ecosse pour leur entrée en lice au championnat d'Europe, nous avons échangé avec le coach des Bleuettes, Gilles Eyquem pour évoquer cette compétition et prendre la température.

 

 

Coeurs de Foot - Le point sur la préparation de l'équipe de France U19

Gilles Eyquem - Ce fût court mais intense [comme préparation], on peut dire ça, avec une période un petit peu délicate où on doit choisir vingt joueuses sur les vingt-neuf appelées en début de stage, il y a toujours ce petit moment qui est un peu difficile à passer. Et puis après ça s'enchaîne plutôt bien, les filles qui ont la chance de rester parmi nous, en profitent un petit peu pour accentuer la cohésion, travailler de plus belle et j'espère qu'elles ont conscience qu'elles représentent plus que le groupe des 20 qui sont là.

 

CDF - Comment vous sentez votre groupe et vos joueuses ? Est-ce qu'elles sont en pleine forme, est-ce qu'elles ont récupéré ?

G. E. - Oui elles ont bien récupéré du gros travail qui a été effectué. Là on a travaillé sur l’affûtage un petit peu, la partie où on essaye de gagner en tonicité et ça se passe bien, les filles évoluent bien. Maintenant on arrive sur la période où elles s'interrogent sur qui va jouer, qui va débuter. Effectivement c'est toujours un petit peu l'interrogation des joueuses.

 

CDF - J’ai vu qu’il y avait quelques grosses absences, à l'image de celle de Mickaella Cardia, joueuse de l'Olympique de Marseille. Est ce que vous pouvez nous expliquer ces absences svp ?

G. E. - Ça s'explique par le fait que j'ai trouvé d'autres joueuses susceptibles d'apporter plus [au groupe]. On n'est jamais sûr de tout et de faire les bons choix, mais effectivement après avoir vu la finale des U19 nationales [en club, entre le PSG et Lyon], et regardé ces Parisiennes, j'avais fait venir Vicki Becho avec nous et elle a montré qu'elle pouvait apporter quelque chose d'intéressant au groupe. Après c'est une question de choix, j'ai plutôt choisi Vicki que Mickaella [Cardia]. Ce sont deux profils différents, et l'avenir nous dira si j'ai fait le bon choix ou pas.

 

CDF - Lors de la Coupe du Monde U20 en Bretagne je sais que c’est le mental qui a joué sur ce match contre l’Espagne, avec notamment le fait que l’équipe soit logée dans le même hôtel que vous et j’ai senti des tensions à ce moment là déjà, tout comme la pression médiatique et celle des supporters, qui a clairement épuisé vos joueuses mentalement. Là vous êtes loin de tout ça je pense, est-ce que c'est peut être mieux pour vos joueuses ?

G. E. - C'est mieux oui certainement, moins [stressant peut être], mais on sait aussi que les réseaux sociaux fonctionnent à fond, il y a la chaîne l'Equipe qui est venue, ça va être retransmis [en clair et en direct]... Il faut qu'elles s'habituent à ça aussi [à cette pression], c'est l'évolution du foot féminin, et tant mieux parce que pour elles, plus on parle du foot féminin, plus elles ont des chances d'aller vers quelque chose de plus intéressant, en terme d'investisseurs, de sponsors, il y a tout à gagner pour elles [pour vivre pleinement de leur passion], donc il faut qu'elles apprennent vite, je ne m'inquiète pas [de tout cela].

 

CDF - On a le sentiment que sur le niveau, c’est peut être un cran au-dessus bizarrement par rapport à la dernière Coupe du Monde ?

G. E. - Non c'est dans la logique, c'est vrai qu'on a vu avec la Coupe du monde et là aussi avec l'Euro, tous les pays européens qui travaillent énormément et ça passe par leurs jeunes. Il y a des nations qui ont eu des creux, les Allemandes chez les jeunes, les pays scandinaves et ils reviennent très très forts, les Pays-Bas qui continuent à progresser, l'Espagne qui restera toujours maintenant assez haute, c'est un pays qui est très fort chez les jeunes et qui vont grimper avec les A très vite, on l'a vu sur la Coupe du Monde en France cet été. Ça devient de plus en plus compliqué [de rivaliser entre nous] et les équipes sont de plus en plus fortes, mais tant mieux.

 

CDF - Lors de la Coupe du Monde U20 également, on a vu que vous voyez exactement ce qu'il fallait rectifier après chaque match, si c’était un problème sur les côtés, le lendemain vous rectifiez cela, ou si c’était un problème de rapidité dans la tactique, vous le rectifiez également... On a la sensation qu'il y a une vraie recherche - constante - d’amélioration de votre stratégie, alors qu’on pourrait s’attendre à ce que vous vous entêtiez sur un seul schéma tactique ?

G. E. - Je pars du principe que je suis là pour apprendre aux filles, pour leur donner le plus de connaissances possible pour l'avenir, je ne me focalise pas sur le titre, pour moi ça sera la cerise sur le gâteau et bien entendu on y va pour gagner le championnat d'Europe, mais ce qui est le plus important c'est que les filles ressortent de là avec de l'expérience, du vécu et qu'elles aient appris un tant soit peu pour la suite. Parce que l'objectif, c'est que derrière en club, ou avec les sélections en A, elles soient présentes et c'est ça qui m'importent. C'est pour ça que le premier objectif c'est d'être en demi-finale, parce que derrière je sais qu'il y aura une Coupe du monde et d'autres matches encore de haut niveau et pour les filles c'est l'essentiel.

 

CDF - On a l'impression que la formation des jeunes aujourd'hui est primordiale pour qu'elles soient prêtes pour la A entre autres. Est-ce que c'est votre ressenti également ?

G. E. - Oui, on le constate par le fait que, depuis que je suis arrivé moi avec les sélections filles (en 2012), la génération de Griedge [M'bock], de Claire Lavogez, toutes les filles étaient en D1 ou en D2 au minimum et aujourd'hui on voit que c'est plus compliqué, que avoir du temps de jeu en D1, c'est vraiment le top des U19 [les meilleures joueuses]. Mais voilà il y en a de moins en moins qui aujourd'hui peuvent avoir un temps de jeu garanti en D1, un peu plus en D2 maintenant, mais il faut se rendre à l'évidence qu'avec l’élévation du niveau de notre championnat, forcément ça va être plus compliqué pour les jeunes filles, les toutes jeunes. Donc il faudra peut être réfléchir à ramener quelque chose d'autre, en-dessous pour les jeunes 19/20 ans [en sélection], après ça va être dur.

 

CDF - Comment vous expliquez certains choix de joueuses et pas d’autres, lors de la composition du onze de départ avant un match ? 

G. E. - Il y a un peu de tout. Je pars du principe que j'ai vingt joueuses et ces vingt joueuses peuvent jouer. A partir de là, quand on travaille on essaye de voir un petit peu toutes les filles au poste qu'on veut, de voir qu'elles sont les meilleurs assemblages, les meilleures relations entre elles, et puis je tiens compte aussi malgré tout de l'adversaire, de comment avec les moyens que l'on a, on peut poser le plus de problèmes possible à l'adversaire. C'est pour ça aussi que dans le choix des joueuses, j'essaye d'avoir des profils qui soient un petit peu différent au même poste. A l'image de Maelle Lakrar ou Emeline Saint-Georges qui sont justement devant moi (sourire), ce ne sont pas les mêmes profils, tout comme Lisa Martinez, Assimina Maoulida c'est encore différent. Voilà ce sont quatre défenseures centrales, mais j'ai quatre profils différents.

Quand on titularise une joueuse par rapport à une autre, il y a toujours cette part d'incertitude, de surprise ou de déception, on ne sait jamais ce qui peut se passer, si les joueuses vont répondre à nos exigences ou pas. C'est ce qui fait aussi tout le charme du foot, si tout était écrit, ça serait moins intéressant.

Dounia MESLI