Gaëtane Thiney s'apprête à disputer sa troisième Coupe du monde avec l'équipe de France cet été, après 2011 et 2015. A quatre jours du match d'ouverture contre la Corée du Sud au Parc des Princes (7 juin, 21h), l'attaquante aux 156 sélections a répondu à toutes les questions des journalistes avec la sincérité qu'on lui connaît. L'état d'esprit des Bleues avant le grand bain, les quelques blessures dans le groupe et les indisponibilités pour le premier match, sa Coupe du monde 2015 et la douloureuse élimination en 1/4 de finale contre l'Allemagne... Gaëtane Thiney s'est confiée.

 

Journaliste : Jouer le match d'ouverture contre la Corée du Sud au Paris au Parc des Princes, en tant que parisienne, ça met vraiment dans le grand bain ?

Oui ça va être un jour extraordinaire pour l'équipe de France, parce que c'est le début d'une Coupe du Monde et ça fait quatre ans qu'on attend ça. Pour ma part ça sera un match de Coupe du Monde dans une ambiance qui va changer du quotidien et qui va je l’espère nous porter et nous permettre d'être encore plus performantes.

 

Journaliste : En tant que cadre de l'équipe, vous essayez de dédramatiser l'enjeu, de calmer les plus jeunes ?

Dédramatiser ? Comme il n'y a pas de drame qui arrive, je ne dédramatise pas mais ce qui est sûr c’est qu'on a hâte d'y être, parce que ça fait quatre semaines qu'on travaille ensemble. Pour ce qui est du mélange générationnel, c'est vrai que nous on a l'expérience de compétitions et de grandes compétitions particulièrement en Coupe du Monde, Maintenant c'est ma première Coupe du Monde en France, donc c'est aussi de l’inconnu pour moi. Je le vis super bien et en même temps les jeunes ont beaucoup de spontanéité et de fraîcheur par rapport à ça. On est dans notre bulle, on est bien, on est souriantes, on est sereines, on se prépare, on fait de notre mieux, et on a hâte d'y être.


 

Journaliste : Au sujet des blessures depuis le début de la préparation (Henry, Le Sommer, Majri, Mbock).

J'ai envie de dire que la blessure fait partie du sport de haut niveau, donc à partir de là on s’entraîne deux/trois fois par jour, on fait une préparation athlétique très importante pour pouvoir tenir et être performante tout le long de la compétition. La blessure est induite dans la performance et l'entraînement. Aujourd’hui on a quelques pépins physiques [chez certaines joueuses] maintenant je ne suis pas médecin, je ne sais pas du tout combien de temps ça va durer, mais on n'est pas du tout inquiètes sur le fait qu'elles soient toutes avec nous, puisqu'on les voit avec le sourire, et ça à l'air de bien se passer.


 

Journaliste : La préparation, avec deux victoires en deux matches contre la Thaïlande (3-0) et la Chine (2-1) a été rassurante ? 

Oui, après c'est toujours la même chose, c'est-à-dire qu'on ne peut pas se baser sur deux matches. On sait où on en est, on sait ce qu'on a donné sur le terrain comme énergie et on sait ce que ça induit. Et ce que ça induit c'est que physiquement on est un petit peu moins bien sur le premier match [contre la Thaïlande], et un petit peu mieux sur le deuxième [contre la Chine]. On suit une logique de progressivité dans l’entraînement qui est liée à cette préparation, donc oui on suit notre chemin et normalement contre la Corée on sera encore mieux. Pour l'instant il n'y a aucun soucis [sur la préparation] bien au contraire.


 

Journaliste : Au sujet de la visite du Président de la République, Emmanuel Macron. 

Je ne le connais pas, puisque je ne l'ai jamais rencontré. On est très très fières et très heureuses de le rencontrer, c'est sûr. Après de là à dire que ça sera solennel je ne pense pas, parce que c'est quelqu'un qui a l'air plutôt dynamique. C'est le Président de la République, nous on représente la France, lui aussi, donc ça sera un petit moment pour partager nos expériences avec des problématiques différentes. Mais en tout cas j'espère qu'il nous donnera beaucoup de force et je n'en doute pas.


 

Journaliste : Quatre lyonnaises de l'équipe de France sont blessées (Eugénie Le Sommer, Amandine Henry, Griedge Mbock et Amel Majri). Ces blessures sont-elles dûes à un calendrier chargé ?

Non, déjà moi je suis joueuse, donc c'est compliqué de parler de calendrier. Le calendrier est ce qu'il est, [décidé] avec l'UEFA et la FFF. Maintenant encore une fois les blessures sont induites par l'entraînement, ce ne sont pas des blessures graves, elles sont pas out pour la Coupe du Monde, donc non ça ne nous pèse pas pour le quotidien et ça a l'air d'aller comme je vous le dis. Je ne suis pas médecin, je ne suis pas kiné, je ne connais pas les durées [de convalescence], les reprises de l'athlétisation, mais ce que je peux vous dire c'est que tout le monde a le sourire.

 

 

Avec votre expérience, l'équipe de France actuelle est-elle la meilleure avec laquelle vous avez joué ?

C'est incomparable ! C'est incomparable, parce qu'il y a 10 ans on avait des joueuses avec un très très bon niveau et aujourd'hui c'est pareil. La seule chose qu'on peut comparer, c'est de dire que aujourd’hui les joueuses qui composent l'équipe de France sont dans des conditions bien meilleures qu'il y a 10 ans. Aujourd’hui il y a des joueuses qui s’entraînent dans des centres d’entraînements magnifiques, qui peuvent faire que du foot, qui peuvent récupérer, se régénérer, qui ont des conditions d'entraînement qui sont top ! Après prendre les joueuses d'il y a 10 ans et les mettre dans ces conditions, je sais pas ce que ça donnerait, donc c'est incomparable. Ce que je sais c'est qu'on a une équipe qui est heureuse d'être ensemble et qui joue de mieux en mieux et qui se prépare au mieux pour être la plus performante !


 

Vous êtes située sur le terrain dans l'entre jeu des Bleues. Comment vous définiriez cette équipe de France, ses qualités, ses faiblesses ?

Le jeu actuel de l'équipe de France c'est - déjà je ne vais pas m’étaler (rires) parce que je ne vais pas raconter tous nos secrets - le tout comme dans la vie de groupe, beaucoup de cohésion, beaucoup de discipline et de rigueur défensivement. Parce que c'est un des objectifs et à haut niveau bien défendre c'est important. Et puis devant beaucoup de vitesse parce qu'on a des joueuses très puissantes, très rapides. L’objectif c'est que les joueuses qui ont un profil, où va poser un petit peu plus le jeu, on fasse la transition entre ces deux phases, entre ces joueuses qui vont très vites et notre qualité technique. Donc le tout c'est de trouver [l'osmose entre] temps fort temps faible, quand est-ce qu'on accélère, quand est-ce qu'on récupère et c'est un petit peu sur ça qu'on travaille au quotidien.


 

Journaliste : Au sujet des primes que les Bleues pourraient toucher à la fin de la Coupe du Monde, en fonction du résultat. Est-ce qu'elles ont déjà été négociées avec la Fédération ou sinon est-ce que vous souhaiteriez qu'elles soient plus ou moins égales avec celles des garçons ? L'exemple des Fédérations des Etats-Unis et de l'Afrique du Sud. Etes-vous sensible à cela ?

Je ne suis pas du tout sensible à cela, je le dis souvent, mais s'il fallait payer pour faire la Coupe du Monde, je paierais ! Donc je ne suis pas bien placée pour parler de ça, pour ce qui est des primes, franchement c'est un sujet toujours un peu complexe. L'égalité homme-femme, je n'ai pas de soucis [avec], et je n'ai pas de soucis pour l'entendre, mais en fait si on rapporte autant que les hommes, je n'ai pas de soucis qu'on gagne autant. Moi je parle "mathématique" en fait, et mathématiquement si on fait les comptes, je ne suis pas sure que l'équipe de France féminine rapporte autant que l'équipe masculine. Donc est-ce que c'est comparable, non, et encore une fois je vous le dis, les primes elles seront ce qu'elles seront. 

Franchement négocier avec la Fédération, quand on voit dans quelles conditions on est au quotidien, c'est à dire top, top top, on n'est pas là pour négocier parce qu'on fait partie de la même famille, donc je sais juste une chose c'est que ce qu'ils nous donnent, c'est la meilleure des choses. La négociation c'est avec des gens avec qui on a un peu moins d'atomes crochus, en tout cas c'est ma vision des choses, donc je n'ai pas de négociations à faire et je pense qu'il n'y a pas eu de négociations d'ailleurs puisque le Président est toujours très juste avec nous.

 

Journaliste : Sur le système de jeu (4-2-3-1) des Bleues, le même qu'au Paris FC, on peut imaginer que vous avez déjà vos repères, mais s'il y avait changement de système, où est-ce que vous pourriez jouer ? Est-ce que vous pourriez jouer par exemple dans un milieu à trois en tant que relayeuse ou on peut imaginer que vous alliez sur un côté, est-ce que vous avez travaillé d'autres systèmes de jeu ?

Des systèmes vous en avez vus plusieurs, puisque ça fait quelques années qu'on travaille. On ne travaille pas tout, et on change juste avant la Coupe du Monde, l'objectif c'était d'avoir des repères. Pour mon cas personnel, je suis une joueuse assez polyvalente puisqu'à l'époque avec Bruno Bini (sélectionneur de 2007 à 2013 ; ndlr), je jouais excentrée à gauche et je rentrais à l’intérieur. Au Paris FC je joue 10, parfois un petit peu plus bas quand il faut remplacer. J'ai un profil où je m'adapte, je peux jouer en-dessous de l'attaquante, je peux jouer milieu de terrain, je peux jouer sur un côté. Après le reste continue.

 

Journaliste : Impatience d'être au Parc des Princes ? La pression autour de ce premier match ?

J'en parlais justement ce matin, c'est assez paradoxal parce que en tout cas pour ma part, c'est un peu un rêve éveillé cette Coupe du Monde et en même temps, je suis dans une bulle, très dans le moment présent et très axée sur la performance. On sait qu'il y a une émulation énorme, on sait que ça va être extraordinaire, mais on est entre nous protégées un petit peu, et on en parle pas trop parce qu'on a entraînement, étirement, soin et on est vraiment focalisés sur ces moments qui sont des moments très importants pour être performantes vendredi. 

Donc oui c'est bientôt et [d'un autre côté] moi j'ai l'impression que c'est encore loin et franchement je profite de tous ces moments parce que pour avoir vécu plein de compétitions, ça passe très très vite. Là ça fait un mois qu'on est en préparation, dans un mois la Coupe du monde sera terminée. Donc je pense que même aller cet après-midi s’étirer et récupérer, ce sont des moments auxquels il faut profiter, pour pouvoir ensuite profiter au maximum de ce qu'on va vivre vendredi.

 

Journaliste : L'entrée dans le couloir du Parc des Princes vendredi tout juste avant le match ?

J'y pense pas (sourire), j'essaye de ne pas y penser. Parce qu'en fait tout ce qu'on va se représenter, ce n'est pas ce qu'il se passera. Vous le savez au quotidien on joue devant 500/1000 supporters, des fois un peu plus. Rentrer dans le Parc des Princes, je ne sais pas exactement combien il y a de places, mais je vais essayer de me préparer au mieux à ce 7 juin. Je suis allée voir plein de matches au Parc, sur des matches de Champions League, j'ai essayé d'être très très proche de ce couloir pour ressentir un peu ces émotions et ça fait déjà beaucoup d'émotion quand on est assis et spectatrice donc il y en aura beaucoup en tant que joueuse. 

Maintenant il faut qu'on arrive à prendre du recul et il faut surtout se dire qu'on est là pour jouer au foot, donc profiter de ce moment là, ces trois/quatre minutes qui vont être extraordinaires certes, mais ce qui est important c'est surtout de faire des beaux contrôles orientés, frapper dans le but, c'est ça la difficulté et c'est ce sur quoi je suis très très concentrée.


Journaliste : Diani à gauche et Cascarino à droite face à la Chine. Comment vous jugez la progression de ces deux joueuses, notamment lors de la dernière saison en équipe de France ?

Une progression très positive, ce sont des joueuses qui ont des qualités athlétiques hors normes, qui vont très très vite, qui sont puissantes, qui sont techniques, donc on est très très heureuses de pouvoir jouer à côté d'elles. Le football féminin, ce vers quoi il va tendre, c'est aussi ces profils-là. Quand on joue contre les Etats-Unis (victoire 3-1 le 19 janvier en amical, ndlr), quand on joue ces grosses nations, on a face à nous des joueuses de cette qualité athlétique, donc je suis très très contente pour elles et je suis très contente surtout pour l'équipe parce que ça nous fait des armes qui sont différentes puisqu'on a Eugénie [Le Sommer] également, qui a aussi un autre profil et qui est aussi très très performante. 

L'important c'est l'équipe, et d'avoir plusieurs possibilités dans l’équipe, avec plusieurs profils, c'est aussi une difficulté pour les adversaires. Donc on ne peut qu'être heureuses de voir des filles qui prennent de la confiance, qui frappent, qui marquent et qui vont continuer pendant la compétition j'en suis sûre.


Journaliste : Hier (dimanche 2 juin, ndlr) c'était votre dernier jour de repos, avant peut-être plus d'un mois de compétition. Qu'est-ce que vous avez fait, vous en avez profité pour bien souffler ?

Oui c'était rapide, mais moi j'ai la chance d'être Parisienne, au contraire des autres, donc je suis rentrée chez moi et oui ça a été très très vite, le temps de faire un petit resto, un peu les ongles, et puis voilà on est revenues. Mais on est bien, on est bien ici, parce que dès qu'on repart un peu dans notre quotidien, tout le monde nous parle de la Coupe du Monde, alors que quand on est en équipe de France, on nous préserve un peu plus et ce n'est pas plus mal.


Journaliste : Quatre ans après le dernier match de la Coupe du Monde perdu contre l'Allemagne en 2015 (1-1, 4 tab à 5), c'était une défaite cruelle. Est-ce que pour vous personnellement, ça reste une fracture ?

Oui en tout cas pour moi personnellement évidemment la Coupe du Monde 2015 et cette défaite contre l’Allemagne, elle a été difficile. Difficile a digérer déjà, parce que c'est une Coupe du Monde qui a été compliquée, parce que ce dernier match on le perd aux tirs au but et j'ai eu la possibilité de marquer à deux minutes de la fin, ce que je n'ai pas réussi à faire. J'ai beaucoup travaillé psychologiquement, j'ai une psychologue du sport qui me suit depuis deux ans et demi et je me sens très très bien, donc cette Coupe du Monde, face à l'Allemagne, pour moi c'est peut être la meilleure chose qui me soit arrivée. 

Parce que ça a été dur, ça a été beaucoup de remises en questions et ça m'a permis d'être là aujourd'hui parce que peut être que j'aurais abandonné, peut être que j'aurais arrêté, alors que là ça a été un moteur très très puissant pour moi. Je garde juste en mémoire sur ce dernier match contre l'Allemagne, le fait que après avoir raté ce but à deux minutes de la fin des prolongations, je suis allée tirer en premier mon tir au but, quatre minutes après et beaucoup de joueuses étaient surprises de ça. Ca me donne beaucoup de force et ça prouve aussi ma qualité mentale, qui fait que je suis là aujourd'hui. Et je suis très très heureuse, maintenant il faut rester concentrée et que cette Coupe du Monde se passe très bien et j'ai cette chance d'y être.

 

Journaliste : Certaines joueuses qui étaient présentes lors de la dernière Coupe du Monde ne sont pas là aujourd'hui justement. Est-ce qu'on se sent encore plus chanceuse ?

(Elle réfléchit) Oui je suis encore plus heureuse et très fière. Je pense vraiment - il y a eu évidement ma non-sélection aux Jeux olympiques 2016 et ensuite six mois compliqués où je me demandais si c'était la fin de ma carrière internationale ou pas. Et puis ensuite j'ai été reprise en janvier. Cette période janvier-février a été compliquée mais je n'ai jamais rien lâché. Dans ma tête c'était sûr que j'allais à la Coupe du monde. Je me souviens, quand je n'avais pas été sélectionnée pour les JO 2016, j'avais publié sur Twitter : "Je garde la forme même si j'aurais préféré qu'elle soit olympique. Rendez-vous à la Coupe du monde 2019." 

 

J'avais 30 ans déjà, c'était un peu fou de publier ça. Même moi je n'y croyais peut-être pas tout à fait. Mais je me suis accrochée à ça, quoi qu'il arrive. Même quand Corinne Diacre ne m'a pas appelée pendant six mois, je me suis accrochée à ça. Je me disais tout le temps : "Reste performante, reste performante ! Ne te blesse pas !" Et aujourd'hui je suis là, c'est cool ! Et puis il faut avancer dans la vie aussi. 

 

Journaliste : Vous parliez justement de Corinne Diacre, quelles sont vos relations avec elle ? Qu'est-ce qu'elle a apporté à cette équipe de France depuis sa nomination le 30 août 2017 ?

Mes relations sont très bonnes avec Corinne. C'est une personne très intelligente. Quand elle m'a rappelée, on a eu la possibilité de discuter et comme je suis quelqu'un qui aime dire ce qu'il pense, je lui ai dit et elle aussi. Et c'est ce qui a permis de construire une relation très saine. Ce qu'elle amène à l'équipe, ça vous le savez déjà ! Vous le voyez en conférence ! Elle nous apporte sa rigueur, et en même temps sa joie de vivre. On dit qu'elle ne sourit pas souvent mais je peux vous dire qu'au quotidien elle sourit ! Certes elle se met dans une bulle de protection mais voilà, elle est très rigoureuse, elle sait ce qu'elle veut. Elle nous dit qu'il faut être agressives, faut bien défendre, se lâcher offensivement. Et petit à petit, le travail avance. J'espère qu'il avancera jusqu'au 7 juillet. 

 

Journaliste : Est-ce que vous pensez davantage au match d'ouverture ou vous rêvez déjà à l'issue de cette Coupe du monde en s'espérant victorieuses à Lyon ?

On pense déjà au match d'ouverture. Après dans nos rêves, en tout cas dans les miens, j'ai envie d'être championne du monde. J'y pense donc mais c'est loin, il y a tellement d'efforts, de courses, de sauts, de changements de direction, de frappes, de passes... que ça paraît être une montagne énorme ! Donc on va procéder étape par étape, c'est beaucoup mieux comme ça ! Tout va tellement vite et moi je suis beaucoup dans le moment présent. C'est ma philosophie de vie et j'essaie de me l'appliquer. Ca me permet de vivre une super préparation et, je l'espère, une très bonne compétition. Donc je vais profiter déjà d'aujourd'hui.

 

Journaliste : Gaëtane, un mot sur l'engouement autour de cette équipe de France, qu'est-ce que vous en pensez ? Qu'est-ce que vous ressentez quand vous voyez ça ? Qu'est-ce que vous pourriez répondre à ceux qui pensent au contraire qu'il n'y aura aucun engouement autour de cette équipe ? 

Pour nous c'est génial ! Ce matin on a rencontré des enfants qui étaient venus nous voir. Le partage avec le public, justement j'en parlais au dîner qu'on a eu avec les Bleus le mercredi 29 mai à Clairefontaine. J'étais avec Blaise Matuidi et je lui disais que c'était ce que je leur enviais le plus, de rentrer dans des stades pleins à chaque match, tout le temps, que ce soit en Coupe, en championnat etc... Nous, on n'a pas cette chance-là. Ce partage avec le public est extraordinaire ! Ceux qui pensent qu'il n'y aura pas d'engouement, ce n'est pas mon problème, ils pourront regarder une série à la télé, chacun fait ce qu'il veut (rires). 

 

Journaliste : Les stades seront pleins durant cette Coupe du monde, les matches seront retransmis par TF1 et Canal+ et suivis par plusieurs millions de téléspectateurs. Comment convertir cet élan et cet intérêt pour la suite ? 

Déjà, du point de vue médiatique, il y a une mutation du foot féminin. Là il y a la Coupe du monde, mais on avait déjà les droits TV de Canal+ pour la diffusion de la Division 1 la saison dernière pour la première fois, même si c'est très réduit par rapport à la Coupe du monde. En fait je pense qu'à la FFF il y a eu une réflexion, une anticipation. Les droits de Canal+ pour la D1 sont déjà vendus pour les quatre prochaines saisons. Donc si la Coupe du monde cartonne, évidemment ça va engendrer plus d'audience, plus de visibilité. La Coupe du monde va être, évidemment, un coup de projecteur énorme pour le foot féminin. Ca rejaillira sûrement sur notre championnat. Et ça va changer les mentalités ! J'en suis persuadé parce que j'ai vécu la mutation de la Coupe du monde 2011 (où les Bleues avaient atteint les 1/2 finales, ndlr). 

A cette époque on était inconnues. Cette année il va peut-être encore y avoir une mutation mais on est déjà un petit peu connues. Pas en 2011, en un mois tout a changé et c'est devenu extraordinaire. Ensuite, ça s'est construit tout doucement. Mais il ne faut pas vouloir que demain notre niveau de médiatisation soit le même que pour les hommes, que la D1 soit comme la Ligue 1. Non. L'histoire du foot féminin français a commencé 40 ans plus tard que le foot masculin. Il faut laisser le temps au temps. Mais il y a une construction très positive et très structurée. Et ça va aller dans le bon sens. 

 

Journaliste : Une dernière question avec votre relation technique avec vos partenaires offensives. Avec qui avez-vous le plus d'affinités dans le jeu ? Eugénie Le Sommer, Kadidiatou Diani ? Valérie Gauvin ? Et qu'est-ce que vous privilégiez quand vous jouez avec l'une ou l'autre ?

Les trois joueuses que vous avez citées ont chacune un profil très différent. "L'instinct", je l'ai plutôt avec Eugénie. On se trouve très facilement car on joue ensemble en Bleues depuis l'Euro 2009, ça fait déjà 10 ans. Avec Diani, pareil, j'ai joué avec elle en club pendant 7 ans (de 2010 à 2017 au club de Juvisy, absorbé en 2017 par le Paris FC, ndlr). Je connais ses qualités. Et avec Valérie, elle me sert surtout de pivot et de soutien. J'essaie d'être au maximum à son soutien pour pouvoir être une rampe de lancement pour elle. Voilà, ces profils sont très différents, et c'est ce que j'aime, me creuser un peu la tête pour jouer différemment selon les types de joueuses et en même temps rester équilibrée pour que l'équipe puisse récupérer le ballon rapidement. 

Arnaud Le Quéré