L'analyse à chaud* de Frédéric Goncalves (ex-HAC) tout juste après la victoire en demi-teinte des Bleues pour leur dernier match de la phase de poules face au Panama (6-3). Une rencontre à deux visages pour l'équipe de France, qui a été "suffisante" selon l'ancien coach du HAC, en deuxième mi-temps. Les Françaises devront à présent régler ces détails, pour éviter l'élimination en huitièmes de finale, selon le technicien.

 

Coeurs de Foot - Quel est votre ressenti à chaud sur ce match de l'équipe de France face au Panama, remporté 6-3 ?

Les Bleues font la différence en première mi-temps. Après en deuxième mi-temps (il réfléchit brièvement), elles ont été suffisantes, elles étaient tranquilles, elles menaient 4-1, après il y a eu des changements, les joueuses qui sont entrées n'ont pas apporté forcément ce qu'on attendait. Peut-être aussi à cause d'une certaine - comme lors du premier match - crispation, ne pas réussir à rentrer dedans... Les rentrantes n'ont pas été dingues finalement.

Ensuite les filles qui étaient sur le terrain, il n'y avait pas d'automatismes et n'arrivaient pas à trouver de relations entre elles. Pour moi c'est le mot suffisant, qui me semble le plus adéquat sur la deuxième mi-temps.

J'ai bien aimé les Panaméennes, l'état d'esprit qu'elles ont affiché, la joie, le sourire, le bonheur qu'elles ont pu apporter à ce match en deuxième mi-temps, c'était sympa à voir. Ensuite tu te rends compte que dès qu'il te manque certaines cadres, ce n'est pas pareil.

 

CDF - Un match plutôt haché des Bleues malgré la victoire, car il y a eu ces trois buts encaissés quand même, les uniques buts du Panama, qui ont même été célébrés par les joueuses comme une victoire, malgré leur élimination ?

Oui [c'est compréhensible de les fêter]. De toute manière le match était perdu avant de le jouer. C'était leurs premiers buts de la compétition, donc elles les ont fêté dignement et bravo à elles.

 

CDF - Une équipe totalement remaniée, mais qui a eu du mal parfois à se trouver comme vous l'avez évoqué, on s'attendait aussi à revoir Kenza Dali. Quel est votre sentiment à ce sujet ? Est-ce que ça montre aussi une faiblesse de l’équipe de France, de ne pas avoir une équipe bis aussi performante que l’équipe première ? Doit-on s'inquiéter ?

A mon avis celles qui ne sont pas rentrées ont déjà donné satisfactions et ont déjà acquis leur place pour le prochain match. Dali, Le Sommer, Renard, Toletti au milieu de terrain, je pense que ces joueuses-là sont des titulaires pour Hervé Renard, donc il n'y avait pas nécessité de les faire jouer face au Panama.

Je ne dirais pas une faiblesse, je pense qu'il y a un écart de niveau entre certaines joueuses. Aujourd'hui en même temps, quand tu remanies autant une équipe, il faut aussi s'attendre à ce qu'il ait sur certains moments un écart. Mais pas tant que ça, car à la fin de la première mi-temps il y avait quand même 4-1 pour la France. Même si le début du match a été contrarié par ce coup franc [direct de Marta Cox], derrière elles ont mis quand même quatre buts, donc elles ont quand même été sérieuses.

Il y a eu des phases de jeu plutôt cohérentes, mais s'inquiéter je ne dirais pas cela, car sur les matches à élimination directe, tu ne changeras jamais cinq joueuses de ton onze, tu peux en changer une voire deux. Déjà de base il y a plusieurs absentes, sur ce match il a fait plaisir à tout le monde, et au final il a gagné le match. Je pense qu'il est déçu de cette deuxième mi-temps, puisqu'on a eu une France, avec un autre visage, de la suffisance. Le match était déjà gagné [dans leur tête], on aurait voulu peut-être avoir une mentalité plus conquérante, avec plus de buts.

Il y a eu beaucoup d'erreurs techniques, beaucoup de maladresses, avec une trentaine de tirs au but, mais il n'y en a qu'une dizaine de cadrés. C'est peut-être là où il faudra aussi progresser, sur la dernière passe, les centres. On a tendance parfois à se précipiter, à ne pas choisir peut-être la bonne zone où mettre le ballon. Il y a des choses à corriger, maintenant l'équipe de France finit quand même première d'un groupe compliqué, quand on voit le Brésil [se faire] sortir par la Jamaïque, donc ça veut dire qu'elle est méritante. Il faut garder les choses positives, il ne faut pas toujours être négatif, médisant.

 

CDF - Les changements en seconde mi-temps, les sorties de Bacha et Geyoro ont-ils déstabilisé l'équilibre de l'équipe de France, selon-vous ?

Certaines joueuses ont été décevantes, timides, on ne les a pas trop vu. Il y a du bons et du moins bons. Maintenant l'équipe sait, étant données qu'elles sont passées dans la difficulté, donc elles sont habituées à cela maintenant et derrière tu sais que tu ne pourras pas rouler sur les autres équipes.

Là la France n'arrive pas forcément [favorite] pour le titre, puisqu'il y avait d'autres équipes devant elles. Mais on le voit aujourd'hui, les États-Unis sont passés par la petite porte [en huitièmes], elles n'étaient pas loin de se faire sortir [par le Portugal]. On a le Brésil qui est éliminé, il y a d'autres équipes, comme le Canada aussi, donc aujourd'hui on se rend compte que rien n'est facile.

 

CDF - Pour vous ce match est plutôt positif ? Avec Kadidiatou Diani qui inscrit un triplé dans la rencontre.

C'est aussi peut-être un moyen pour le coach de remettre les pendules à l'heure. En même tu gagnes, en ayant quatre taulières sur le banc. Pour moi ce match est positif, car tu as pu faire tourner les joueuses, tu as pu reposer certaines cadres, donner du temps de jeu à d'autres, tu as pu les concerner par la compétition.

Avec Kadidiatou Diani qui inscrit trois buts, c'est bien pour elle, c'est bien pour l'équipe de retrouver une buteuse. A la mi-temps tu gagnes 4-1, mais tu fais 2-2 en deuxième mi-temps, c'est là où la copie est moins belle que si tu t'arrêtais à la première mi-temps. Maintenant bien sûr il y a plein de choses à revoir, certaines filles ont été absentes sur le match, il y a des erreurs techniques. C'était un moyen pour l'entraîneur de voir l'équipe, qui jouera le prochain match.

 

CDF - Un stade acquis au Panama, est-ce que en tant que coach parfois on peut se demander pourquoi tant de haine à l'égard de son équipe ?

Ce n'est pas de la haine, ce match c'était comme David contre Goliath. Le stade avait bien vu qu'il y avait un écart entre les deux nations, que la France était bien supérieure au Panama en première mi-temps.

Après avec l'envie, avec la joie quand elles [les Panaméennes] marquent le deuxième but, il y a 5-2, comme si elles menaient, qu'il y a tout le banc qui saute [de joie], qu'elles dansent, qu'elles sont joyeuses, tu sais que le match est plié pour la France, mais tu as envie d'encourager ces filles-là. Elles te donnent un sourire, du bonheur, c'est normal. Je pense que le public n'était pas forcément contre la France, mais plutôt pour le Panama, pour le petit poucet. Tout le monde aime les belles histoires, le petit qui va battre le grand, l'être humain est comme ça.

 

CDF - Qu'avez-vous pensé du match Brésil-Jamaique, qui est un peu l'équipe surprenante de cette phase de groupes finalement ?

La Jamaïque fait du foot que l'on n'aime pas forcément, avec un bloc très défensif, très bas, avec [Khadija] Shaw devant, une gardienne [Rebecca Spencer (élue joueuse du match contre le Brésil)] qui est bien [en place], mais avec une défense très solide, avec un milieu de terrain, qui est très agressif. Ce sont des joueuses qui sont taillées pour ça. Elles ont pris zéro but [en phase de groupes], le Brésil n'a pas réussi à faire sauter le verrou et elles n'ont pas eu pléthore d'occasions, donc j'ai envie de dire, après le match nul contre la France, match nul contre le Brésil, bravo à elles.

Elles sont invaincues, elles passent avec cinq points, elles ont battu l'équipe qu'il fallait battre, le Panama et les voilà en huitièmes de finale. Attention parce qu'en jouant comme ça, en déjouant, l'équipe qui les jouera au prochain tour (il s'agit de la Colombie, qui s'est qualifiée ce jeudi dans le groupe H, ndlr), ça ne sera pas une chose simple, elles maitrisent bien leur sujet les Jamaïcaines. En plus Shaw ne passe pas loin à 10 minutes de la fin du match, de marquer ce but en contre. Ces équipes-là ne sont pas belles à voir jouer, par contre elles sont efficaces et le haut niveau on demande de l'efficacité.

 

CDF - Le plus dur est à venir pour les Bleues, avec la Colombie, l’Allemagne voire le Maroc, qui sait comme potentiel adversaire en huitièmes de finale ?

Ça serait une belle histoire que ça soit le Maroc, moi j'aimerai bien, pour l'équipe de France et pour le Maroc, car je connais quelques joueuses de l'équipe nationale. Franchement j'aimerais bien voir cette équipe-là créer la surprise et passer au prochain tour. Ça ne sera pas simple, car il faut pas mal de facteurs. Je pense que le Maroc fera tout pour embêter et aller chercher les trois points contre la Colombie, et il faut aussi que l'Allemagne ne gagne pas le prochain match [contre la Corée du Sud]. Donc ça ne sera pas évident, mais dans le football tout est possible.

 

CDF - Quel est votre pronostic pour le futur adversaire des Bleues entre ces trois adversaires ?

Je pense que la Colombie en battant l'Allemagne va finir première. Je pense que c'est l'Allemagne qui est le mieux armée pour suivre sa route. Après tout va dépendre du goal-average, le problème du Maroc c'est d'avoir pris 6-0 contre l'Allemagne. De toute façon peu importe, qui y sera, il ne faut pas avoir peur de l'Allemagne. Il n'y a pas longtemps on a joué la Colombie, on les a battu (5-2) [alors qu'elles ont battu les Allemandes lors du deuxième match de poules, 2-1].

Historiquement la France n'a jamais battu l'Allemagne en compétition officielle, mais il faut toujours un début à tout, il faut briser le signe indien, si jamais ce sont les Allemandes qui sont qualifiées. Personnellement la France comme elle a joué contre le Brésil, peut faire de grandes choses. Mais c'est sur que c'est si elle est suffisante comme en deuxième mi-temps aujourd'hui, non, évidemment que ça n'ira pas plus loin. La vraie équipe de France, c'est celle qui a joué contre le Brésil et dans les grands rendez-vous les joueuses seront-là, j'en suis sur. Maintenant on ne sait pas, le Maroc peut aussi se qualifier.

 

*Interview réalisée mercredi 2 août au téléphone 

Dounia MESLI